Attentat politique en Guinée : une senteur de manipulation

Qui donc se cache derrière le coup de force tenté contre le Président guinéen Alpha Condé dans la nuit du 18 au 19 juillet 2011 ? Ou devrais-je plutôt dire « qu’est-ce qui… » ? Ou carrément, dans le souci d’osmose qui sied à ce genre de cas, ne vaudrait-il pas mieux poser les deux questions ? Assurément oui. Dans tous les cas de figure, la probabilité d’un coup monté est envisageable. Tout autant que peut l’être celle de la résurgence des appétits naguère étouffés.

Il ne faut pas jurer des hommes politiques. Pas plus des Guinéens que des autres. La folie et la griserie dont le pouvoir porte le ferment les ont si souvent conduits à faire des arrangements avec la vérité qu’il convient de tout prendre, quand cela les implique et les concerne, avec une extrême circonspection. Cela est encore plus vrai dans la tumultueuse histoire politique de ce pays qui n’a épargné des tentatives de coup de force que le seul Général Sékouba Konaté, dont le passage à la tête de l’Etat a été si éphémère qu’il n’a duré que quelques mois. Avérées ou non, plus souvent factices qu’effectives d’ailleurs, les tentatives de coup d’Etat contre les dirigeants successifs de la Guinée Conakry ont toujours jalonné le parcours de chacun d’entre eux, au point de faire presque partie de la routine. Ahmed Sékou Touré, Lansana Conté, Moussa Dadis Camara, chacun en a eu pour son compte. Pour ce qui est du nouveau président Alpha Condé, ce n’était donc qu’une question de temps. Même si la longue tradition despotique que l’on espérait avoir close avec l’élection présidentielle de 2010, donnait à penser que quelque chose était en train de changer. Bête qui s’y fie ! Il n’aura pas fallu plus de six mois pour que les vieux démons ressurgissent. Sauf que ces vieux démons ne sont peut-être pas ceux que l’on croit.

Publicité

Il y a dans les événements du 19 juillet au matin certains détails qui troublent et que les sceptiques mettent en exergue depuis le fameux attentat. Le plus emblématique est le peu de promptitude dans l’intervention des renforts pourtant stationnés dans le camp militaire Alpha Yaya Diallo à moins de 10 minutes de la résidence assiégée du Chef de l’Etat. Le président Apha Condé, au lieu de s’en offusquer, explique placidement n’avoir pas voulu solliciter des renforts face à des assaillants dont il ne connaissait en principe ni le nombre, ni le type d’armement, ni la détermination. C’est encore bizarrement ce jour-là, que le Président de la république a jugé bon ne pas dormir dans sa propre chambre, cible de pilonnages en règle, mais dans une autre pièce de la résidence.

Cette assurance et cette sérénité du président Condé cachent au moins deux choses. Soit, la tentative de coup de force a été éventée à temps, sans qu’il ne soit décidé de la prise des mesures préventives de dissuasion, soit toute cette histoire n’était qu’un coup savamment monté, un fin piège dans lequel se sont laissés embarquer certains chefs militaires friands d’honneurs et de privilèges et incapables de comprendre que les temps sont en train de changer. L’autre hypothèse serait celle d’un véritable attentat politique auquel Alpha Condé aurait échappé par miracle. Au regard de chacun de ces postulats, le régime en place invente ou profite d’une situation de crise pour s’attaquer à quelques grosses pointures de la classe politique et surtout de la haute hiérarchie militaire qui, soit s’opposent en sourdine aux réformes, soit par leur simple existence, constituent des menaces réelles ou supposées pour Alpha Condé. Le grand balayage !

Ce qui parait tout de même incongru, c’est l’orientation actuelle des enquêtes et des arrestations dans les rangs des supposés commanditaires et exécutants du coup. En ligne de mire, apparaissent trois personnalités : le Général Sékouba Konaté, maître d’orchestre de la transition qui a permis l’accession au pouvoir du Président Condé ;  Cellou Dallein Diallo, candidat malheureux à une élection qu’il avait mille raisons de contester, sans l’avoir fait ; et l’ancien chef de la junte Moussa Dadis Camara. Chacune de ces personnalités avait peut-être un motif suffisant pour tenter un coup d’Etat. Si banal et si facile à fomenter en Guinée. Le Général Konaté se désolait peut-être de la conduite (chaotique) de la transition par son successeur. Cellou D. Diallo accuse le chef de l’Etat de réserver aux gens de son ethnie, les Peuhls, un traitement discriminatoire. Comme dans un bégaiement de l’histoire. Autant qu’il le « mépriserait » lui-même. Quant à Dadis Camara, subsiste-t-il peut-être encore chez lui l’envie de revenir. Et de continuer l’histoire là où il l’a laissée.

Hypothèses certes improbables, voire tirées par les cheveux. Mais une chose est certaine, les motivations profondes des coups d’Etat, gardent quelque chose d’irrationnel, d’inexplicable, d’inextricable. Les événements de Conakry n’ont pas encore livré toutes leurs vérités. Mais déjà, la chasse est ouverte. La chasse aux sorcières.

Publicité

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Publicité