Bénin : quand la vie triomphe de la mort

La nouvelle est massive : le Bénin entre dans le cercle encore fermé des pays qui, dans le monde, ont aboli  la peine de mort.  En effet, la semaine dernière, l’Assemblée nationale, a   donné suite à l’article 8 de notre Constitution qui dispose : « La personne humaine est sacrée et inviolable. L’Etat a l’obligation absolue de la respecter et de la protéger ».

Nouvelle massive, mais accueil plutôt mitigé, voire froid. L’abolition de la peine de mort n’aura pas été vécue comme un événement. On aurait pu s’attendre, à l’appui du vote de cette loi, à une déclaration des plus hautes autorités politiques de notre pays. Parce que l’acte législatif visé n’est pas banal. Sa portée historique est indéniable. On aurait pu s’attendre à quelques gestes d’accompagnement de certains intellectuels,   de certaines personnalités de la société civile, de certains leaders d’opinion. Parce que le fait mérite d’être salué et d’être célébré. Il s’agit d’une avancée significative sur le plan des droits de la personne. On aurait pu s’attendre à des réactions  de certaines autorités morales, de certaines instances de légitimation de notre pays. Parce que le fait est à exalter en son sens humain, en sa signification philosophique, en sa densité spirituelle.

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Pourquoi  le vote d’une loi sur l’abolition de la peine de mort, dans notre pays, a-t-il suscité si peu de réactions ?  Pourquoi une telle loi a-t-elle à peine  chatouillé la surface de l’actualité nationale restée quasiment étale ?  Comme si rien ne s’était passé. Comme s’il n’y avait pas de quoi fouetter un chat. Comme si le Bénin, petit pays aux ressources limitées, ne venait pas de signer un grand pacte sans commune mesure avec sa taille et d’épouser les plus grands, les nobles des idéaux humains.

C’est d’abord que ce qui est immédiatement  acceptable et ce qui est universellement  accepté, c’est faire payer à quelqu’un, d’une manière ou d’une autre, le délit dont il s’est rendu coupable. Nous ne sommes pas loin de la loi du Talion. A comprendre comme le châtiment qui consiste  à infliger au coupable le traitement même qu’il a fait subir à sa victime. Voilà la vision de la justice qui a été jusqu’ici la nôtre. Comme dirait l’autre : « Casseur, payeur ». Nous avons encore quelque mal à changer nos habitudes, à sortir des cadres ordinaires d’une justice ordinaire.

L’idée de l’abolition de la peine de mort prend appui sur le caractère sacré de la personne humaine. Elle indique que nul n’a le droit de détruire ce qu’il n’a pas créé. Elle disqualifie  tout acte qui tend à attenter à la vie d’un être humain, quelque soit par ailleurs la gravité du délit commis. Elle établit des barrières, des frontières infranchissables sur les chemins de la justice des hommes, ainsi bordée en ses limites extrêmes, ainsi informée de jusqu’où elle peut aller trop loin. Elle appelle à la transcendance toutes les élaborations humaines qui touchent à l’homme, qui mettent en scène et en perspective la vie.

Or, nous vivons dans un pays où la vindicte populaire a droit de cité. Elle continue de s’imposer dans la rue, à travers les instincts barbares et sauvages qu’elle libère. Contre cette  justice immédiate, expéditive, nous n’avons pas su construire  chez nos compatriotes, une   conscience bien trempée, au regard du caractère sacré et inviolable de la personne humaine. La peur du gendarme ne suffit pas à régler ces choses là. Que le gendarme vienne à être absent et nos vilaines habitudes, tout aussitôt, se conjuguent au présent.

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Or, nous vivons dans un pays où la justice, pour mille et une raisons, n’offre pas à la majorité de nos compatriotes, des gages sûrs de justice. La justice officielle libère des espaces à une autre justice. Celle régie par les choses dans l’ombre. Avec des tribunaux invisibles qui tiennent leurs assises  souterraines. Avec des tribunaux de l’ombre qui prononcent des verdicts proprement exécutés dans le silence de tous.

Voilà, tout en majuscule, le défi que nous avons à relever.  Comment l’abolition de la peine de mort, au-delà de l’encre de sa promulgation, peut s’ancrer dans la conscience de chaque Béninois ? Ceci comme la souveraine proclamation du respect dû à l’homme. Ceci comme l’acceptation formelle du caractère sacré de la vie. Ceci comme la nécessité pour la justice des hommes de faire constamment référence à la justice de Dieu.

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