«Jours fériés, chômés et payés»

L’attente fut longue. Le suspens en sus. Nombre de Béninois avaient déjà déclaré le lendemain de la Tabasky, jour férié, chômé et payé, avant que cela ne fût officiellement notifié et annoncé. Cette fièvre pour anticiper et prendre de l’avance sur les autorités compétentes, n’est pas innocente. Elle mérite qu’on s’y attarde. Elle est symptomatique d’un certain type de rapport que nous entretenons avec le travail.
Commençons par reconnaître qu’il n’y a de « jours fériés, chômés et payés » que pour une catégorie de citoyens. Ceux qui sont au chômage ont déjà fériés, chômés, mais non payés, tous les jours que Dieu fait. Ils préfèrent, sans nul doute, travailler que de vivre des jours vides et sans contenu.
Par ailleurs, ceux qui s’échinent à créer leur propre emploi et qui s’affirment comme des capitaines à bord de leurs propres entreprises, ne peuvent se sentir heureux face à la kyrielle des « jours fériés, chômés et payés ». Ce sont autant de jours de travail non rentabilisés qu’ils s’obligent de payer à des collaborateurs invités à se la couler douce, dans un chômage doré.
Il apparait ainsi que les « jours fériés, chômés et payés » n’intéressent vraiment que ceux de nos compatriotes qui ont un emploi salarié, dans le public comme dans le privé. Ce qui exclut l’immense majorité des Béninois au travail dans les champs, à la campagne, sur les marchés et sur des plages entières du secteur informel dans les villes. Parlez de « jours fériés, chômés et payés » à un conducteur de taxi-moto. Et vous aurez pris le parti de le condamner à mort. Se trouve placée dans la même situation la tenancière d’un « maquis », ces petits restaurants de quartiers.
Comme on le voit, les « jours fériés, chômés et payés » constituent, par rapport au monde du travail, un phénomène minoritaire. Il ne concerne qu’une infime partie de nos compatriotes. Le tapage fait autour est donc disproportionné, sans commune mesure avec sa valeur sociale. C’est assez marginal pour être élevé au rang d’un fait qui pourrait se confondre avec l’intérêt général des Béninois. Reste qu’il mérite d’être repensé. Il doit faire l’objet d’une réforme de fond.
Quand on est un pays sous-développé où tout est à faire, son atout maître pour relever les défis de la vie, c’est son potentiel de travail. C’est pourquoi le dossier des « jours fériés, chômés et pays » ne saurait faire l’objet d’une gestion laxiste, au petit bonheur la chance. Des pistes de réflexion doivent être dégagées. Le phénomène doit être maîtrisé plutôt que d’être subi. Comme c’est le cas aujourd’hui.
Il s’agira, d’abord, de passer au crible de la critique la liste actuelle de nos jours fériés. La décantation souhaitée à ce niveau soulagera notre agenda d’un certain nombre de jours fériés plus fantaisistes que pertinents.
Il s’agira, ensuite, de disposer de données chiffrées, des statistiques pour évaluer, apprécier le coût, pour l’économie nationale, d’un jour férié, chômé et payé. Car, si nous ne savons pas ce que nous concédons, nous ne saurons jamais ce que nous gagnons, ce que nous perdons. C’est une exigence de l’Etat moderne : avancer en visibilité et en traçabilité, plutôt que de gesticuler comme des nègres de bon teint dans un tunnel.
Il s’agira, encore, de faire obligation, par une loi, d’accompagner tout jour férié, chômé et payé d’un service minimum. Le service du public exige qu’aucune forme de ralentissement de l’activité, au bénéfice de quelques uns, ne se transforme en une paralysie dommageable à l’intérêt de tous.
Il s’agira, enfin, de rendre souple et flexible la législation du travail. Que ceux des citoyens qui ne voudraient pas observer le jour férié, puissent travailler, si telle était leur volonté. L’idée est de comptabiliser à leur profit, au titre des heures supplémentaires, leur prestation. C’est cette belle célébration du travail qui donne à ce proverbe bambara tout son éclat : «Si nombreux que soient les travaux finis, ceux qui restent à faire sont plus nombreux».

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