La Cour suprême: ombre et lumière

La Cour suprême à l’honneur. La plus haute juridiction en matière administrative, judiciaire et des comptes de l’Etat a promis de se cour supremefaire voir et de se faire entendre à l’occasion de la célébration de son cinquantenaire. C’est contraire, pourtant, à ses habitudes. La vieille Dame a brillé, jusqu’ici, par un silence éloquent et une absence souveraine, lors même que tout le monde cherche à flamber de présence à la surface de l’actualité. On ne peut pas dire que les Béninois connaissent leur Cour suprême. Le nouveau Président de l’Institution, Ousmane Batoko, a la conscience des gens qui font l’histoire. Il ambitionne de marquer son passage de grandes réformes. Aussi s’engage-t-il à secouer le cocotier, à «dégraisser le mammouth», à faire la lumière sur une structure majeure dans le dispositif institutionnel de notre pays.

Le monde change, la Cour suprême doit changer. Un adulte de 50 ans n’a plus ses dents de lait de sa prime enfance. La génération de nos compatriotes du prochain cinquantenaire de nos indépendances ne se reconnaîtra point dans une Cour suprême sans relief, figée dans une raideur cadavérique, à peine visible et audible. Une Cour suprême rénovée, avec une mission mieux affirmée au service de l’Etat et de la nation, ce ne peut être qu’au prix d’un travail de fond. Trois chantiers au moins pour ce faire.

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Premier chantier: le recadrage de la mission de la Cour suprême. Au moment où nous nous donnions une Cour suprême, il y a cinquante ans, nous ne nous imaginions pas que l’institution dont nous tracions alors l’architecture allait être prise dans les soubresauts d’une histoire tumultueuse. A l’interne, la Cour suprême s’est fait doubler de nouvelles institutions, telle la Cour constitutionnelle, telle la Cour des Comptes dans certains pays. A l’externe, au plan sous-régional notamment, sont apparues la Cour de l’Ohada, la Cour de justice de l’UEMOA, la Coupe de justice de la CEDEAO… etc. Face à quoi, il y a lieu de revoir les frontières de la Cour suprême, d’en déterminer le territoire, d’en redessiner les contours, d’en contextualiser l’action, d’en spécifier la mission.

Deuxième chantier: la déconcentration des activités de la Cour suprême. De quelle efficacité pourrait-on créditer une Cour suprême qui s’épuise à traiter des dossiers jusqu’à la limite de son impuissance, c’est-à-dire avant que ces dossiers ne soient déclarés forclos par la prescription? Qu’attendre d’une juridiction qui se laisse ainsi prendre dans la glue paperassière et routinière d’une totale inefficacité?

La déconcentration des activités de la Cour constitue une première réponse salutaire: veiller à traiter tous les dossiers dans les délais les plus raisonnables. Limite extrême et exceptionnelle: un an. Pour y parvenir, la Cour suprême devra se dégraisser un tant soit peu, et déléguer autant que possible. La création de chambres administratives et de chambres de comptes à des échelons inférieurs répond à cette nécessité. Ainsi s’affirmera, dans un souci d’efficacité et d’exigence de résultat, le principe de la subsidiarité. Plutôt que de vouloir tout faire et mal, une structure faîtière gagne à recourir aux services d’une structure placée à un échelon inférieur, mais capable de faire plus et de faire mieux. Exemple: le Maire de Cotonou fera mieux nettoyer les rues de Cotonou que l’Etat dont le champ de compétence s’étend à tout le territoire national. La subsidiarité, c’est ce qui fait gagner ceux qui ont compris les vertus de la décentralisation, de la délégation et de la participation.

Le troisième chantier: la lumière sur la Cour suprême. A l’ère de la communication triomphante, on a plus à gagner à être une maison de verre qu’à tenir le rôle obscur d’un couvent. Plutôt la transparence que les ténèbres du secret et de la confidentialité. Le magistrat qui ordonne et qui dispose, estime-t-on, ne parle pas. C’était hier. Aujourd’hui, ne serait-ce que par rapport au principe de la reddition des comptes et à la nécessité de se soumettre aux exigences du contrôle citoyen, il n’y a plus, en démocratie, de bois sacré inviolable. Car, il vaudra toujours mieux dire ce qu’on fait et se laisser voir par une image maîtrisée de soi que d’être la caricature des autres. Autant par ignorance que par mesquinerie.

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