La manchette du jour du 24 octobre 2011, c’est-à-dire celle d’hier, de «La Nouvelle Tribune», sur la décision DCC11-067 de la Cour constitutionnelle, a dû surprendre plus d’un. «Pour une fois, la «Cour Dossou» sauve la démocratie béninoise!», avons-nous écrit. Certains de nos lecteurs sont agréablement surpris, allant jusqu’à pousser un ouf de soulagement. C’est les plus nombreux. D’autres, plus méfiants mais soulagés, sont restés perplexes de nous voir titrer de la sorte, même s’ils ne sont pas plus avancés que nous sur les subtilités du langage juridique et de celui des politiciens. Nos internautes (cf. www.lanouvelletribune.info), dans le même état d’esprit, nous ont conseillé, malgré tout de rester vigilants. C’est eux qui ont raison et nous leur en savons gré d’attirer notre attention. Et en approchant, comme à nos habitudes, des praticiens du droit de la place, en vue de recueillir leur éclairage, nous découvrons la supercherie, du moins la perversité, de la décision rendue par les «7 Sages». Ces derniers sont plus que jamais dans leur logique de s’écarter de l’interprétation technique de la loi pour des positions assimilables à celles de politique politicienne qui semblent conduire lentement mais sûrement notre démocratie vers l’abîme. Pour l’heure, heureusement, des esprits éclairés veillent au grain pour nous permettre de voir qu’en l’état, la nouvelle disposition de la «Cour Dossou» offre d’organiser en sourdine une révision opportuniste de la Constitution.
Alors que la presse béninoise a qualifié de salutaire la décision Dcc 11 -067 du 20 Octobre 2011, un constitutionnaliste béninois, qui a requis l’anonymat, l’a analysé avec du recul et y a relevé plusieurs incongruités.Selon notre analyste, l’article 6 de la loi référendaire même reformé, tel l’a fait la haute juridiction, est parfaitement contraire à la constitution. D’abord, toutes les dispositions de la constitution sont sensées êtres des options fondamentales de la Conférence des forces vives de Février 1990. Ainsi, aucun article de ladite constitution ne dispose que la forme républicaine et la laïcité de l’Etat ; l’atteinte à l’intégrité du territoire nationale ; le mandat présidentiel de cinq ans, renouvelable une seule fois ; la limite d’âge de 40 ans au moins et 70 ans au plus pour tout candidat à l’élection présidentielle et le type du régime politique sont des options fondamentales tel que mentionné par la décision de la Cour. Et même si certaines dispositions sont reprises par les articles 42, 44 et 54 de l’actuelle constitution, elles n’ont aucunement été déclarées comme étant exclusivement les options fondamentales de la conférence de février 1990. Mieux, seul l’article 156 de la loi fondamentale stipule qu’ « Aucune procédure de révision ne peut être engagée ou poursuivie lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire. » Le même article dispose en son deuxième alinéa que « La forme républicaine et la laïcité de l’Etat ne peuvent faire l’objet d’une révision ». Il ressort alors de ce qui précède qu’à l’exception des matières prévues par l’article 156, toutes les autres dispositions de la Constitution du 11 Décembre 1990 peuvent faire objet de révision, et par ricochet de référendum.
Si l’article 6 de la loi référendaire tel que réformé par la Cour constitutionnelle empêche la révision par voie référendaire des options dites fondamentales de la conférence, elle n’empêche pas le même exercice par voie parlementaire. En effet, l’article 6 réformé dispose que « Ne peuvent faire l’objet de questions à soumettre au référendum, les options fondamentales de la Conférence Nationale de février 1990, à savoir : la forme républicaine et la laïcité de l’Etat ; l’atteinte à l’intégrité du territoire national ; le mandat présidentiel de cinq ans, renouvelable une seule fois; la limite d’âge de 40 ans au moins et 70 ans au plus pour tout candidat à l’élection présidentielle ; le type présidentiel du régime politique au Bénin».
Pourtant l’article 154 de la constitution stipule que « l’initiative de la révision de la constitution appartient concurremment au Président de la République, après décision prise en conseil des Ministres et aux membres de l’Assemblée nationale.
Pour être pris en considération, le projet ou la proposition de révision doit être voté à la majorité des trois quarts des membres composant l’Assemblée nationale ». L’article 155 du même texte prévoit que « La révision n’est acquise qu’après avoir été approuvée par référendum, sauf si le projet ou la proposition en cause a été approuvé à la majorité des quatre cinquièmes des membres composant l’Assemblée nationale ».
Ce qui signifie que si Boni Yayi arrive à se garantir les quatre cinquième de l’Assemblée nationale-Ce qui n’est plus à exclure-la mouvance parlementaire peut procéder à la révision des articles 42, 44 et 54 de la constitution. Le Chef de l’Etat pourrait, à un moment où le pays n’a pas la pleine forme économique, avancer l’argument du coût du referendum, pour passer la révision par voie parlementaire et non par voie référendaire.
Au demeurant, la loi référendaire et la décision de la Cour constitutionnelle ne garantissent pas entièrement l’inviolabilité des articles 42, 44 et 54 de la Constitution du 11 décembre 1990. Aussi ne tranchent-elles pas définitivement la question de l’irrecevabilité de la candidature de Boni Yayi en 2016 au cas où il voudrait aller à l’école de Wade.