A quelques semaines de l’arrivée du Pape Benoît XVI au Bénin, l’église catholique est secouée par un courant sectaire née à Banamè, village de la commune de Zagnanado situé à une centaine de kilomètres de Cotonou. «Parfaite», un thaumaturge d’une vingtaine d’années mobilise des milliers de fidèles. Inquiète et se sentant menacée, l’église catholique se désolidarise et menace d’excommunier tous ses fidèles qui suivront la jeune fille. Mais depuis, la ruée vers Banamè continue toujours.
Le vendredi 05 Août, au milieu de la grande salle du palais des sports du stade de l’amitié prise d’assaut par des milliers de fidèles et de curieux, une jeune fille, corpulence moyenne, vêtue d’une robe de pagne bleu à l’effigie des 150 ans du jubilé de l’évangélisation de l’Afrique, prêche : «Je vous délivre des esprits maléfiques. Vous avez appris que l’esprit saint viendra ici et vous êtes venus. Je vous en remercie». Depuis 2008, la silhouette, encore longiligne, de cette jeune fille s’est faite plus présente dans l’esprit de milliers de chrétiens. Entrée dans la salle quelques minutes plus tôt, la jeune fille, était suivie d’une forte délégation. Les membres de son réseau aussi habillés en uniforme, ne la quittent pas. Un dispositif de sécurité l’entoure et même des gardes de corps la tiennent toujours à l’œil. «Diminuez votre égoïsme. Les jeunes d’aujourd’hui sont trop agités. Vous vous attachez aux plaisirs de la terre et vous oubliez parfois l’existence de Dieu. Que la joie inonde votre vie», conseille Parfaite. Au milieu des prêches, elle lance une question : «que cherchez-vous en venant ici?». Les murmures enflent dans les tribunes du palais des sports. Après quelques secondes de silence, elle reprend : «vous cherchez les miracles? Quel miracle cherchez-vous? Et vous-mêmes, vous êtes quoi? Vous êtes aussi des miracles. Regardez comment Dieu vous a créés aussi beaux. Si vous avez foi, vous aurez les miracles tous les jours», déclare-t-elle. Le prêche dura environ une heure mais vers la fin, Parfaite s’enflamma. Elle s’en prit ouvertement aux prêtres «Vos prêtres font les personnes importantes. C’est eux qui cultivent la chefferie, c’est eux qui cultivent la haine. Ne croyez pas qu’ils sont différents de vous. Tout ce que vous faites (de mal), ils le font aussi.
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Si vous allez à l’église et un prêtre commence par mal parler de Parfaite, laissez-le, faites votre signe de croix et rentrez chez vous», conseille Parfaite à la foule. Une fois le prêche terminé et la bénédiction donnée, le réseau s’occupa de la vente des gadgets: T-shirts, sel, chapelet, image…C’est depuis 2008 que cette histoire a commencé. Une jeune fille malade est amenée au prêtre exorciste Vigan Mathias par son père et sa tante. Selon plusieurs témoignages, la fille malade venue pour chercher la guérison s’est muée en une égérie spirituelle, dotée de plusieurs pouvoirs et qui commenca à faire des miracles.
Une longue histoire
Plusieurs versions s’affrontent sur l’arrivée de Parfaite à la paroisse St Odile de Banamè où officie le Père exorciste Mathias Vigan. Selon les témoignages de ce dernier, rapportés par plusieurs de ses proches, «Parfaite» aurait été trouvée dans la brousse par un peulh au milieu d’un troupeau de bœufs et qui l’a amenée sur la paroisse. Cette version a été servie à tous les fidèles qui se rendaient sur la paroisse pour les séances d’exorcisme. Elle est contredite tout récemment par la tante maternelle de Parfaite, dame Jeanne Hounwèdo qui, interrogée par nos confrères de la Croix du Bénin, affirma que c’est elle qui a amené Parfaite, alors malade, à Banamè en novembre 2008. Contrairement donc à la thèse répandue de sa déité, Parfaite a pour vrai nom Vicencia et serait née le 18 Avril 1990 à Sakété de Raymond Chanvoukini et de Victorine Hounwèdo décédée il y a quelques mois. La fille alors malade a donc été soumise aux séances d’exorcisme du Père Mathias. Mais des semaines après, elle a retrouvé sa santé et mieux a commencé à faire des miracles. Le Père en a fait lui-même témoignage de ses miracles, comme la guérison de maladie, la délivrance des sorciers et même la résurrection des morts. Depuis, les populations se ruent sur Banamè, ce petit village de Zangnanado, devenu un lieu de pèlerinage. Des centaines de sorcières sont conduites à Banamè par celle qui commence à se faire appeler par ses proches «zo», le feu. Ses prêches sont un mélange de révélations, de bénédictions et surtout de diatribes.
Divergence
C’est justement au cours de ses prêches que les premières dérives ont été notées. Très tôt, les responsables de l’Eglise catholique ont commencé à dénoncer le discours et les pratiques qui ont cour sur cette paroisse. Selon plusieurs témoins, Parfaite aurait affirmé qu’elle est l’incarnation de l’esprit saint. Mieux, elle est Dieu le père venue sur la terre pour une mission messianique de trente ans au cours de laquelle elle devrait évacuer le monde des mauvais esprits, de la souffrance pour installer un nouvel ordre mondial fait de gloire, de paix et de bonheur. Au fil des jours et des mois, le mouvement a pris et Parfaite a investi d’autres harems comme les places publiques, les écoles et les maisons avec sa confrérie: «les amis de l‘esprit saint». L’année 2010 fut une année exceptionnelle pour l’église catholique avec le départ de deux évêques pour des raisons encore obscures pour bon nombre de chrétiens catholiques. C’est cette même année que l’Eglise catholique prend les premières sanctions contre ce qu’il convient d’appeler «le phénomène de Banamè». Le Père Mathias Vigan, curé de la paroisse Ste Odile est muté. Parfaite et son amie Victorine ont aussi disparu. On les annonce à Rome-auprès du pape, à Parakou, dans un pays voisin, à Dan, localité située sur la route de Dassa (où le père Vigan a finalement été muté). Mais contrairement à toutes les annonces, c’est finalement à Porto Novo que Parfaite a été retrouvée. Elle y a continué ses campagnes d’évangélisation et reçoit même des malades et des sorcières. De là, elle parcourt d’autres localités. Sa notoriété dépasse les frontières du Bénin et ses adeptes proviennent parfois d’autres religions comme l’islam, le protestantisme, les religions évangélistes et même les animistes. La menace se fait plus grande sur l‘église catholique dont des milliers de fidèles adhèrent à la nouvelle tendance. Le 20 janvier 2011, Monseigneur Eugène Houndékon, évêque d’Abomey sort une instruction contre les pratiques de Parfaite. Dans ce document, il dénonce les pratiques de spiritisme et la «divulgation de doctrines erronées». Il interdit à tous chrétiens catholiques de participer aux réunions, prières et séances d’évangélisation de Parfaite. «Quiconque prendra part à ces campagnes d’évangélisation, à ces prières paraliturgiques, à ces simulations de bénédictions et à ces séances dites d’exorcisme, s’expose à une défection de la foi et rompt la pleine communion avec l’église catholique», menace Mgr Houndékon. L’excommunication est ainsi prononcée. Mais cette interdiction n’émousse pas l’ardeur des pèlerins de Banamè. Le 29 Juin, Mgr Ehouzou, évêque de Porto-Novo apporte le coup de semonce à cette sanction. «A tous ceux qui, d’une manière ou d’une autre, soutiennent Parfaite dans sa désobéissance notoire et effrontée à l’église et en particulier la famille qui l’héberge, encourent la même peine d’excommunication, s’ils ne mettent pas fin à leur contumace», avertit le prélat de Porto-Novo. Le chien aboie la caravane passe. Rien n’émousse l’ardeur de Parfaite qui continue allègrement ses activités. Elle invente ses propres prières, un chapelet et le 18 Août dernier, elle organise à Banamè son propre pèlerinage. Les communiqués d’excommunication pleuvent à la radio Immaculée Conception, la radio de l’église, mais la ruée vers Banamè continue toujours hélas.
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