Et si nous changions de logiciel mental

Le Bénin, c’est le Bénin. Une telle formule, lapidaire à souhait, ne définit pas le Bénin. Du reste, aucune définition ne peut suffire pour dire un pays, pour parler de ses peuples, pour rendre compte de l’infinie diversité de ses us et coutumes, pour saisir le chatoyant tableau de ses cultures et de ses valeurs de vie. Qui veut définir prend le risque de raccourcir et de réduire.

Le Bénin a été souvent emballé dans des formules rapides qui ont fini par nourrir et par entretenir des croyances durables. Ce qu’endossent les Béninois eux-mêmes, dans leur immense majorité. Qu’on ne demande pas à l’étranger de faire autrement. Il a même raison d’en rajouter. Nous avons sélectionné quelques unes de ces formules. Nous les avons surtout relues après avoir changé notre logiciel mental.

Publicité

1 – Le Bénin, « quartier latin de l’Afrique. » Cette idée est historiquement datée : 1948. Son auteur est connu : Emmanuel Mounier. En nous désignant comme tel, ce dernier rendait hommage aux premiers cadres béninois, des produits de la politique assimilationniste de la France coloniale. Par et à travers ceux-ci, notre pays s’était adjugé le premier rang à l’école coloniale française. Sans que nous puissions dire ce que nous avons perdu au change, sur le terrain de l’affirmation de notre identité, de la défense et de l’illustration de nos propres valeurs culturelles.

Reste à noter que l’idée d’Emmanuel Mounier a été tronquée. Il convient de la restituer en vérité, en totalité. Emmanuel Mounier a textuellement écrit (Citation) : « Le Dahomey est le quartier latin de l’Afrique. Mais cet intellectualisme fait de méchanceté et de mesquinerie est de nature à retarder le développement du pays. ». (Fin de citation)

2- Le Bénin est l’un des pays les plus démocratiques d’Afrique, pour avoir été le berceau des conférences nationales souveraines. C’est vrai que le Bénin a ouvert, en 1990, un immense chantier sur le front de l’instauration de la démocratie libérale et pluraliste. Ce fut un bel exemple qui n’a pas manqué de faire tache d’huile. Nous avions pris alors une belle avance. Si celle-ci avait été maintenue, sans doute que Barack Obama, pour sa toute première tournée africaine, aurait préféré l’escale de Cotonou à celle d’Accra, au Ghana.

3 – Le Bénin est un pays béni de Dieu. Certainement. Parce que Dieu bénit tous les pays de la terre dont le Bénin. Des pays peuplés de ses créatures. Des pays habités par des hommes et des femmes qu’il a créés à son image. Seulement, la bénédiction de Dieu se mérite. Car Dieu est justice. Il ne saurait punir le bon et tresser une couronne de félicité au méchant. Il n’y a donc pas de pays qui soit béni de Dieu, a priori et de toute éternité. Chaque pays, chaque jour, doit en faire un peu plus pour mériter d’être dans la grâce de l’Eternel. Le Bénin, à cet égard, n’est pas et ne sera pas une exception. Le Bénin ne bénéficiera pas d’un régime de faveur.

Publicité

4- Le Bénin, c’est la terre des gris-gris, des sortilèges malfaisants et des pratiques magiques visant à nuire. Ainsi vu, le Bénin est bien parti pour être la patrie des méchants et les Béninois pour mériter la palme mondiale de la méchanceté. N’est-ce pas faire le jeu de ceux qui ont cru bon inventer le mot « béninoiserie » pour caractériser, selon eux, cette propension béninoise à la méchanceté gratuite ? Nous serons plus près de la vérité en situant et en retenant la méchanceté comme un travers humain. Elle est à tenir pour l’un des vilains sentiments que tous les hommes de la terre ont en partage. Indépendamment de la couleur de leur peau. Indépendamment de leur statut social.

5- Le Bénin est terre de cultures. Sûrement. Ceci par l’exceptionnelle fécondité créatrice de ses peuples, par l’extrême diversité de ses productions culturelles, par l’incomparable richesse de son patrimoine matériel et immatériel. Mais le Bénin reste-t-il toujours terre de cultures, quand celles-ci poussent sur des terres encore en friche ou incultes, quand l’art ne nourrit pas son homme ou sa femme d’artiste, quand nous continuons de penser et de réfléchir avec la tête d’autrui, en crachant, au passage, sur nos propres valeurs ? Nos cultures sont à cultiver en notre propre jardin, avec un Béninois reconvertit en bon jardinier conscient sur les périmètres de ses responsabilités historiques.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Publicité