Ils sont cinq dont une femme sur les dix candidats présentés par le Bénin au dernier concours d’agrégation de droit, de sciences économiques et de gestion organisé par le Cames à Abidjan. Tous jeunes, moyenne d’âge 39 ans. Tous ou presque, nés dans les années 70 et entrés à l’université au début des années 90.
Vingt ans de scolarité soutenue et déjà maîtres de conférence agrégés ! C’est la première fois depuis longtemps que notre pays connaît un taux de réussite aussi élevé, (50%) au concours d’agrégation du Cames, là où Camerounais, Ivoiriens ou Sénégalais dictaient leur loi. Incontestablement, le Bénin est de retour dans le paysage universitaire africain, après les années de plomb du Prpb de triste mémoire où la devise imbécile« tout cadre est enseignant » n’a pas peu contribué à la déliquescence de l’école béninoise. Aujourd’hui, heureusement, notre pays est en passe de redevenir ce qu’il n’aurait jamais dû cessé d’être : un pôle d’excellence digne de ce qu’on appelé naguère, à tort ou à raison, « le quartier latin de l’Afrique ». Cela, grâce à la sagacité et surtout à l’opiniâtreté d’une nouvelle génération(celle d’internet et des réseaux sociaux) de chercheurs jeunes mais aux dents bien longues, rompus à l’utilisation efficiente des Tic mais aussi aguerris par la vieille garde d’enseignants chevronnés, blanchis sous le harnais de la vieille école du Dahomey d’antan. Grâce aussi à l’obstination soutenue et à l’esprit d’abnégation d’une poignée d’enseignants qui se saignent aux quatre veines pour préparer et former la relève, une relève de qualité. A leur tête, les professeurs Fulbert Géro Amoussouga, titulaire de l’école doctorale de gestion ,pépinière de la nouvelle race de futurs enseignants de rang magistral en sciences économiques et de gestion et Noël Gbaguidi professeur de droit public et ancien directeur de l’Ena, qui vient de prendre la tête de la Chaire Unesco des droits de l’homme. Nul doute que dans quelques années, les universités d’ Abomey –Calavi et de Parakou vont devenir dans le paysage universitaire africain un pôle d’excellence vers lequel convergeront les meilleurs cerveaux du continent noir.
Cependant il faut le hurler très fort , il faut en plus de la sagacité et de l’opiniâtreté des cadres de l’enseignement supérieur, la volonté politique des décideurs politiques , volonté clairement affichée de maintenir envers et contre tout, le cap de la formation de la relève .Il y va de l’avenir du système éducatif de notre pays et de son avenir tout court en tant que nation moderne .Certes, depuis le Renouveau démocratique et singulièrement depuis 2006, il ya une certaine écoute du politique et une meilleure disponibilité pour la formation de la relève. Mais il faut sortir des sentiers poussifs du populisme à visée électoraliste ou de récupération politique pour réaliser les choses dans la durée. Car le Bénin est encore en deçà de ce qui se fait au Sénégal , au Cameroun ou en Côte d’Ivoire. Dans ce dernier pays , au milieu des années80, la volonté politique affichée des autorités politiques d’alors, a permis la promotion de nombreux agrégés en médecine, droit et sciences économiques. Le professeur Mamadou Coulibaly, ancien président de l’Assemblée Nationale de Côte d’Ivoire qui s’est illustré sous le régime du président Gbagbo, par ses prises de position nationalistes et néolibérales a décroché son agrégation en sciences économiques à l’âge de 33 ans. Là-bas comme au Sénégal, la formation des cadres et leur placement dans l’arène internationale est une cause nationale qui dépasse les clivages idéologiques .La preuve récente que ce dernier pays, le Sénégal met un point d’honneur à placer ses cadres dans les institutions supra nationales, a été donnée, avec la nomination toute fraîche d’un ressortissant du Sénégal à la tête de la Commission de l’Uemoa en remplacement du Soumaïla Cissé au nez à et à la barbe des autres pays .Pendant ce temps, le Bénin et le Burkina n’ont pas fini de régler le différend qui les opposent pour la présidence de la Commission de la Cedeao. Le Sénégal n’est pas le mieux placé pour prendre la succession du Malien puisqu’un autre Sénégalais, Mamoudou Touré avait déjà occupé le poste avant Soumaïla Cissé et que sa gestion avait été fortement décriée.
Cet exemple a été longuement cité pour faire comprendre que la politique sénégalaise en matière de placement de cadres est une question d’intérêt national, une politique globale et englobante qui va de la formation en amont au placement des cadres en aval. Tous les nouveaux agrégés ont unanimement reconnu comment le Sénégal a suivi ses candidats à l’agrégation depuis leur formation à l’ école jusqu’à la dernière phase du concours à Abidjan en passant par leur préparation intense dans les universités de grande renommée du Nord. A Abidjan, c’est l’ambassade du Sénégal en Côte d’Ivoire qui a pris le relais en assurant hébergement, restauration et déplacement, toutes choses qui font éviter les marchandages interminables de nos ressortissants avec les hôteliers et autres restaurateurs pour revoir les coûts à la baisse pour tenir dans les enveloppes difficilement consenties mais toujours libérées à la dernière minute par notre gouvernement.On a toujours besoin du volontarisme des gens comme le professeur Géro Amoussouga et autres Noël Gbaguidi, mais il est mieux de mettre en place des structures pérennes où les choses se feront comme il se doit. « L’Afrique n’a pas besoin d’hommes forts mais d’ institutions fortes. » a dit quelqu’un. Travaillons à donner à nos universités et autres grandes écoles les moyens de former la jeunesse , avenir de notre commune nation.
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