Lendemains de crise au pays des hommes intègres : beaucoup de bâton et pas de carotte

Ainsi tombe le couperet. Raide. On attendait de savoir ce que le « beau Blaise » détenait encore d’autorité, c’est fait. On attendait de savoir ce que le régime pouvait concéder à son peuple désappointé, on le sait. La crise militaro-socio-politique est peut-être en train de connaitre son épilogue. Du moins pour le volet militaire. Ça se voit, le président burkinabé n’a pas beaucoup apprécié la série de sautes d’humeur des hommes en armes entre mars et mai 2011 dans son pays. Mais, des sanctions qui pleuvent en même temps que tombe la décision du Conseil consultatif sur les réformes politiques de maintenir l’article 37 de la Constitution qui limite à deux quinquennats, le nombre des mandats présidentiels, cela veut bien signifier quelque chose. De pas très positif. Dont pourtant le régime semble ne pas vouloir tenir compte.

556 radiations de l’armée, en attendant que le Conseil de discipline des forces armées n’en prononce d’autres. Le régime de Blaise Compaoré n’y est pas allé du dos de la cuillère. Principalement concernée par cette sévère punition, la ville de Bobo-Dioulasso où la mutinerie des soldats, si elle a été la plus lente à se déclencher, a néanmoins été la plus longue, la plus destructrice et également la plus durement réprimée. Les leaders d’opposition originaires ou non de la deuxième ville du pays pourront encore taxer le gouvernement d’en vouloir à la localité pour son attitude habituellement frondeuse et libertaire. Le plus important pour le régime étant plutôt de porter un message de fermeté, après les concessions arrachées par une armée en furie qu’il était important de calmer au préalable avant de lui rappeler les règles élémentaires de discipline et d’ordre auxquelles elle est astreinte en tant qu’armée nationale.

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Il faut tout de même remarquer que dans sa furie punitive, le pouvoir burkinabé a bien veillé à ne pas ruer dans les brancards de la Garde républicaine qui pourtant, au plus fort de la crise, a contraint le Chef de l’Etat à quitter Ouagadougou et à se réfugier dans son village natal dont il a eu, en 24 de règne, le temps de faire un refuge présidentiel et un poste de commandement tout-à-fait opérationnel. Il est vrai qu’il ne faut pas se tirer une balle dans le pied. Un châtiment trop massif dans les rangs de la garde présidentielle, corps d’élite qui a tout de même été envoyée à l’assaut des garnisons mutinées de Bobo-Dioulasso et d’ailleurs, aurait certainement été contre-productif. Comme pourrait ne pas manquer de l’être la radiation de près de six cent soldats qui ont eu tort, il faut bien l’avouer, d’avoir mis en danger la sécurité des populations civiles qu’ils sont censés protéger en principe, l’ordre public dont ils sont les garants, et le régime politique dont ils constituent le bras armé. En mettant à la rue un tel nombre de soldats, qu’il veillera très certainement à désarmer, le régime Compaoré veut sans doute marquer les esprits. Mais encore faudrait-il ne pas laisser toutes ces personnes aguerries au métier des armes, s’évaporer dans la nature et se muer en un nouveau danger pour les Burkinabés.

Il faut néanmoins remarquer que ces sanctions ne règlent pas en totalité la crise dont la phase active la plus visible a été la mutinerie des soldats entre mars et avril 2011 à travers tout le pays. C’est l’avenir politique qui préoccupe également les populations. Savoir si le président Blaise Compaoré entend de nouveau faire réviser la constitution pour se maintenir au pouvoir au-delà de 2015, terme prévu pour le dernier mandat en cours, aux termes de la constitution. En même temps que tombaient les sanctions, le Conseil consultatif sur les réformes politiques, constitué principalement pourtant des thuriféraires du régime, décidait donc de maintenir l’article 37 de la Constitution qui limite à deux quinquennats, le nombre des mandats présidentiels, faute de consensus entre ses membres. Mais il ne faut surtout pas rêver cela comme la fin du débat. Le premier Ministre Luc Adolphe Thiao l’a d’ailleurs clairement signifié. A croire que la multiplication des actes de défiance ces derniers mois envers Blaise Compaoré et son régime vieux d’un quart de siècle, n’ont pas suffi à démontrer que l’irritation des Burkinabés n’est pas seulement dirigée contre une armée indisciplinée, mais aussi contre un homme qui se maintient envers et contre tout depuis une accession sanglante au pouvoir en 1987. Dans le sang de Thomas Sankara.

De toute évidence, Blaise Compaoré est en passe de reprendre totalement en mains une situation qui était plus que compromise. Et désormais, il ne s’en cache presque plus, il le veut, ce nouveau mandat. Cette perpétuation de son règne. C’est vrai qu’en Afrique francophone surtout, c’est cela la règle. Les exceptions comme Alpha Oumar Konaré et Amadou Toumani Touré au Mali, Mathieu Kérékou au Bénin, sont trop rares pour qu’on puisse les compter au-delà des doigts d’une seule main. Mais on ne sait jamais, le vent révolutionnaire qui souffle au Nord du continent est peut-être appelé tourner. Et la bourrasque qui fait déjà tanguer le sénégalais Abdoulaye Wade est peut-être la même qui risque d’emporter le « beau Blaise ». Si bien entendu, les Burkinabé s’y résolvent. Car ce combat est leur.

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