Ecole : le nouveau bois sacré de l’Afrique

Finies les vacances. L’école reprend tous ses droits. Autorités académiques, enseignants, apprenants, parents d’élèves et d’étudiants, même combat. Les uns et les autres sont concernés par la qualification de la ressource humaine, à tenir pour le tout premier levier de tout vrai développement. D’où l’importance de l’école. Elle est, à la fois, moule et creuset. Elle rougeoie de la lumière de la connaissance. Elle éclaire les chemins du progrès d’une société.

La rentrée scolaire dépasse, pour nous, les procédures ordinaires et routinières de réouverture des classes et des amphithéâtres. Car il s’agit de moins s’attarder sur l’arbre de l’événementiel que d’accéder au sens d’un rituel que tout nous pousse à qualifier de sacré. Aller à l’école, c’est entrer en initiation, c’est évoluer, par divers sentiers, dans le bois sacré du savoir, c’est s’outiller de ces « armes miraculeuses » dont parlait Aimé Césaire. Des armes qui nous rendent aptes à faire avancer notre société, à relever les défis de la vie, à continuer l’œuvre de création de Dieu.

C’est parce qu’il en est ainsi que l’école ne saurait être une garderie nationale, à charge pour nous d’y convoyer le troupeau de nos enfants. C’est parce qu’il en est ainsi que l’école doit être vue comme une structure en mutation permanente, en accord avec la société qu’elle est appelée à servir. Il n’y a pas d’école sur mesure, taillée de manière définitive, se présentant comme un bloc monolithique, dispensant des vérités éternelles, immuables.

L’école est une création continue. Comme telle, elle s’inscrit dans un cycle de renaissance permanente, sous l’aiguillon des propositions, des contributions, des réformes qui l’actualisent, la revitalisent, la revivifient. C’est dans cet esprit que nous apportons ici trois idées, que nous tenons comme autant de briques à la construction de l’école béninoise.

Première idée. Il faut reconduire, au niveau du gouvernement, le grand domaine de l’Education nationale, comme naguère. Le saucissonnage actuel de notre système scolaire en entités plus ou moins autonomes les unes des autres, enseignement maternel et primaire, enseignement secondaire et technique, enseignement supérieur, a valeur d’un attentat perpétré contre l’école au Bénin. Le mot éducation a été complètement gommé. Ce n’est pas innocent. Sonne comme un impératif la restauration de l’Education Nationale en une entité intégrée et intégratrice, par souci de cohérence. Histoire d’éviter à l’école les errances du double emploi, source de gâchis et la cacophonie du désordre organisationnel, source de retard. Restera à réécrire la mission de l’école. Une école qui aide à répondre aux questions du genre : Qui suis-je ? Que dois-je apprendre et connaître pour être utile à mon pays, aux autres ? Que dois-je savoir pour gagner ma vie, certes, mais encore et surtout pour réussir ma vie ?

Deuxième idée. Nous plaidons pour l’entrée du Fâ dans nos écoles. Le Fâ, ou l’art divinatoire, en sa partie exotérique, c’est-à-dire celle qui peut être divulguée, enseignée en public, est un condensé prodigieux de divers savoirs : la mathématique, la littérature, la pharmacopée, les préceptes moraux et éthiques…Pourquoi nous priver de ce dont nous sommes culturellement les propriétaires ? Douloureux paradoxe : nous faisons l’impasse sur l’une de nos valeurs que l’Occident tente de s’approprier. De jeunes Américains, Japonais en savent désormais assez du Fâ et sur le Fâ pour instruire nombre de nos éminents savants. C’est une honte.

Troisième idée. La recherche doit cheminer avec notre système éducatif comme notre ombre. Il faut proclamer la mort des recettes didactiques et pédagogiques parachutées chez nous. En consommateurs passifs, nous les plagions, nous les plaquons sur notre système éducatif. Sans qu’une recherche scientifique, conduite par les nôtres, ne nous serve de boussole pour critiquer, trier, adapter, voire inventer. Car il faut tenir compte d’une foule de déterminants, prioriser nos propres motivations, conformer le tout avec nos propres objectifs. Sous la révolution on a dit que «Tout cadre est enseignant». C’est plus que discutable. Employons-nous à rendre indiscutable l’idée selon laquelle, tout enseignant doit se doubler d’un chercheur.

Laisser un commentaire