La vénalité, forme suprême de la corruption

Les socio-anthropologiques ont mis en évidence plusieurs manifestations de cette pieuvre qu’est la corruption sur la stabilité et l’harmonie sociales. Le psychosociologue ne saurait être du reste : la corruption a de graves conséquences sur l’équilibre psycho-affectif des membres d’une communauté sociale et dont l’une des conditions est une sexualité épanouissante. Les relations psycho-affectives du genre méritent donc une attention particulière dans nos sociétés urbaines, surtout à Cotonou. En effet, nous constatons de plus en plus l’absence d’un vrai désir amoureux dans les rapports entre l’homme et la femme lors de l’approche sexuelle. Le commerce sexuel est de plus en plus réduit dans nos sociétés à sa nature animale et surtout perverse lorsqu’elle devient un moyen de survie ou d’arnaque. Le matérialisme est triomphant : voilà l’une des manifestations anomiques de la corruption quand nous nous accommodons, hommes ou femmes, d’être des objets sexuels ! Or, nous devrions être selon Paul de Tarse les temples de l’Esprit Saint. Bien plus, une société court le risque de tomber dans l’amoralité totale si l’image de la femme, la mère sacrée qui conçoit et garde neuf mois dans son ventre le petit de l’homme, qui l’enfante et l’allaite, vient à être obérée et dépréciée. Aussi, la femme qui volontairement ou accidentellement ne peut pas être mère, celle qui se soustrait à la fonction de reproduction normale chez la femelle humaine, est-elle stigmatisée dans toutes les sociétés humaines comme une femme stérile ou comme une prostituée. Les fantasmes originaires nous emmènent à nous représenter la mère comme une figure monovalente, sacrée, divine et éternellement pure, comme la Vierge Marie chez les catholiques, la Mère par excellence. Par contre, nous avons face au père une perception ambivalente : un être brutal qui fait des « cochonneries » à la mère pure, mais aussi un être puissant, saint et source de toute sécurité et de toute autorité. Tous les hommes rêvent donc d’une bonne mère aimante à travers toutes les femmes, une mère généreuse et nourricière. Or, la corruption en gangrenant le corps social, enlève à la femme ce rôle sacré et finit par faire d’elle une prostituée virtuelle qui n’est prête à céder ses faveurs sexuelles que contre des gratifications matérielles, en nature ou en espèces. Par conséquent, l’homme obligé d’acheter ces faveurs sexuelles sans amour, en vient à la détester. Les hommes et les femmes de chez nous se plaignent réciproquement que les relations sexuelles soient devenues vénales, un homme un éjaculateur précoce et la femme un objet qui ne se contente que de se coucher sur les dos, le regard dans le vogue, pour recevoir en elle avec résignation l’organe mâle ! Dans les deux, l’amour a foutu le camp. Gare à l’impuissance.

Trois choses différencient l’homme de l’animal :

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1) La conscience de son animalité, sa perversité et sa nudité, et par réaction la construction du sens esthétique et éthique ; ce qui dans le domaine particulier de la sexualité donne le désir et l’échange symbolique, c’est-à dire ce qui est généralement appelé amour ;

2) La négation de sa mortalité-corruptibilité par le déni de la réalité de la mort et la conscience d’un Au-delà ;

3) Le recours à une entité transcendante qu’elle soit perçue dans une perspective théiste ou déiste.

On voit bien que sans le lien social de l’amour dans ses relations avec ses semblables, l’homme n’est au plus qu’un animal réduit à ses besoins physiologiques et de sécurité. Mais l’espèce humaine a fait du chemin depuis ses origines préhistoriques quand le mâle « prenait » purement et simplement la femelle sans autre forme de procès, et quand la femelle humaine se prêtant au je, avait su très tôt comprendre tous les avantages qu’elle pouvait tirer des avances sexuelles de ses compagnons en les séduisant et en en faisant des amants avec la bride au cou, ses boucliers protecteurs pour elle-même et pour sa progéniture réduites à la vie sédentaire. Une vraie courtisane ! Mais dès le XIIIème siècle, avec la civilisation des rudes mœurs féodales, naît l’amour chevaleresque. La femme était l’objet de poésie lyrique qui se manifestait soit platoniquement, soit dans les moments de cour. Dans son célèbre ouvrage L’amour en Occident, Dénis de ROUGEMONT a décrit l’évolution des sentiments d’amour qui ont réussi à embllir la sexualité vue au départ comme un acte répugnant, dégoûtant et condamnable, donc un obstacle dans la quête de l’homme vers la sainteté. L’amour chevaleresque en se transformant en amour romantique au XIXème siècle, est devenu la parure attrayante de la sexualité dans les sociétés occidentales modernes où faire l’acte sexuel, c’est faire l’amour. Aussi, sans sentiments d’amour réciproque, l’acte sexuel régresse au stade animal ; il devient vénal.

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