Cotonou: béton, camion, piéton

Cotonou : la vitrine du Bénin. C’est aussi notre capitale économique. La petite bourgade du début du siècle dernier est aujourd’hui une ville dans laquelle se concentre plus d’un million d’âmes. Une ville qui se construit plus qu’on ne la construit. Une ville qui obéit plus à sa dynamique propre qu’à la logique ordonnée d’un plan de développement maîtrisé. Des immeubles sortent de terre à un rythme époustouflant. Des immeubles avec sous-sol, s’il vous plaît. Ce qui constitue à la fois une nouveauté et un exploit technologique, dans une ville quasiment au niveau de la mer, avec la nappe phréatique à fleur de terre. La pression démographique pousse à construire en hauteur. C’est la surface au sol qui se trouve ainsi multipliée par autant d’étages.

Mais ce boom de l’immobilier, qui atteste que « Quand le bâtiment va, tout va », à en croire la sagesse des nations, fait régner le béton en maître absolu, l’utilitaire prenant le pas sur l’esthétique. Pour dire que si c’est souvent bien, il n’est pas sûr que ce soit toujours beau. Comme si le génie créateur de nos architectes tarde à s’exprimer et à donner sa pleine mesure. Le béton des immeubles. Mais également le tout béton des passages supérieurs, des échangeurs avec leur robuste mur de séparation en ciment.

Mais si les immeubles rivalisent d’orgueil, en promenant leur morgue hautaine par-dessus la ville, le piéton, un minus perdu à leurs pieds, est loin d’être à la fête. Car à Cotonou, au fur et à mesure que le béton monte vers le ciel, le piéton voit le trottoir se rétrécir progressivement ou disparaître carrément sous les semelles de ses chaussures. Les marchands de bric -à- brac, tous à leur négoce attachés, lui volent tout à la fois la vedette et l’espace. Ce qui fait du piéton le souffre-douleur des rues, voies et artères de Cotonou. Le piéton est une victime en sursis, constamment exposé au danger des autos et des motos.

Que dire des gros camions qui, depuis des années, ont pris la ville en otage, au nez et à la barbe des autorités préfectorales et communales qui n’en peuvent mais ? Des artères entières bouchées. La circulation, par ricochet, bloquée. Cotonou est bien le cœur vivant et mouvementé de cet « Etat entrepôt » que serait devenu notre pays selon le professeur Igué John.

Ce n’est pas celui qui a tant de mal à se trouver un bout de trottoir qui est bien placé pour revendiquer des rues piétonnes. Il s’agit de voies libérées de toute circulation automobile, à l’usage exclusif du piéton. Cotonou n’a pas ou n’a pas encore ces espaces où le piéton est véritablement roi.

Pas de rues piétonnes à Cotonou. Pas également d’espaces publics, genre jardins et parcs, des espaces aménagés en plein air pour le public. En lieu et place du bol d’air sain et pur qu’on peut aller chercher en ces parcs et jardins, c’est à un cocktail d’émanations toxiques que Cotonou, cité hyper polluée, nous invite. Ne parlons pas d’espaces de jeu. A défaut, les jeunes en ont réinventés et installés en pleine rue. Le football, reconnu comme le sport roi au Bénin, s’est ainsi taillé un vaste empire.

Déplorons ensemble cette manie qui consiste à barrer les rues et artères d’une grande cité et à y installer des bâches, des chaises et autres accessoires pour cause de baptêmes, de mariages ou de funérailles. Le tout sous une pluie battante de décibels à vous crever le tympan.

C’est la Mairie de la ville qui vient d’en donner l’exemple avec un concert géant à l’intersection stratégique de plusieurs voies. Ce qui a provoqué des embouteillages monstres que les habitants de la ville ne sont pas prêts d’oublier. « Ne faites pas ce que je fais. Faites ce que je dis ». Et la morale ainsi triturée pourrait s’appliquer à qui l’on veut. Et dire que nous sommes de ceux qui ont la naïveté de croire que le bon exemple vient du haut, de ceux qui nous gouvernent.

Ainsi s’endort, se réveille, et veille Cotonou, ville tentaculaire qui jongle entre lagune, mer et terre ferme. Elle s’éloigne de son passé, porte avec des fortunes diverses son présent, sans trop se poser de questions sur son avenir. Comme Paris qui, avait-on dit, vaut une messe, Cotonou vaudra bien la protection des mânes de nos ancêtres.

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