Entre bilan et perspective : c’est déjà la veillée d’armes dans les 77 communes que compte notre pays. Les maires arrivent au terme de leur mandat. Le 20 avril 2012, ils auront bouclé quatre années au service de leurs localités. Pour nos 77 maires, c’est rempiler ou faire place nette. En République, aucune charge publique n’est une concession à durée indéterminée ; personne ne peut en réclamer la propriété, personne ne peut s’en réclamer propriétaire.
Les Béninois, dans leur majorité, en se regardant dans le blanc des yeux, peuvent-ils dire qu’ils ont bien compris le sens et la signification de l’expérience de décentralisation en cours dans leur pays ? Qu’en ont-ils tiré comme avantages ? Qu’a-t-elle contribué à changer dans leur vie ?
C’est sûr : la décentralisation est, en son principe, une chance pour le Bénin. Parce que c’est le citoyen, à travers une telle expérience, qui est appelé à devenir enfin maître sur ses terres. Parce que c’est le citoyen qui est invité à prendre sa part de pouvoir pour accéder à la plénitude de son rôle d’acteur sur une scène où tout lui est proche, où tout le touche, où tout le concerne. On ne peut pas dire que l’on est prêt à mourir pour le Bénin si l’on ne commençait pas par aimer sa localité, son quartier, sa maison.
Si avec la décentralisation nous n’avons pas pu ou su vibrer à cette fréquence, nous connecter à un tel idéal, c’est parce que nous avons lourdement et inutilement politisé cette expérience. La décentralisation s’est ainsi vite réduite à un simple transfert, du niveau central au plan local, de nos tares et de nos ambitions politiciennes. Nous avons mis plus de zèle à décentraliser la corruption, l’incompétence, le retard, les surenchères partisanes qu’à traduire en réalisations utiles et profitables à tous nos divers projets de développement.
La décentralisation s’est donc fourvoyée. Nous devons avoir le courage et l’honnêteté de le reconnaître. Nous nous sommes débrouillés tant bien que mal. Nous avons jonglé du mieux que nous avons pu. Mais à l’heure du bilan, reconnaissons que la montagne a accouché d’une souris.
Il va sans dire que nous ne pouvons aller d’une mandature à l’autre en reconduisant platement les mêmes manières de penser et d’agir pour les mêmes résultats. Ce serait comme si nous tournions en rond. L’immobilisme, voilà le mal absolu. C’est pourquoi les prochaines échéances municipales nous placent devant ce choix tranchant : arrêter l’expérience de décentralisation en cours, après avoir fait le constat de notre incapacité absolue ou opérer un nouveau départ, sur de nouvelles bases, animés de nouvelles raisons de croire et d’espérer. La révolution que nous appelons de nos vœux est au prix d’une triple rupture.
Premièrement. L’ère de l’apprentissage et de l’amateurisme en matière de décentralisation doit prendre fin. Que la commune cesse d’être un banc d’essai où des seconds couteaux, des politiciens de second plan viennent faire leurs classes ou viennent se positionner pour garder des places au profit des « patrons » tapis dans les appareils centraux à Cotonou. La commune a besoin du savoir et du savoir faire de développeurs avertis. Voilà le profil d’hommes et de femmes que nous devons promouvoir, à tous les niveaux, dans nos communes.
Deuxièmement. La politique politicienne doit s’arrêter aux portes de nos communes. Afin que toute la place soit laissée aux préoccupations de développement : les écoles, les centres de santé, les pistes rurales, les marchés, les transports, le sport, les loisirs et les activités culturelles, les infrastructures touchant à l’électrification, à l’hydraulique, la sécurité, toutes activités génératrices de revenus…
Troisièmement. Le contrôle citoyen doit être la règle, par une participation effective et quotidienne des citoyens à la gestion des affaires de leurs localités. Sur les dépouilles du bétail électoral doit naître et prendre essor une nouvelle citoyenneté communale. A tenir pour l’indispensable et l’incontournable préfiguration de la citoyenneté nationale.
Laisser un commentaire