Pour une pédagogie de sortie de crise

Comment gérer la grave crise qui risque d’embraser, les jours prochains, le front social ? Passons sur les tenants et les aboutissants de la grève qui dresse actuellement les travailleurs de l’administration publique face au gouvernement. Nous y avons consacré plusieurs chroniques pour qu’il soit nécessaire d’y revenir. Attardons-nous plutôt sur les développements nouveaux de cette grève. Le Chef de l’Etat a exprimé la volonté de sévir : menace de radiation des travailleurs en grève, remplacement de ceux-ci par les jeunes appelés du service militaire, appel aux forces armées pour l’aider à parer à toute éventualité.

Ces derniers développements veulent dire que les négociations engagées entre les syndicats et le gouvernement frisent leurs limites. Ils veulent dire également que ce qui n’a pu être réglé pacifiquement le serait de force ou par la force. Ils veulent dire enfin qu’on peut troquer les quelques milliards que coûteront à l’Etat les revendications des travailleurs contre le prix du sang. Ceci en violation d’une tradition de paix qui est et reste, jusqu’ici, la marque distinctive de notre pays. Les dernières élections, la présidentielle et les législatives, en font foi.

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C’est l’ancien Président des Etats-Unis, Richard Nixon, qui l’a écrit (Citation) : « L’homme n’est pas achevé quand il est vaincu, il est achevé quand il abandonne. » (Fin de citation)

Nous ne devons pas abandonner les négociations en cours entre les syndicats et le gouvernement. Au prétexte que les choses traînent en longueur, que nous tardons à voir le bout du tunnel. Au prétexte que la « raison du plus fort est toujours la meilleure ». Au prétexte que les caisses de l’Etat sont vides et que la plus belle femme du monde ne peut donner que ce qu’elle a.

Le gouvernement se doit de mettre de l’eau dans son vin. Il a certainement déjà beaucoup fait. Il n’est pas sûr qu’il ait déjà tout fait. Les travailleurs se doivent de mettre de l’ordre dans leurs rangs. Il n’est pas sûr qu’ils aient pris la juste mesure des dangers qui nous guettent. L’armée, en principe, ne devrait rien avoir dans cette affaire. Sa mission la porte à défendre nos acquis démocratiques, nos libertés individuelles et collectives. Son idéal la porte à défendre cette portion de terre appelée Bénin, plutôt que de tourner les armes du peuple contre le peuple.

Pourquoi le gouvernement ne nous semble pas encore avoir tout fait ? Parce que, dans la gestion de la crise actuelle, il y a comme un dialogue de sourds sur fond de calculs d’épicier. Là où le gouvernement devrait montrer une audace réformatrice qui appelle au sacrifice de tous, en insistant notamment sur la diminution du train de vie de l’Etat, il sort sa calculatrice pour dire : « si je vous donne tant, par rapport à tant, le résultat, mathématiquement parlant sera de tant. » Les revendications des travailleurs, dans une vision large, sont à intégrer à un ensemble de données. Et puis, ce n’est jamais par la force que l’on peut obtenir de quelqu’un les changements escomptés. Ce sont à travers nos habitudes mentales que nous opérons notre propre changement. Le gouvernement y réussira, en direction des travailleurs, par une pédagogie dont les maîtres mots sont : participation, partage, consensus. En vérité, personne ne changera les travailleurs. Il faut amener les travailleurs à changer eux-mêmes, dans leurs têtes, dans leurs pensées, dans l’approche de leurs problèmes.

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Pourquoi les travailleurs doivent-ils savoir raison garder ? qu’ils ont des centrales représentatives, germent et poussent, ici et là des syndicats qui font doublon et entretiennent une cacophonie inacceptable. Cela s’appelle désordre et indiscipline. Alors que se poursuivent les négociations, les travailleurs n’ont pas jugé utile, comme preuve de leur bonne foi, d’observer une pause dans la grille des arrêts de travail. Cela s’appelle déficit de vision stratégique et tactique dans l’action syndicale en général, dans l’art de la négociation en particulier.

Quant à l’armée, invitée surprise à ce dîner où elle n’a pas sa place, elle ne peut que faire sienne cette belle idée que nous empruntons à un proverbe amharique : mieux vaut un raccommodage entre civils qu’un trou de canon sur la belle façade de notre beau Bénin.

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