Scanning et tracking : mots et maux

Deux mots nouveaux, à partir de cette semaine, dans le vocabulaire des Béninois : « scanning » et « tracking ». Le scanning, c’est l’inspection par rayon X des biens débarqués dans notre pays. Le tracking se rapporte au suivi électronique de tout ce qui transite par le territoire national. Ces deux opérations entrent dans le cadre du Programme de vérification des importations (PVI) de nouvelle génération. Ce que notre pays s’efforce de rendre opérationnel depuis le mois de mars de l’année en cours. Incontestablement, le scanning et le tracking nous projettent dans une modernité avancée. Plus de jugement au pif, c’est-à-dire à vue de nez, donc approximatif. Mais nous nous ferrons assister désormais de moyens techniques et technologiques plus éprouvés. Objectif : amoindrir, à défaut de la gommer, la marge des approximations et assurer à l’Etat des gains plus conséquents.

Le progrès est à saluer. Le progrès est à célébrer. Mais il ne fait pas pour autant l’affaire de tout le monde. Le neuf bouscule nos habitudes. Le neuf dérange notre confort. Le neuf brouille nos repères. Aussi rechignons-nous à franchir les frontières qui nous introduisent dans un monde inconnu, synonyme, a priori, d’aventure.

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Pour dire qu’avec le scanning et le tracking, beaucoup traîneront les pieds et tireront la langue. Mais si ces innovations sont à l’avantage du pays et dans l’axe de l’intérêt bien compris du Bénin, alors, en avant toute ! Certains manqueront le train. D’autres s’obligeront à le prendre en marche. Mais, pour nous tous, c’est l’heure de vérité :’à partir de maintenant, aucun de nos anciens tickets n’est plus valable. Le rythme du tam-tam a changé. Les pas de danse doivent suivre. C’est cela, aussi, la logique du progrès.

Mais le progrès n’a jamais été un processus aveugle, avançant à tâtons, au petit bonheur la chance. Le progrès ne profite à ceux qui devraient en bénéficier qu’encadré, qu’assisté, qu’orienté. Mais comment ? Il y a un environnement propice au progrès. Il y a des conditions favorables au progrès. Il y a la finalité du progrès.

D’abord, l’environnement du progrès. Les instruments de toute récente génération comme le scanning et le tracking, ne sont pas des outils neutres. Ce sont des produits culturels transférés dans un univers social pour lequel ils n’étaient, au départ, ni conçus, ni destinés. Une acclimatation s’avère nécessaire, par souci d’équilibre et dans une logique de pertinence. Comment tirer le meilleur profit de ces instruments modernes si l’environnement qui les accueille n’est ni mentalement, ni scientifiquement, ni technologiquement constitué ? Le milieu d’accueil se doit d’être préparé à l’innovation. La haute sophistication des nouvelles technologies se doit de rencontrer chez leurs éventuels utilisateurs un niveau équivalent de capacité, en termes de connaissances, de compétences, d’expériences. Faute de quoi, ce serait comme si l’on remettait en des mains inexpertes de simples gadgets.

Ensuite, que valent vraiment un scanning et un tracking, dans un environnement où un facteur de production essentiel, l’électricité en l’occurrence, est encore chère et instable ? L’électricité est soumise aux aléas d’un délestage récurent, quasi permanent. Il faut s’interdire de rentrer dans la modernité à reculons. Que valent un scanning et un tracking dans un environnement en butte à un service après vente problématique ? Le rapport à la maintenance, par exemple, laisse à désirer, parce que nous tardons à en avoir une culture systématique et avérée. Les pièces de rechange ne sont pas disponibles, sur place. La moindre réparation requiert les compétences d’un expert, à faire venir de loin. Il n’y a pas à dire : cela coûte en temps et en argent.

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Enfin, quelle finalité, quelle utilité pour un scanning et un tracking voulus au nom de la rigueur, installés en vue d’assurer une bonne rentrée de fonds à l’Etat, mais qui, en définitive, nous fait perdre beaucoup d’argent et beaucoup de temps ? Il faut en convenir : l’art de vouloir une chose et son contraire, voilà le plus sûr moyen de faire tout, sauf le développement.

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