Visite du Pape Benoît XVI au Bénin : Réconciliation manquée avec la classe politique

«Réconciliation, justice et paix», c’est sous ce thème plein de significations que le Pape Benoît XVI a effectué sa visite apostolique au Bénin. Pendant les trois jours de cette visite, le Bénin a montré son plus beau visage. Cachant ainsi à la face du monde, le profond et sérieux désaccord qui existe-depuis la dernière présidentielle – entre le gouvernement et l’opposition. Avant comme après cette visite du souverain pontife, le constat ne varie guère: la classe politique béninoise apparaît toujours à couteaux tirés. Le sourire narquois et le mutisme de Bruno Amoussou, interrogé par Canal3 sur la réconciliation, montre bien le contraste entre l’euphorie de la visite papale et la réalité. Le peuple béninois a-t-il pu se réconcilier avec lui-même? La classe politique a-t-elle pu se réconcilier avec elle-même? Voilà deux questions fondamentales auxquelles cette visite devrait trouver de réponses. Mais au terme de cette visite, on n’a pas l’impression d’avoir trop évolué sur ce plan. Les frustrations, les inimitiés et les méfiances nées un peu avant la dernière élection présidentielle, entretenues depuis la fin de ce scrutin à polémique, demeurent encore. Depuis ce scrutin, aucune rencontre sérieuse n’a eu lieu entre les principaux protagonistes de cette affaire. Ni Houngbédji, ni Abdoulaye Bio Tchané n’ont été reçus à la Marina par le président Boni Yayi. Il a suffi des festivités du 1er Août à Natitingou pour que Boni Yayi et Bio Tchané puissent se retrouver le temps d’une accolade furtive, propre aux manifestations du genre mais aujourd’hui révélatrice du malaise politique qui ronge notre pays. Houngbédji qui a contesté les résultats du scrutin et qui se fait de plus en plus rare sur la scène publique n’a plus eu la chance de rencontrer Boni Yayi. La porte du dialogue aussi est restée fermée entre le pouvoir et cette opposition qui se réduit chaque jour comme une peau de chagrin. La seule tentative de dialogue politique est venue du Wanep appuyé par le Haut commissariat à la gouvernance concertée. Et là aussi, le processus est resté grippé par une mauvaise volonté des vrais acteurs à dialoguer. A l’Assemblée nationale, cette opposition incarnée par l’Un-très minoritaire- est marginalisée dans les débats.

Qui refuse la réconciliation?

Les échecs répétés du dialogue politique ont certainement amené le président de l’Un Bruno Amoussou à saisir la perche de l’arrivée annoncée du pape pour dénoncer les dérives démocratiques du pouvoir Yayi. Le 16 novembre, deux jours avant l’arrivée du Pape, il a adressé un courrier à celui-ci pour attirer son attention sur la crise latente dans le pays. Il dénonce «la corruption généralisée», «la privation arbitraire et illégale du droit de vote des milliers d’électeurs», «les détournements des suffrages des électeurs», «la confiscation et l’achat des moyens de communication»… Il ajoute : «Ces dernières années, la société béninoise subit des traumatismes qui sont autant de menaces pour la réconciliation, la justice et la paix. Pendant ces temps de souffrance, elle aurait souhaité qu’une parole de vérité fût dite à qui la méritait. Nous l’attendions de nos autorités morales qui, pour la plupart, n’ont pas pris ce risque. Certaines se sont tues, tout simplement». Mais en dépit de cette situation, ni l’Un, ni l’Alliance Abt, n’auraient été invitées. Seuls les députés l’ont été. Pourtant, le clergé et le comité d’organisation savent bien que la réconciliation politique n’aurait de sens que si on associe Me Adrien Houngbédji et Abdoulaye Bio Tchané qui ne se siègent pas hélas au Palais des gouverneurs de Porto-Novo. Selon nos recoupements, les deux étaient même absents du territoire national n’ayant pas reçu des invitations. Le pape n’a fait qu’exécuter le programme qui lui a été concocté. Ce n’est donc pas sa faute s’il n’a pu accorder quelques minutes pour discuter et essayer de réconcilier Boni Yayi et ses deux plus sérieux adversaires politiques. Le pape aurait ainsi apporté la caution morale et spirituelle nécessaire pour cette réconciliation souhaitée par tout le peuple. Mais apparemment, cette maladie lui a été cachée de peur que ces contradicteurs du gouvernement ne révèlent les dessous d’une république vantée comme une des plus « pacifiques » du continent. Le Pape est parti mais la crise politique est toujours entière. Le Pape a eu le courage de semer les germes d’une réconciliation future mais qui va entretenir le plant qui va sortir de terre? Difficile de le savoir. «La maladie qu’on cache au médecin finit toujours par tuer», dit un adage.

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