Egoungoun et Oro : La désacralisation

La culture béninoise, à n’en point douter, est un champ très vaste et très riche. Tant au niveau du patrimoine culturel matériel qu’immatériel. Egoungoun et Oro sont deux cultes traditionnels qui font partie de l’immatériel. Ils sont chacun, gouvernés par un esprit que vénèrent leurs adeptes et initiés. Ce sont deux des cultes qui à l’origine, sont pratiqués dans des milieux précis. Aussi, dans des circonstances et conditions spécifiques. Egoungoun à Ouidah, Porto-Novo, Pobè, Kétou, Sakété, Agonlin et d’autres régions nago et yoruba. Au-delà de ces zones, Oro est aussi pratiqué dans d’autres localités comme chez les gouns et les toris dans l’Ouémé. De nos jours, il y a leur extension vers d’autres milieux dont la ville capitale économique du Bénin. Cotonou étant la ville cosmopolite par excellence. La ville où tout se fait ; ville où on voit tout. On y voit aussi Egoungoun et Oro.

A Cotonou, “on sort le vodoun”, dit-on dans le jargon des adeptes. Que ces cultes soient “implantés” aussi dans d’autres localités du pays, c’est une bonne chose. Cela contribue à leur promotion et valorisation. C’est du moins selon l’ordre normal des choses. Mais malheureusement, tel n’est pas le cas à Cotonou.

Publicité

A Cotonou, Egoungoun est l’arbre derrière lequel on se cache pour s’adonner à la mendicité et à l’escroquerie. Le vodoun qui dans les milieux d’origine est vénéré et sort à des moments précis avec autour de lui tout une organisation harmonieuse et sacrée est ici, un quémandeur à la quête de 25, 50 ou 100 Fcfa dans les rues.

A Cotonou, dans certaines rues, Egoungou est assimilable à un «Kaléta». C’est ce que font les enfants qui se mettent un masque à la figure en période des fêtes de fin d’année pour se réjouir et égayer les populations qui en guise d’encouragement leur donnent quelques pièces d’argent. S’il faut trouver une différence entre ce que ces enfants font et la manière dont Egoungoun est pratiqué dans certaines rues de Cotonou, c’est peut être que les petits n’ont pas eux, de chicottes ; ils ne pourchassent personne. Certes, ils veulent de l’argent mais ils ne sont pas exigeants contrairement aux coutumes Egoungoun dans la capitale. Ce n’est plus un secret, ce sont de jeunes gens qui se dédient à cet acte horrible qui ternit la valeur de ce fétiche.

A Cotonou, dans certains quartiers reconnus comme zones des «éléments», on se cache sous les accoutrements de cet esprit divin pour régler des comptes. Dans ces zones, il se dit : «Quand le kouvito (Egoungoun) te frappe ici, sache qu’en dessous, c’est quelqu’un que tu connais et qui te connait aussi. Seulement, tu ne peux pas à l’instant découvrir son identité». Les Egoungoun à Cotonou sont correctement fessés au commissariat.

A Cotonou, nous avons «Egoungoun élève». Imaginez le Egoungoun qui, approché d’un groupe d’élèves dit : Le monsieur d’anglais a fait l’interrogation ? Ces élèves qui n’étaient que ses camardes de classe se rendent compte très tôt de qui il s’agit. Car notre «Egoungoun élève» était malheureusement le seul absent au cours ce vendredi soir.

Publicité

C’est presque la même scène dévalorisante qui se passe au niveau du culte Oro à Cotonou. Au-lieu des brousses dites «Oro zoun », c’est dans des maisons qu’est érigé le siège de Oro. Seulement, ici, le phénomène n’est pas encore bien connu du public, surtout que chez eux, tout se passe la nuit. Et aussi, il y a une certaine modération. Le caractère sacré est un peu préservé. Egoungoun ou Oro, les deux se pratiquent à Cotonou sans saison précise.

Tout ceci se passe comme s’il n’y avait aucune loi ou règlementation et suivi en la matière. C’est comme si, une fois à Cotonou, le contrôle dans le domaine échappait aux dignitaires de cultes. Mais échappe-il aussi aux autorités politico-administratives notamment celles du ministère de la culture et celui des cultes ? Elles sont plutôt des bureaucrates laissant passer dans la ville ces événements qui désacralisent nos cultes dont la sauvegarde des valeurs authentique leur incombe. Outre les séminaires, ateliers, festivals, etc., il urge qu’elles sortent des climatiseurs et bravent le soleil dans les rues afin de constater ce drame cultuel. Au-delà du constat, mettre en place une mesure de règlementation en commun accord avec les dignitaires de ces cultes. Egoungoun ou Oro, qu’ils restent sacrés sur toute l’étendue du territoire national. Le fétiche citadin ne rend pas service à la valorisation de nos richesses cultuelles. Responsables culturels et cultuels dans les bureaux, c’est ça aussi le boulot.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Publicité