Comme son nom l’indique, la “particule de Dieu“ est un de ces minuscules constituants fondamentaux de la matière appelés précisément particules élémentaires. Celles-ci peuvent être classées suivant les interactions entre elles ou selon leur comportement vis-à-vis des lois de la statistique.
Ainsi selon leur comportement par rapport aux lois de la statistique, elles sont classées en fermions et en bosons. Les fermions obéissent à la loi statistique dite de Fermi-Dirac des noms de Enrico FERMI (1901-1954, physicien américain d’origine italienne, Prix Nobel 1938) et de Paul DIRAC (1902-1984, physicien anglais, Prix Nobel 1933). Les bosons obéissent à la loi statistique dite de Bose-Einstein des noms de Satyendranath BOSE (1894-1974, physicien indien) et de Albert Einstein (1879-1955, physicien d’origine allemande naturalisé suisse en 1900 et américain en 1945, Prix Nobel 1921).
Parmi les fermions on compte notamment l’électron, le positron, le neutrino, les baryons dont en particulier les nucléons que sont le proton, le neutron, les quarks qui constituent ces deux derniers.
Parmi les bosons on compte notamment le photon (particule élémentaire associée aux ondes électromagnétiques telles que la lumière et les rayons X), les mésons (k, pi, mu appelés respectivement kaons, pions, muons). L’actualité internationale récente nous a informé abondamment de ce que l’on était sur le point de “mettre la main“ sur le boson de HIGGS, du nom du physicien anglais Peter HIGGS, encore appelé “particule de Dieu“ (on lira plus loin pourquoi !). De quoi s’agit-il ?
1- Les particules élémentaires et le modèle standard
A la différence des lois établies par les hommes, les lois de la PHYSIQUE sont des dispositions naturelles universelles immuables. La recherche et l’investigation scientifique et technique ont pour objet de les découvrir pour les mettre au service des hommes. Elles renseignent sur l’ordre naturel qui sous-tend les choses dans l’Univers.
La loi statistique de Fermi-Dirac établit que pour une catégorie donnée de particules élémentaires – les fermions – lorsque la température baisse pour une densité donnée la pression augmente et il apparaît une certaine répulsion entre elles. Au contraire la loi statistique de Bose-Einstein établit que pour une catégorie donnée de particules élémentaires – les bosons – la pression baisse lorsque la température augmente pour une densité donnée et il apparaît une certaine attraction entre elles. En réalité, ces lois expriment des propriétés de ces particules qui sont utilisées pour les détecter et les étudier.
Il y a un peu plus d’un siècle, on ne connaissait que deux particules élémentaires, l’électron et le proton. Aujourd’hui, on en compte plus de deux cents (200) qui peuvent être rangées en trois (3) catégories : le photon, les leptons (neutrinos, électron, positron notamment), et les hadrons (mésons, baryons notamment), chaque catégorie de particules élémentaires étant identifiée par des particularités propres. Ainsi photon, leptons et hadrons sont une autre possible classification des particules élémentaires dans laquelle il est facile de distinguer fermions et bosons.
Il vient ainsi d’être esquissé sommairement un panorama des constituants élémentaires et fondamentaux de notre Univers. Mais comment tout cela tient-il ? Tout cela tient grâce à des interactions entre les constituants par échange d’énergie. De telles interactions, on en connaît actuellement quatre. Il s’agit de l’interaction gravitationnelle, de l’interaction électromagnétique, de l’interaction faible (avec l’interaction électromagnétique, elle est la manifestation d’une interaction unique dite électrofaible) et de l’interaction forte. L’interaction électrofaible intervient entre toutes les particules (sauf le photon) ; l’interaction électromagnétique intervient entre les particules chargées, de même qu’entre les particules chargées et le photon ; l’interaction forte intervient entre les hadrons. L’interaction gravitationnelle bien que décrite depuis très longtemps (loi de Newton, 1687) est la moins bien connue des quatre parce qu’elle est de beaucoup la moins intense, agit à distance infinie et le graviton, la particule qui devrait la porter n’a encore jamais été mise en évidence. La particule qui porte l’interaction forte est appelée gluon, tandis que l’interaction électromagnétique est portée par le photon et l’interaction faible par un boson.
Ainsi sont réunies les bases qui permettent de rendre compatible la théorie électromagnétique décrite à partir des travaux du physicien anglais James MAXWELL (1831-1879) avec la mécanique quantique élaborée à partir des travaux du physicien autrichien Erwin SCHRODINGER (1887-1961, Prix Nobel 1933 avec Paul DIRAC). Mais la quête sera longue. Au bout de laquelle est née au début des années 1970 une théorie cohérente unissant interactions forte, faible et électromagnétique, appelée modèle standard. A l’intérieur de cette théorie et pour la sauver à sa naissance, il a été postulé en 1964 l’existence d’une particule, le boson de Higgs, surnommée “particule de Dieu“ par le physicien américain Léon LEDERMAN (Prix Nobel, 1988) pour son rôle de sauvetage de la théorie naissante mais aussi et surtout parce qu’elle est censée conférer une masse à toutes les autres particules. Selon le modèle standard la matière résulterait de divers arrangements possibles de douze (12) particules élémentaires qui en seraient les briques soit six (06) quarks, un électron, un neutrino de l’électron, un neutrino, un muon, un neutrino de muon, un tau d’une part et d’autre part de cinq (05) particules à savoir le photon, le gluon et des bosons dont celui de Higgs véhiculant trois (03) interactions, forte, faible et électromagnétique qui en formeraient le ciment qui les lie. Mais jusqu’aux sensationnelles nouvelles venues du CERN (Centre européen d’études et de recherches nucléaires) de Genève (Suisse) en la fin de l’année 2011, la “particule de Dieu“ restait une vue de l’esprit, une construction mathématique pour sauver une théorie, le modèle dit standard d’unification des interactions électromagnétique, faible et forte et de représentation de la matière. Il restait à la détecter par l’expérimentation. Y est-on arrivé en ce mois de Novembre 2011 ? Ce n’est pas encore totalement certain.
2- La traque au LHC de Genève
Le problème posé et à résoudre est donc clair. Clair mais pas facile : il s’agit de montrer par l’expérimentation la réalité d’une particule élémentaire dont l’existence est prédite par une théorie de représentation de la matière il ya déjà une quarantaine d’années. A cet effet, il a été construit au CERN l’accélérateur de particules le plus puissant du monde actuellement, le LHC (Large Hadron Collider), grosso modo un anneau de 27 km de circonférence enfoui sous terre à 100m à l’intérieur duquel par divers mécanismes on produit des collisions de noyaux d’hydrogène à des vitesses proches de la vitesse de la lumière dans le vide (celle-ci est de 300.000 km par seconde). Les collisions produites dans de telles conditions sont très violentes et créent un environnement de chaleur et d’énergie proche de celui ayant existé dans l’Univers juste après le Big Bang. Théoriquement, c’est de ces collisions que devrait apparaître ce fameux boson, le boson de Higgs.
Alors les perspectives suivantes s’ouvrent désormais. La première est que les nouvelles actuelles sur une détection de la “particule de Dieu“ soient définitivement confirmées. Confirmées au sens que la particule existe réellement et que ses propriétés sont conformes aux prédictions du modèle standard. Alors ce sera le triomphe de cette théorie. Mais ce ne sera peut-être pas la fin de l’histoire. Car il s’agira d’un triomphe dans la gamme d’énergie des collisions explorée jusqu’à présent. Il faudra chercher au-delà c’est-à-dire continuer de fouiller davantage et plus loin dans l’intimité de la matière. Au moins sera-t-on assuré d’être sur la bonne voie. La voie qui conduit à une étude plus poussée du monde des particules élémentaires et donc de la matière. Et qui sait, la voie qui conduit à une théorie de grande unification reliant l’interaction électrofaible à l’interaction forte et, peut-être, à la gravitation.
La deuxième perspective est que les nouvelles actuelles ne soient confirmées que partiellement. Confirmées partiellement au sens que, il existe bien une particule type boson, mais elle n’est pas exactement celle que l’on attendait du point de vue de ses propriétés et de ses caractéristiques. Par exemple du point de vue de ses interactions avec les autres particules élémentaires connues, qui ne seraient pas exactement celles que prévoit le modèle standard. Alors tout en restant dans le même modèle faudra-t-il explorer d’autres pistes théoriques à partir de divers questionnements. Des questionnements tels que celui-ci : le boson de Higgs est-il vraiment une particule élémentaire ou est-il lui-même constitué de particules encore inconnues ?
Enfin la troisième perspective est que les nouvelles actuelles ne soient pas du tout confirmées finalement. Du tout confirmées finalement au sens que en réalité le Boson de Higgs n’existe pas tout simplement. Ce ne sera sans doute pas la fin de l’histoire. Mais ce sera probablement la fin du modèle standard. Cela n’évacue pas le problème que la PHYSIQUE a voulu résoudre en imaginant le célèbre boson. Bien au contraire. L’échec momentané ne sera que la preuve que la nature a prévu pour le problème posé une autre solution que celle de l’actuel modèle standard. Une solution sur la piste de laquelle il faudra se lancer à partir de nouvelles bases théoriques.
Par Joseph Marcellin DEGBE, Ingénieur Physicien à la retraite / Cotonou, le 22 janvier 2012.
Eléments de bibliographie :
1- Revue Science et Vie, N°1129, Octobre 2011
2- Revue Science et Vie, Hors série N°244, Septembre 2008
3- N. NELIPA, Physique des particules élémentaires, Editions Mir, Moscou 1981
4- D. BLANC, Précis de physique nucléaire, Editions Dunod, Paris 2003
5- L. LANDAU, E. LIFCHITZ, Physique statistique, Cours de physique théorique, tome 5, Editions Mir, Moscou 1967
6- L. WEINBERG, Les trois premières minutes de l’Univers, Editions du Seuil, Paris 1978.