Le badaud, l’ennemi du développement

Qu’est-ce qu’un badaud ? C’est celui ou celle qui s’attarde à regarder le spectacle de la rue. Et nous sommes, pour la plupart d’entre nous, des badauds. Qu’un conducteur de taxi moto vienne à se retrouver par terre, avec son client, les quatre fers en l’air, soyez assuré que le spectacle est immédiatement garanti. Une foule de curieux fera aussitôt cercle autour des malheureux, chacun assurant à sa manière, un reportage en direct de l’événement.

Car, pour le badaud, l’événement est partout. Il est au coin de la rue. Il est également dans les cours des habitations privées. Tous les espaces offrent au badaud l’occasion de voir, de rire ou de compatir, dans tous les cas, de prendre sa part à un acte social. Il se veut plus qu’un simple spectateur. Il est un témoin actif aux côtés des êtres humains en situation. Que quelque chose survienne au coin de la rue, et c’est par grappes entières que les conducteurs de taxi moto, toutes affaires cessantes, se porteront sur la scène de ce qui est arrivé. Le temps ne compte pas. Les clients peuvent attendre.

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Il est, aussi, une autre manière d’être badaud sous nos cieux : s’asseoir quelque part et avoir la rue dans son champ de vision. On tient alors sous ses yeux tout ce qui va et vient, tout ce qui passe et repasse. Ce qu’exprime bien le mot en fongbé de « Wayiwayi ». Un peu comme si l’on était assis devant un poste téléviseur. Mais à cette différence près qu’au lieu du petit écran, c’est au grand écran de la rue qu’on a droit. Notre badaud peut alors se repaître les yeux du spectacle de la rue, avec la possibilité d’intervenir, à tout moment, dans ce qu’il regarde et qui ne le regarde pas. Un philosophe allemand a écrit (citation): « L’homme ordinaire ne se préoccupe que de passer le temps, l’homme de talent que de l’employer » (Fin de citation).

Les badauds que nous sommes, à des degrés divers, sont proches de cet homme ordinaire qu’on dit ne se préoccuper que de passer le temps. Il faut, en effet, avoir un rapport aussi ambigu qu’élastique au temps pour trouver son centre d’intérêt en tout et partout. C’est la preuve qu’on n’a p as d’objectif précis, de but déterminé, dès lors que l’on peut se laisser distraire, à tout moment, par tout ce qui advient.

Concédons-le comme une première vérité : ne comprend rien au dicton selon lequel « Le temps, c’est de l’argent », le conducteur de taxi moto qui est de tous les attroupements de curieux, à tous les coins de rue. De même qu’est proprement improductif, et pour lui-même et pour sa société, l’adepte du « Wahiwahi » qui passe son temps à se délecter du spectacle de la rue.

Concédons-le comme une deuxième vérité : le badaud qui sommeille en chacun de nous ne nous porte ni à déployer une conscience de développement ni à montrer des qualités, des capacités qui auraient pu faire de nous des agents d’un développement assumé. Se laisser vivre au gré de diverses sollicitations, c’est se condamner à végéter à la périphérie de l’essentiel. C’est solder son compte dans les livres de la banque de la vie.

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Concédons-le comme une troisième et dernière vérité : le badaud qui sommeille en nous doit mourir. C’est la condition d’une reprise en main de soi, par soi, permettant l’envol vers les cimes de l’excellence. C’est la seule voie pour nous imposer comme les artisans de notre propre miracle. Mais, comment tuer en nous le badaud de tous nos malheurs ? Tous les espaces d’excellence peuvent y contribuer. Citons pour l’exemple et à titre d’illustration, la triade famille, école médias.

La famille s’emploiera, par l’éducation, à pousser l’enfant à grandir dans la conscience d’un but à atteindre dans la vie, d’un sens à donner à sa vie. L’école outillera au mieux le citoyen, en armant celui-ci de savoir, de savoir-faire, de savoir être. C’est le moyen pour s’assurer une relative maîtrise sur le cours de sa vie. Les médias feront participer le citoyen à un débat motivé et informé, un débat à plusieurs voix, à l’échelle de la société tout entière. Heureux les citoyens d’un pays qui échangent intelligemment. Ils ne peuvent que changer positivement.

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