Plaidoyer en faveur du livre

La bataille du livre est-elle perdue pour le Bénin ? Nous avons le sentiment que cette bataille est à peine engagée. Alors que restent encore intacts nos espoirs de succès. Pourtant, nous entendons dire, ici et là, qu’entre les Béninois et le livre, le divorce est quasiment consommé. Sous prétexte que la génération du numérique que serait celle de nos enfants a fait son deuil de tout support papier. Le livre serait ainsi une espèce en voie de disparition, parce que soumis à l’implacable loi de la sélection naturelle, faute de s’adapter aux réalités du monde contemporain. A l’image du diplodocus préhistorique, cet énorme reptile qui disparut dans la tourmente des temps. Et pour achever le livre, on le dit cher, dans un contexte de pénurie où une majorité de citoyens n’a pas le minimum vital.

Voilà la voie qu’empruntent souvent ceux qui ont un compte à régler avec le livre ou ceux qui s’engagent à l’assommer jusqu’à ce que mort s’en suive. Pouvons-nous suivre ces pourfendeurs du livre dans leurs délires meurtriers ?

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C’est notre conviction : une telle voie n’est pas celle de la vérité. C’est ailleurs qu’il faut chercher et trouver la vérité du livre. Les jeunes Béninois n’ont jamais déserté nos quelques rares bibliothèques publiques. Nous disposons de flatteuses statistiques pour le montrer, pour le prouver. Les Béninois éprouvent de plus en plus l’envie d’écrire, de se faire éditer. Les lancements de livres se multiplient. Légion sont les séances de dédicaces. La révolution du livre est à notre portée. Il ne tient qu’à nous de nous y engager ferme.

Disons à l’adresse de ceux qui croient que cette révolution du livre ne se ferait qu’au prix de la mobilisation préalable de millions, voire de milliards de nos francs, que tous les ingrédients sont en place pour que le Bénin déclenche une conflagration salutaire au profit du livre. L’onde de choc d’une telle révolution irait bien au-delà de nos frontières. Elle ne laisserait pas intact un seul arpent de terre dans la sous-région ouest-africaine. Comment est-ce possible ?

Nous devons changer, du tout au tout, notre perception du livre qui doit être vu sous un jour nouveau. Le livre doit cesser, en effet, d’être une entité isolée dont la valeur marchande ne s’intègre à rien, ne se rapporte à rien. Le livre doit être vu comme un produit marchand qui intègre le travail, la peine et la sueur de centaines de spécialistes. Le livre doit participer de l’effort de chacun et de tous pour créer la richesse et assurer le développement d’un pays. C’est en cela que, comparaison pour comparaison, le livre est aussi important que le pétrole qui suscite bien des convoitises.

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Le livre est à la confluence d’un ensemble de métiers. Il est la somme arithmétique de chacune de leur valeur ajoutée. Au commencement de la chaîne du livre, il y a un manuscrit, fruit de l’effort de création de son auteur. Le manuscrit est pris en charge par un éditeur qui fait travailler des équipes de spécialistes, à charge pour eux de faire du manuscrit un livre : membres de comités de lecture, dessinateurs, graphistes, correcteurs, traducteurs, imprimeurs…

Le produit fini doit être porté sur un marché et bénéficier, pour s’y maintenir ferme, du concours d’un bataillon de communicateurs, d’hommes de médias, de critiques en tous genre, d’enseignants. Ne parlons pas de l’indispensable relais qu’assureront des animateurs, des bibliothécaires, avant que le livre n’atterrisse dans les mains du lecteur lambda. La chaîne du livre révèle ainsi un grand nombre de gens à l’œuvre, à travers leurs connaissances, compétences et expériences respectives. Et ce bouquet d’expertises, dans le cadre d’une véritable industrie, a un coût qu’on ne saurait ne pas mettre au compte du développement d’un pays, en termes de matières premières rassemblées, de facteurs de production mobilisés, de travail rémunéré, de créativité déployée, de produits fabriqués et distribués. Il s’y ajoute que le livre a plus qu’une valeur marchande. Le livre est aussi un produit culturel qui participe à l’accroissement du potentiel intellectuel de la société. Nous voici rendu aux frontières du non quantifiable. Cela n’est plus un rêve pour de nombreux pays, mais une réalité quotidienne. C’est en notre pouvoir. Il n’est que temps de nous jeter à l’eau.

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