A son dernier sommet en Guinée équatoriale, l’union africaine a récidivé. Elle a encore demandé à ses membres de ne pas coopérer avec la cour pénale internationale au sujet du mandat d’arrêt international émis par la CPI cette fois-ci contre le colonel Kadhafi, le guide libyen. Ce second refus, tout comme le premier, déjà exprimé l’année dernière, constitue non pas un acte de souveraineté, mais plutôt un mépris profondément affreux pour le droit international contemporain et les intérêts des victimes.
L’INCITATION A LA NON COOPERATION : UNE ATTEINTE AU DROIT INTERNATIONAL
Le statut de Rome de la CPI est un traité multilatéral comportant des obligations internationales contraignantes pour les Etats qui l’ont ratifié. Toute injonction de la part de l’union africaine dans le sens de la non coopération avec la CPI au sujet de Omar EL Béchir et de Kadhafi ne saurait en aucun cas engager les Etats parties. Par ailleurs, toute décision découlant d’une résolution du conseil de sécurité en vue de préserver la paix et la sécurité où que ce soit engage tous les Etats membres de l’ONU. C’est donc une erreur grossière, une aberration que de croire et d’affirmer que la décision de non coopération que l’Union africaine impose à ses membres est au-dessus des obligations internationales contraignantes liées aux dispositions pertinentes du traité de Rome de la CPI et de la charte des Nations-Unies. Nous dénions alors souverainement à l’Union africaine le droit d’imposer à ses membres la non coopération avec la cour pénale internationale et le non respect de l’esprit et de la lettre de la charte des Nations-unies. Où allons-nous ? Où va le monde d’aujourd’hui ? En rigueur de termes, l’Etat de droit international ne doit pas être foulé aux pieds au nom de la souveraineté, alors que celle-ci, bien au contraire, requiert un comportement adéquat. Ce qui se passe au sein de l’Union africaine est loin d’être conforme à la nécessité de lutter contre l’impunité qui est un fléau dans toute l’acception du terme.
L’INCITATION A LA NON COOPERATION ; UNE ATTEINTE AUX INTERETS DES VICTIMES
Les victimes de crimes internationaux ont droit à la justice. Ils ont droit au jugement de leurs bourreaux et à la réparation. C’est la rançon de graves libertés prises à l’égard de leur dignité, ce concept sacro saint que partagent tous les êtres humains .Un crime de droit international est un affront au genre humain . Comme on le dit en latin : hostis humani generis. La répression des crimes contre l’humanité incombe en principe à tous les Etats depuis le tribunal de Nuremberg, en retenant de bonne foi qu’il existe une règle coutumière du droit des gens qui autorise les Etats à traduire en justice les auteurs de ces crimes. Il leur est loisible de se fonder sur le principe de la juridiction universelle pour poursuivre ces bourreaux indépendamment de leur nationalité, de celle des victimes et du lieu de commission des graves exactions .Comme on le constate aisément , l’Union africaine constitue une entrave réelle à la satisfaction des intérêts légitimes des victimes d’Omar EL Béchir et de celles du guide libyen. Quel déni de justice ! En tout cas,,cela ne saurait durer indéfiniment, puisque les faits graves, voire gravissimes pour lesquels ces deux personnalités font l’objet de poursuites sont imprescriptibles. C’est dire que tant qu’elles seront en vie, elles seront rattrapées chacune par leur histoire, leur passé. De plus, elles ne peuvent aller que dans les Etats africains, notamment ceux d’entre eux qui voient d’un mauvais œil la cour pénale internationale et qui pensent qu’un noir n’est pas à remettre aux blancs pour répondre de ses actes commis en violation des normes du droit international des droits de l’homme et du droit international humanitaire. Ce qui est exigible sans délai, ,c’ est que tout au moins, les Etats parties africains s’organisent, se concertent pour faire comprendre à l’Union africaine que c’est en toute souveraineté qu’ils ont ratifié le traité de Rome de la CPI , et que c’est au nom de la même souveraineté qu’ils entendent se conformer aux obligations découlant de cette ratification. Imposer aux Etats parties la non coopération avec la jeune juridiction pénale internationale n’a véritablement pas de sens, si l’on considère que la lutte contre l’impunité fait partie des priorités de notre époque où tout devra être mis en œuvre pour le triomphe de la démocratie, des droits de l’homme et de l’état de droit, autant de choses propices à l’épanouissement humain individuel et collectif.
CONCLUSION
Au regard de ce qui précède, on est autorisé à dire que les dirigeants africains sont tenus de se départir de la solidarité de mauvais aloi que l’on observe à leur niveau, sinon de temps en temps, du moins de temps à autre pour s’engager dans la protection de la dignité des populations à travers une lutte juste et implacable contre l’impunité des crimes internationaux. Les temps ont changé. Une nouvelle vision du monde et des choses doit s’affirmer progressivement pour le bonheur de chacun et de tous. Il est raisonnable de faire en sorte que le siècle présent soit meilleur que le précédent à plus d’un égard.
Par Jean Baptiste GNONHOUE
Président de la Coalition Béninoise pour la Cour Pénale Internationale (CPI)