Présidence de la commission de la CEDEAO : pourquoi le Bénin ne doit pas céder

Le bon voisinage ne paie pas. Le Bénin qui a érigé cette attitude conciliante, voire condescendante en politique étrangère systématique depuis son accession à l’indépenance peut-il en exciper pour de vrai des résultats concrets ? Des succès diplomatiques fulgurants face à ses voisins ? Il est clair que non. Et le Burkina Faso de Blaise Compaoré semble bien décidé à le lui prouver encore une fois. Cette fois, au mépris de tout bon sens, de tout droit, de toute objectivité. C’est la troisième fois que le Bénin risque en « bon voisin » de se faire souffler le poste de Président de la Commission de la CEDEAO. Un revers diplomatique que rien n’excusera s’il survient.

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Il est tout de même difficile de comprendre les actuelles bisbilles entre le BurkinaFaso et le Bénin dans le cadre de l’octroi du siège de Président de la commission de la CEDEAO dont les nouvelles conditions d’attribution le destinent automatiquement et sans recours au Bénin. En effet, un comité ad hoc de niveau présidentiel, mis en place par le 39e sommet des Chefs d’Etat et de Gouvernement dans l’optique d’arrêter les modalités de rotation concernant la répartition des postes statutaires a rendu son rapport. Il était question pour ce comité de proposer des règles consensuelles de désignation des principaux responsables de la CEDEAO afin de permettre à chaque Etat membre d’être impliqué à un moment ou à un autre dans les plus hautes sphères de décision de cette organisation sous-régionale créée en 1975. Ces nouveaux critères sont l’équité dans la répartition des postes, la transparence des procédures de désignation, la désignation sur la base de l’ordre alphabétique, la prévisibilité des successions. Des critères qui, s’ils s’ajoutent au fait que d’une part le Bénin n’a jamais présidé la Commission de la CEDEAO et d’autre part qu’il n’y plus le moindre représentant du pays à la tête d’une institution statutaire de la communauté, le plébiscitent pour enfin occuper le poste.

 

Mais cela, Blaise Compaoré semble ne pas l’entendre de la bonne oreille. Le Burkina Faso fait en effet pièce à l’aspiration légitime du Bénin à accéder à la tête de l’ecécutif sous-régional. Arguant pour ce fait d’un « arrangement » convenu en sa faveur en 2006, pour prendre la tête de la Commission à la suite du Dr Mohamed Ibn Chambas, après en avoir occupé la vice-présidence. Une vraie tentative de pied de nez à l’endroit du comité ad hoc de chefs d’Etat qui a délibéré en toute indépenance et en toute impartialité, sur mandat de la conférence des Chefs d’Etat de la CEDEAO, et donc avec l’assentiment du Burkina Faso. Dès lors, certaines questions s’invitent à la réflexion : Pourquoi Blaise Compaoré a-t-il attendu la publication du rapport du comité ad hoc de Chefs d’Etat avant de rappeler le prétendu arrangement de 2006 au souvenir de ses pairs ? Qui sont d’ailleurs les Etats parties à cet arrangement ? Un arrangement devrait-il encore prévaloir à ce stade alors que les travaux du comité ad hoc étaient destinés à faire tabula rasa des pratiques antérieures et établir de nouvelles règles du jeu ? Sinon, à quoi bon avoir mis en place un comité ad hoc, qui plus est, au niveau présidentiel, si les jeux étaient faits d’avance ?

La proposition du Présient nigérian Jonathan Goodluck de servir de médiateur dans ce différend qui oppose le Bénin au Burkina Faso n’est pas forcément une bonne nouvelle pour le Bénin. Cela laisse entrevoir que certains Chefs d’Etat sont peut-être prêts à renoncer aux règles au bénéfice des subterfuges. On dira que c’est transitoire. Mais céder serait encore une fois courber l’échine. Si la sauvegarde de relations de bon voisinange n’est pas que l’apanage du Bénin au sein de la CEDEAO, il faut bien que les autorités béninoises se rendent à l’évidence que la plupart des autres Etats y adjoignent une exception largement admise en droit international : la primauté de l’intérêt national. En l’espèce, l’exercice par le Bénin de la présidence de la commission de la communauté sous-régionale relève de l’intérêt national au regard de l’importance de ce poste pour la visibilité du pays et de l’impact géopolitque qui en est un des attributs. Si le Bénin transige sur son tour, ce ne sera pas le cas des autres pays le leur venu.

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Le Chef de l’Etat et les acteurs de la diplomatie béninoise ont dans cette affaire, l’occasion de démontrer à l’opinion béninoise autant qu’ouest-africaine, leur capacité à défendre l’intérêt national. Le Ministre des Affaires étrangères en a annoncé les couleurs, le Bénin entend et devrait aborder ces négociations de façon décomplexée et sans complaisance. En fixant comme ligne rouge la remise en cause des propositions du rapport du Comité ad hoc qui attribuent le poste au Bénin en toute équité. L’histoire, le droit et le bon sens plaident en faveur du Bénin. Dans ces circonstances rien ne devrait pouvoir excuser une nouvelle concession. Rien. Echec interdit.

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