La durée. Nous y sommes réfractaires. Voilà le ventre mou de nos pays, le talon d’Achille de toutes nos entreprises. Nous avons le génie d’inscrire tout ce que nous réalisons dans la fragilité du temporaire, dans l’inconsistance de l’éphémère. Le Centre international de football Ajavon Sébastien (Cifas), porté sur les fonts baptismaux il y a quatre ans, vient de rendre l’âme. Son propriétaire-fondateur a décidé de le fermer.
Au motif que des difficultés et des blocages de tous ordres ont fini par asphyxier cet espace de formation. Ainsi, le Cifas s’efface. Et dire que nous rêvions de voir se développer, dans notre pays, un pôle d’excellence du football.
Laissons à d’autres, si telle était leur volonté, de s’épuiser à instruire un procès, à chercher des coupables, à trouver des boucs émissaires. Quand le malheur vient à frapper, la meilleure attitude à tenir est celle de l’observateur doublé de l’analyste qui bénéficie du privilège de la distance. Celui-ci est capable de promener un regard lucide sur quelques faits saillants et marquants de notre société en pleine mutation. La fermeture du Cifas nous inspire les remarques ci-après.
On a dit, à juste raison, que celui qui ouvre une école ferme une prison. Mais quel risque prenons-nous en fermant l’école que nous avons pris soin d’ouvrir en vue de parer à une dérive pénitentiaire ? Avec la fermeture du Cifas, nous nous sommes bouclés à double tour dans la prison de l’échec. Un échec que partagent l’Etat, le promoteur du Centre, les institutions officielles de notre sport, les gestionnaires, les animateurs à différents niveaux, à divers titres de notre football. Bref, il s’agit d’un échec général aux allures d’un naufrage individuel et collectif. Pourquoi ?
Parce que, tous autant que nous sommes, nous n’avons pas réussi à enrayer les dangers qui menaçaient le Cifas. Tous, autant que nous sommes, nous n’avons pas su arrêter cette catastrophe de grande ampleur que constitue la fermeture du centre. Fermer une entreprise de production de biens et services est déjà, en soi, une catastrophe. C’est la totale quand c’est un centre de formation que l’on ferme. Cela affecte ce que nous avons de plus précieux, ce que nous avons de plus cher, à savoir la ressource humaine. C’est une insulte faite à l’intelligence, une gifle flanquée à l’excellence.
Paulo Coelho a eu cette pensée lumineuse (Citation) : « Quand on ne peut revenir en arrière, on ne doit se préoccuper que de la meilleure façon d’aller de l’avant » (Fin de citation). La décision de fermer le Cifas est déjà derrière nous. Nous la conjuguons, désormais, au passé. Reste, ce que nous devons faire à présent, la meilleure manière de nous venger de l’adversité, de nous propulser en avant.
D’abord, retenons pour l’avenir, que des centres pionniers, des centres d’excellence du genre Cifas doivent bénéficier, dès le départ et selon un temps déterminé, de l’accompagnement nécessaire de la puissance publique. Le statut privé de ces centres n’y change rien. C’est au nom d’un tel principe que l’Etat alloue, chaque année, aux médias une assistance spéciale connue sous la dénomination de « L’aide de l’Etat à la presse privée ». Si la presse du renouveau démocratique participe à l’ancrage de la démocratie dans notre pays, qui nierait que le Cifas ne jouait pas le même rôle dans le développement du football dans notre pays ?
Ensuite, retenons pour l’avenir, que ce qui s’expérimente avec bonheur sur un autre plan et dans d’autres secteurs, à savoir le partenariat public privé (PPP) peut trouver à s’appliquer utilement, dans le champ du sport en général, dans le champ du football en particulier. En clair, il doit relever désormais de la politique sportive de l’Etat de s’adjoindre aux initiatives privées pour créer des synergies créatrices et porteuses. Pour illustrer notre propos, nous avons, en son temps, appelé l’attention sur la réhabilitation du stade Charles De Gaulle de Porto-Novo. De l’audace et de l’ambition, et nous soulèverons des montagnes.
Enfin, retenons pour l’avenir, que face à un désastre, comme la fermeture du Cifas, l’Etat devrait développer la capacité, s’il en jugeait ainsi, de déclarer le Centre d’utilité publique et de le maintenir ouvert, contre vents et marées, après accord avec le propriétaire. C’est, sans doute, de gros moyens à mobiliser. C’est plus sûrement une volonté politique ferme à affirmer.