Le transfèrement de Laurent Gbagbo : une honte pour le continent noir

Le débat est ouvert dans nos colonnes et en ligne sur le bien fondé du transfèrement de Laurent Gbagbo à la Cpi. Hier, notre chroniqueur a pu parler du «transfèrement pour la bonne cause». Il a peut-être raison, si l’on ne s’en tient qu’aux crimes attribués à l’homme .Mais Le problème que pose le transfèrement de Laurent Gbagbo n’est pas celui de sa culpabilité réelle ou supposée pour ses crimes.

Le vrai problème est de savoir qui doit et où doit-on juger Gbagbo et si on a le droit de le transférer à la Haye dans les conditions dans lesquelles on l’a fait, sans respecter son droit à la défense ou si on devrait le faire juger plutôt dans le pays même où les crimes ont été commis. Aujourd’hui, nous affirmons haut et fort que ce transfèrement, comme hier l’assassinat en direct de Khadafi, est inacceptable et n’a rien de réjouissant pour les patriotes et démocrates africains, et pour les Africains noirs tout court. Les Africains que nous sommes, viennent de subir la seconde plus grande honte du siècle commençant, après celle de son arrestation et celle de son épouse dans des conditions des plus humiliantes. C’est une honte pour nous autres Africains, quand on sait qu’aucun autre dirigeant au monde n’est traité de la même façon. Les généraux birmans qui figurent parmi les autocrates les plus sanguinaires au monde et qui font subir à leur peuple les exactions les plus inouïes sont aujourd’hui, devenus plus fréquentables au point où les Usa ont délégué au Myanmar (le nouveau nom de la Birmanie), son Secrétaire d’Etat (rien moins!). Une première depuis 1962, près de 50 ans de dictature continue! Depuis le soulèvement en Syrie, il y a eu autant, sinon plus que les 3000 morts attribués au camp Laurent gbagbo mais personne ne parle encore du transfèrement d’Assad, fils de son père à la Cpi. On peut dire la même chose du Yemen au profit de qui les pouvoirs moyenâgeux du Moyen Orient et du golfe ont ménagé une sortie honorable. Nous prenons ainsi en pleine figure la honte de voir un ancien dirigeant africain fraîchement débarqué du pouvoir de se faire embastiller comme un vulgaire malfrat, comme on l’a fait autrefois pour les rois rebelles à l’invasion européenne en Afrique. Même le sinistre Charles Taylor n’a pas été soumis à une telle humiliation. Souvenez-vous : c’est en homme libre qu’il a pris l’avion de Monrovia pour L’Etat fédéré de Calabar au Nigéria. Et c’est parce qu’il a tenté de fuir de la résidence cossue mise à sa disposition par Obasanjo, quand il a compris que ce dernier allait le livrer à la Cpi, que l’on s’est lancé à ses trousses pour le transférer by force à la Haye. Quant au Congolais Jean Claude Bemba, qui n’était pas président, il ne s’est pas fait arrêter au Congo mais dans un pays européen où il était en transit !

Car disons- le d’emblée, on ne peut dire de Laurent Gbagbo qu’il était un dictateur sanguinaire de l’acabit des sinistres Amin Dada, Bokassa ou Gnassingbé Etienne Eyadéma. Laurent Koudou Gbagbo est un homme politique de gauche aux convictions idéologiques trempées dans du roc contre le pacte colonial imposé à la Côte d’Ivoire. C’est un militant politique qui, acculé par les forces coalisées de la recolonisation de l’Afrique, n’a malheureusement pas su résister à l’ivresse du pouvoir et à la goinfrerie des nouveaux riches du Fpi son parti. Mais Il ne mérite pas le traitement dégradant et humiliant que lui ont fait subir le camp des vainqueurs en le faisant transporter par hélico de sa prison de Korhogo dans l’extrême nord de la Côte d’Ivoire à Abidjan et d’Abidjan à la Haye, après une procédure expéditive où la chambre d’accusation réunie à la hussarde a donné son aval pour le transfèrement .Il n’y a pas de doute que le pouvoir des vainqueurs a joué dans la précipitation pour faire aboutir les choses, comme il le voulait et comme le voulaient les dirigeants occidentaux pour qui Gbagbo était le diable en personne .Le fameux procureur de la Cpi obtient ainsi sur un plateau d’or ce qu’aucun gouvernement africain n’a osé lui offrir jusque-là En disant cela, je sais que je risque de faire sursauter les victimes de toutes les exactions réelles ou supposées des milices pro Gbagbo, et tous les ‘‘défenseurs-droit-de-l’hommistes’’ qui se sont offusqués à juste titre souvent des excès prêtés au camp Gbagbo. Mais les nouveaux dirigeants Lybiens ont pu dire vertement au fameux procureur Ocampo qu’il leur revenait de juger le fils Khadaffi, arrêté quelques jours plus tôt. Et le fameux procureur leur a collé la paix. ! Pourquoi les dirigeants Ivoiriens qui ont mis sur pied une commission justice et réconciliation à la sud africaine(désormais vide de sens) ne pouvaient pas faire de même ?Et, pourquoi Gbagbo tout seul et non les Comzones sanguinaires du camp Ouattara qui ont été élevés en grade et trônent royalement et impunément encore dans l’entourage immédiat de Ouattara, alors que les massacres comme ceux de Duékoué et l’assassinat du sergent IB restent toujours non élucidés ?Autant, on a besoin de juger Gbagbo pour tous les crimes commis en son nom et sous son règne des plus tumultueux(les tueries en masse des militants Pdci et Rdr, ainsi que les assassinats de journalistes, jean Hélène et Guy André Kieffer méritent d’être élucidés) autant, les Ivoiriens ont besoin de savoir ce qui s’est réellement passé dans les zones rebelles, quand le pays était divisé en deux(les auteurs des casses de la Bceao, et autres exactions en Zones rebelles) et qui a financé même cette rébellion.Et ce pas à la Cpi où on ne peut pas déférer les soldats américains et leurs dirigeants commanditaires coupables de crimes contre l’humanité en Irak, en Afganistan et au Pakistan. Mais bien en Côte d’Ivoire par les juges Ivoiriens, au nom du peuple de Côte d’Ivoire.

Laisser un commentaire