Report de la visite du chef de l’Etat en France : Ça va mal sur l’axe Cotonou-Paris

Annoncée, il y a quelques semaines, pour être bien calée dans le calendrier de travail de son hôte français, la visite attendue -pour avoir été «préparée»- de Boni Yayi à Paris, vient d’être reportée sine die. Le patron de la diplomatie béninoise a rendu publique l’information, lors d’un diner de presse tenu le vendredi dernier à son ministère, à Cotonou. D’après les explications, du ministre béninois des affaires étrangères, données devant un parterre de journalistes et de patrons de presse invités pour la circonstance, la situation en Libye dominée par la chute définitive du Guide libyen, justifierait le report du séjour en France du chef de l’Etat de son pays, le Bénin.

Dans le dénouement de la guerre civile livrée et entretenue par les éléments du Conseil national de Transition (CNT) qui ont capturé puis froidement assassiné, Mouammar Kadhafi, scellant ainsi le sort de son régime, la France de Sarkozy aurait «joué un rôle déterminant». Les derniers développements de l’actualité sur le front libyen autoriseraient donc qu’un tel déplacement du président Boni Yayi, bien que prévu et organisé de longue date, soit décalé. Non pas, par le chef de l’Etat béninois lui-même -pour témoigner de sa compréhension des soucis de «la France éplorée»- mais par son homologue français, de façon unilatérale. Car, dans sa conscience, Boni Yayi qui tient tant aux rencontres projetées avec diverses autorités françaises, sait que le front de guerre libyen se déroule à mille lieues de Paris et que, du reste, c’est l’épilogue souhaité par les multinationales occidentales, dont celles de la France, qui venait de se produire, deux mois après l’ouverture des combats meurtriers entre les factions rivales. Dès lors, au contraire, la mort de Kadhafi sonne pour le commun des mortels comme le point de départ du partage du gâteau grandeur nature des puits pétrolifères libyens.

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De ce côté là, nul n’ignore que la France voudrait la plus grosse part des opérations d’exploitation de l’abondant gisement du pays des Bédouins. Nicolas Sarkozy n’avait plus à craindre de ne rien obtenir de l’issue de guerre qui lui est largement favorable. Au contraire, Boni Yayi méritait d’être plutôt immédiatement reçu à diner puis à trinquer du bon Bordeaux pour avoir été un des premiers alliés ayant pris sur eux de reconnaitre officiellement et en temps utile le CNT libyen, sans trop porter des gants. L’acte de reconnaissance avait été perçu, en son temps, par des observateurs comme une injonction en sourdine de la France qui en avait besoin pour assouvir ses desseins hégémoniques.

L’argument de l’issue de la crise libyenne qui justifierait que Boni Yayi ne puisse pas être reçu ce jour, lundi 24 Octobre 2011, n’est finalement qu’un alibi, le lien entre les deux événements n’étant pas tangible. Il apparait plutôt un peu trop tiré.

Au demeurant, les usages diplomatiques renseignent que lorsque le temps devient une denrée rare et que la volonté politique étant toujours de mise, une rencontre avec le chef de l’État français puisse se tenir en un tour d’horloge, soit une heure. En tout cas, pour aider à déblayer les grands axes des points inscrits à l’ordre du jour des discussions en tête-à-tête, le reste étant une histoire de mise en musique et de finalisation confié à des cadres techniques rompus qui poursuivent la réflexion entamée au sommet par les chefs d’État.

Et ce ne sont pas des sujets d’intérêt qui manquent pour meubler le séjour du chef de l’État béninois. De la cession de Bénin Telecom aux questions de sécurité sur l’espace maritime de son pays régulièrement écumé, depuis peu, par des pirates en passant par les négociations avec Areva en vue du transit par le port de Cotonou de l’uranium d’Imouraren au Niger, Boni Yayi a prévu à son calendrier de quoi ne pas s’ennuyer, en ce temps d’automne où la température commence à se faire glacial sur les bords de la Seine. L’homme a mis, à cet effet, les petits plats dans les grands, faisant réserver tout un niveau à sa délégation dans le somptueux 5 étoiles «Le Bristol», dans le 8e.

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Hélas! Comme un camouflet, Nicolas Sarkozy a décidé qu’il en soit autrement. Et un diplomate de l’ambassade de France à Cotonou, la capitale économique, de reconnaitre que la visite a été reportée. «A une date ultérieure» notifiée dans une lettre transmise à la veille seulement de la concrétisation de ce rêve que nourrissait le locataire du Palais de la Marina. Depuis son retour aux affaires après sa victoire à la Pyrrhus, lors de la présidentielle de mars 2011, ce dernier recherche désespérément la bénédiction des autorités de Paris et devra prendre son mal en patience. Et surtout retravailler sans relâche à la normalisation des relations diplomatiques entre les deux pays avant d’envoyer son ministre des affaires étrangères qui pourra valablement convaincre de ce que ces «relations sont excellentes».

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