Chanter, disent les chrétiens, c’est prier deux fois. Et l’on peut soutenir que celui qui met Dieu en musique met plus en valeur son acte d’adoration. C’est certainement ce qu’ont compris des centaines de jeunes. Ils ont, en effet, pris d’assaut l’univers de la musique religieuse. Une musique qui n’a jamais autant brillé qu’aujourd’hui dans le ciel toujours incertain et capricieux de la musique nationale.
La musique est une immense famille universelle. C’est ce qui explique qu’à partir d’un large éventail de talents, il y en a pour tous les rythmes, pour tous les genres, pour toutes les sonorités et finalement pour tous les goûts. La musique d’inspiration religieuse, chrétienne notamment, a sa place dans cette famille. Elle compte même, chez nous, des artistes confirmés, des chorales à la notoriété solidement établie.
Soyons clair : ce n’est pas parce qu’on chante Dieu qu’on peut s’affranchir des règles artistiques, de toute exigence éthique. Dieu est perfection. Les chantres de Dieu, tous comme les autres artistes-musiciens, sont soumis aux exigences de la perfection. Hors de là, ils courent le risque de faire de Dieu un simple prétexte. D’où les dangers qui planent sur la musique religieuse. Les observateurs qui ne cèdent pas à l’insouciance, si ce n’est à l’inconscience de ne rien voir, de ne rien n’entendre, ont du grain à moudre. De quels dangers s’agit-il ?
Le premier danger a nom amateurisme. Il y a trop de chantres de Dieu improvisés. Comme s’il suffisait, pour se tailler un statut d’artiste, de mettre Jésus en musique, d’assaisonner de quelques banalités en guise de paroles de louange à Dieu et de ponctuer le tout de retentissants et assourdissants « Alléluia ».
Il faut craindre que le vent de désacralisation qui souffle sur tout, en ce moment, dans le mépris absolu d’un certain nombre de règles, n’ait des effets sataniques sur une certaine musique religieuse. Du reste, une définition de ce type de musique sera nécessaire. Histoire de sortir de la confusion actuelle, permettant à Dieu de reconnaître les siens.
Le deuxième danger a nom mercantilisme. Parce que nombre d’artistes-musiciens n’ont trouvé dans la musique religieuse qu’un filon à exploiter, qu’un phénomène de mode à monnayer. Les textes de leur musique ne sont alors qu’un prétexte pour être dans le vent d’une tendance musicale à forte odeur de fric trop facilement gagné.
A faire ainsi de Dieu un fonds de commerce musical, revient à caricaturer la musique religieuse. C’est le diable qui se déguise en saint dans le dessein de troubler les enfants de Dieu. Ce sont des brocanteurs, des marchands de tout et de rien qui envahissent la maison de Dieu. Ils ne méritent alors que d’en être chassés immédiatement.
Le troisième danger a nom mimétisme. A comprendre comme cette tendance à copier les autres, tel un perroquet qui récite mécaniquement ce qu’il entend, tel un singe qui imite, par des grimaces, par une expression plutôt caricaturale, ce qu’il voit. C’est Victor Hugo qui l’a écrit (Citation) : «N’imitez rien ni personne. Un lion qui copie un autre lion devient un singe » (Fin de citation).
Ce n’est pas de l’art que de reprendre quelques airs archi connus de notre patrimoine musical traditionnel et de les relever de quelques sonorités modernes. Ce n’est pas de l’art que de caler et de bloquer son inspiration sur ce que font les autres, au point d’en être plus que la pâle copie. Le Gospel, ce chant religieux des Africains-Américains aux Etats-Unis, est l’illustration parfaite de cette affligeante dérive. Pourquoi, à partir du Gospel originel, ne nous investissons-nous pas, par la recherche et par la création, à inventer un Gospel qui nous fait flairer les senteurs spirituelles de nos terroirs ? Un Gospel qui nous réconcilie avec l’ambiance de la liturgie vodun ? Un Gospel, pour tout dire, marqué au coin de notre touche artistique particulière et distinctive ?
La musique religieuse est à sauver. Elle est à libérer de la nuée parasitaire qui l’envahit, de cette race de marchand du temple qui la salit, du plagiaire sans inspiration qui l’avilit. Le sauvetage de la musique religieuse a valeur d’une croisade.