Succession à la FAO et au FMI : Aux pauvres les grosses misères, aux riches les grosses fortunes

Il s’est bien lourdement trompé, celui qui a proclamé la sentence « aux derniers, les bons. » ! Dans le contexte international en tout cas, il s’est leurré. Je n’en voudrais pour preuve que les récents passages de témoin à la tête d’institutions internationales de renom telles que le Fonds monétaire international (Fmi) et L’organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Quand on est les derniers de la classe internationale, quand on est stigmatisé dans la périphérie d’un monde dont le centre est gouverné par le nerf de la guerre, on est forcément mal, très mal servi au moment de la redistribution des dividendes.

Le Fmi, depuis les événements qui ont envoyé tout droit son ancien Directeur général Dominique Strauss Kahn hors-jeu et même plus que ça, s’était déclaré en quête d’un nouvel administrateur. La Fao, à quelques mois du terme du troisième mandat du sénégalais Jacques Diouf qui la dirigeait depuis 1994, recherchait également un nouveau patron. Dans les deux cas, il s’agit d’institutions du système des nations unies, appelées donc à être dirigées par toute personnalité ressortissante de l’un des 192 Etats membres de l’Onu. Pour autant que celle-ci réunisse les qualités intellectuelles et morales requises pour des fonctions d’un tel niveau de responsabilité. Mais il faut croire, à l’issue de la répartition qui vient d’être faite, que dans l’une au moins de ces instances, se jouent des enjeux autrement hors de portée des ressortissants des pays du sud et que dans l’autre, il n’est que de ressortissants de ces mêmes pays pour s’y frotter, et s’y piquer. En termes plus clairs, le Fmi a toujours été dirigé par un pays développé et cela va continuer, tandis que la FAO se voit confiée aux soins d’une nation en développement.

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Cette répartition tiendrait-elle d’une discrimination ? D’une règle ? Faut-il croire que les pauvres seraient mieux à même de s’occuper de leur propre sort et les riches, les plus en droit de gérer les deniers internationaux ? En réalité, la direction générale de la FAO, au fil de son histoire, n’a pas échu qu’à des pays du sud. Même si depuis 1973, l’organisation a été dirigée successivement par un libanais, un sénégalais avant la désignation récente du brésilien José Graziano da Silva. Cette pratique est peut-être confirmée par l’absence de candidature d’un ressortissant d’un pays riche lors de la désignation d’un successeur au sortant Jacques Diouf. De fait, la FAO, depuis sa création, n’a pas véritablement convaincu de son utilité. Cela s’est manifesté avec une grande acuité notamment lors de la mémorable crise alimentaire des années 2008 et 2009. Le président sénégalais Abdoulaye Wade n’a pas hésité à cette occurrence à suggérer la suppression pure et simple de l’organisation. Et même si on peut le soupçonner d’arrière-pensées politiques dirigées contre un compatriote intéressé par les futures élections présidentielles dans son pays, l’écho des propos de Me Wade a donné un indice de la désaffection des pays du sud vis-à-vis de cette institution censée les aider à éradiquer le problème de la faim.

Il est évident que ce n’est pas de la responsabilité de ses différents directeurs généraux si la FAO a autant de mal à accomplir les missions qui lui sont assignées. Il faut, de ce point de vue, voir du côté du budget de l’organisation. Pour des besoins estimés à des dizaines de milliards de dollars annuels, la FAO doit se contenter de deniers qui tournent autour de deux milliards seulement chaque année. Or, dans le même temps, une institution comme le Fonds monétaire a vu son budget triplé en 2009, et porté à plus de 750 milliards de dollars annuels depuis cette époque.

C’est peut-être pour ne pas confier la gestion de fonds aussi faramineux à un ressortissant de pays du Sud, que les Grands de ce monde, ont conclu depuis la signature des accords de Bretton Woods en 1944, le tacite accord qui octroie la direction du Fmi à un pays européen et la présidence de la Banque mondiale aux Etats-Unis. Mais ne soyons pas mauvaise langue. La vérité est que dans la tourmente économique que connaissent plusieurs pays d’Europe à l’heure actuelle, il était plus rassurant pour l’ensemble des pays du Nord et dans une certaine mesure pour ceux du Sud, qu’un dirigeant venu d’Europe garde la haute main dans la gestion des affaires de l’institution.

Une chose reste certaine, la décision finale revient aujourd’hui comme hier et peut-être encore demain aux grandes puissances occidentales. Rien dans leur attitude actuelle ne présage de ce qu’elles feront de la direction du Fmi, de la banque mondiale ou d’autres institutions internationales dans la perspective des fins de mandat à venir. Tout dépendra encore de la conjoncture internationale et des intérêts du moment. En attendant, nous pouvons bien continuer à protester. Pour la forme. Car nous le savons très bien, ce n’est pas parce qu’un ressortissant du Sud aura été choisi pour diriger l’une ou l’autre des institutions de Bretton Woods que quelque chose changera au sort des Etats les plus pauvres. Tout le reste n’est que vénielle excitation.

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