CNT libyen : de grands enfants gâtés ?

On ne leur refuse rien. Ils n’ont aucune légitimité. On leur accorde celle de représenter le peuple libyen dans son entièreté. Ils sont illégaux. On les reconnaît comme de droit et d’utilité publique. Ils sont peut-être antidémocratiques. On adoube leur guerre contre le despote. Ils sont peut-être islamistes. On leur accorde le bénéfice du doute. Le Conseil national de transition (CNT) libyen est reconnu un peu partout à travers le monde maintenant comme représentant la seule alternative crédible au Colonel Mouammar Kadhafi au pouvoir depuis 42 ans. Mais quand il semble attendre de l’Union africaine qu’elle lâche totalement le Guide, pour lui faire la meilleure place dans la Libye de demain, il y a peut-être de quoi le trouver quelque peu présomptueux.

Le CNT n’a pas encore montré patte blanche. Ni aux yeux de la communauté occidentale massivement engagée à ses côtés, ni vis-à-vis de l’Afrique qui a décidément bien de mal à lâcher celui qui, pour elle, fut un véritable mécène ces vingt dernières années. Le CNT, s’il a le soutien de puissances occidentales comme les Etats-Unis d’Amérique, de la Grande-Bretagne ou encore de la France et de l’Italie, n’a pas encore convaincu le monde de la noblesse de ses intentions. On eût dit que la situation en Libye amène simplement ces Etats à choisir de deux maux, le moindre. Au despote de quarante ans, fourbe et retors, iconoclaste et coléreux, il vaut peut-être mieux l’incertitude des lendemains aux côtés de ceux à qui l’on aura apporté le soutien décisif au moment crucial. Mais cela, c’est le problème des Occidentaux. Pas de l’Afrique. Pas de toute l’Afrique en tout cas. Raison pour laquelle, quand, plutôt que de se réjouir du choix de l’UA d’écarter le Guide libyen des pourparlers dans l’optique d’un retour de la paix, le CNT rejette les propositions de l’institution panafricaine, en exigeant une prise de position pour le départ pur et simple du Guide,  je me dis bien qu’il en demande un peu trop. Trop à l’Afrique. Trop à cette Afrique-là.

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Le CNT n’est vraiment pas conciliant. Comment peut-il, après tout le mal que la conférence des Chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union africaine s’est donné avant de décider de l’exclusion de Mouammar Kadhafi des négociations, trouver que l’UA n’est pas allée assez loin ? Comment pouvait-il se permettre d’espérer que le club des Chefs d’Etat d’Afrique allait décider, comme par enchantement, de retirer tout soutien au Guide et demander son départ ? A-t-il d’ailleurs déjà lui-même fait montre de sa bonne foi ? Que propose-t-il en réalité en substitution à la gouvernance Kadhafi ? Non pas seulement dans l’intérêt des citoyens libyens, mais aussi, pour le compte des Etats d’Afrique ? Les dirigeants africains présents à Malabo n’ont pas botté en touche pour rien. En mettant en exergue le rôle qu’ils entendent donner ou plutôt ne pas donner à leur homologue libyen dans d’hypothétiques négociations sans vraiment faire état de l’avenir de la Libye, ils ont sans doute voulu signifier au CNT qu’il ne les rassure pas. Et que bien d’efforts lui restent à faire avant de devenir aux yeux de l’Afrique l’autre option politique que les Occidentaux ont identifiée en lui dès les premières heures de l’insurrection libyenne.

Il faut tout de même un peu de naïveté pour attendre du CNT que ses positions à l’égard des propositions de l’Union africaine changent. Le fait est qu’il n’ignore pas l’incapacité évidente de l’institution panafricaine à influencer véritablement le cours des événements en Libye. Pour ce faire, il compte déjà sur la coalition occidentale menée par l’OTAN et sur les ralliements de pays auparavant hostiles comme la Chine, la Turquie et dans une certaine mesure, la Russie. Il compte également sur les frappes militaires intensives dont sont la cible les troupes du Colonel Kadhafi, obligées depuis quelque jours de se tenir sur la défensive. Il compte enfin sur les marques de soutien en forme de largage d’armes que certains Etats comme la France ont admis avoir effectué ces derniers temps. Et tout cela, l’UA n’a pas le moindre moyen de s’y opposer. D’autant plus que ses dissensions internes de plus en plus mises à nu, compromettent forcément la tenue d’une position unique et stricte.

Le CNT veut le pouvoir. Et finira sans doute par l’avoir. Certains ralliements récents à sa cause annoncent des lendemains bien sombres pour le Guide. Mais l’Afrique, en tout état de cause, ne peut offrir plus que ce qu’elle a déjà offert. Au vu de ses intérêts. Au regard de ses contradictions internes. Mais cela n’est certainement pas suffisant. Par rapport à ce qu’elle est en droit d’attendre de la Libye de demain.

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