Dans le secret des primes et indemnités

Ainsi en a-t-il été décidé : (Citation) « La suspension du paiement des accessoires de salaire (Primes et indemnités) dans les sociétés et offices d’Etat… en attendant de nouvelles mesures à prendre par le gouvernement » (Fin de citation). Voilà la lettre de la décision. Quel peut en être l’esprit ?

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Si, aux termes du communiqué du gouvernement, c’est (Citation) « en attendant de nouvelles mesures à prendre » (Fin de citation), c’est que cette décision n’a qu’un caractère provisoire, en tout cas, non définitif. Cela veut dire que quelque chose de nouveau est à venir ; que des réformes, des mesures correctives sont en vue.

 

La décision surprend tout de même par sa brutalité. Rien ne l’appelle expressément. Aucun des partenaires sociaux, les syndicats notamment, n’en a été informé. Si le gouvernement voulait surprendre et dérouter, il ne s’y prendrait pas autrement. Il reste qu’un gouvernement peut se donner des raisons d’agir ainsi. Mais est-ce la bonne manière d’agir ?

Au nom du principe selon lequel « il n’y a pas de fumée sans feu », on peut admettre que le gouvernement sait ce qu’il fait, pourquoi il le fait, après qu’il eut calculé tous les risques de le faire ainsi. Peut-être même qu’il a anticipé de tels risques. Au regard de quoi, la décision de supprimer les primes et indemnités ne serait qu’un gros piège, un trou profond sous les pieds de tous ceux qui sont ciblés pour venir s’y engouffrer. Il reste, néanmoins, par delà toutes les spéculations, que cette décision du gouvernement ne va pas sans poser quelques problèmes. Retenons-en trois.

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Premier problème. Les primes et indemnités ainsi suspendues par le gouvernement en un tour de main ne l’auraient pas été ainsi si elles avaient la garantie et l’onction de la loi. Tout porte à croire que ces primes et indemnités relèvent de décisions internes. Ce sont donc les patrons-gestionnaires et non moins bénéficiaires de ces primes et indemnités qui se sont octroyés le pouvoir discrétionnaire d’en déterminer la nature et d’en fixer le montant. Celui qui prend le risque de laisser au chat un bol de viande frite doit-il se plaindre de l’appétit vorace de l’animal ? Il n’est ni sain ni raisonnable de tenter le diable. Comme l’écrit la Rochefoucauld: « L’hypocrisie est un hommage que le vice rend à la vertu »

Deuxième problème. Si, aujourd’hui, l’on devait trouver ces primes et indemnités exorbitantes au point de décider d’y mettre bon ordre, où étions-nous, où avions-nous les yeux depuis qu’on en usait et qu’on en abusait ? Par quelle soudaine illumination avions-nous eu la révélation qu’il y a péril en la demeure, que trop, c’est trop, que la saignée n’a que trop duré et qu’il y a lieu de l’arrêter ?

Pour dire, qu’en terme de responsabilité, celui qui a toléré la faute et qui a permis à celle-ci de se consolider en un péché capital n’est pas moins coupable que le pécheur. Il ne serait donc pas juste, à l’heure des comptes, de désigner des victimes expiatoires ou de trouver des moutons du sacrifice pour racheter les péchés de tous les autres.

Troisième problème. La démocratie que nous avons choisi d’édifier nous impose de faire de notre pays une maison de verre dans laquelle vérité et transparence doivent aller de pair. Les motivations du gouvernement sur cette suspension des primes et indemnités doivent être connues sans délai. Toute diversion entretient un mur de fumée qui n’arrange rien. Ici, la pêche en eaux troubles doit être interdite.

Cela veut dire en clair que les Béninois doivent connaître les tenants et les aboutissants de cette décision. Volonté de combattre les injustices et les abus ? Volonté d’harmoniser les avantages dus dans un souci d’équité dans leur répartition ? Volonté de réduire le train de vie de l’Etat, en serrant quelques vis aux bons endroits ? Volonté de faire face aux difficultés de la crise qui n’épargne ni l’Etat ni les individus ? Les Béninois ont besoin de savoir. Les Béninois ont besoin de connaître la vérité. Les Béninois ont surtout besoin d’être rassurés que toute nouvelle décision, portant sur les primes et indemnités, aura la caution et la garantie de la loi. On ne construit pas autrement l’Etat de droit.

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