Ils nous la ramènent

Nous nous sommes à peine remis des émotions de la présidentielle que déjà des bruits de bottes se perçoivent dans les états-majors des partis politiques. Des bruits de bottes, ou précisément, des bruits de mâchoires, le « aglamey-jazz » dont parle Sagbohan Danialou. Les échéances en vue, c’est bien évidemment les municipales de 2013, mais comme ils nous y ont habitués, nos animaux politiques se sont mis à gigoter.

Tel parti, inconsolable de voir un de ses anciens alliés faire ami-ami avec la mouvance présidentielle, promet, machette en l’air, de le découper en rondelles et de lui arracher la mairie qu’il dirige.

 Le PRD, pour ne pas le nommer, bouillirait d’impatience vengeresse. Avec la Renaissance du Bénin, il pensait que l’amour qui semblait les avoir liés dans l’Union Fait la Nation, serait inaltérable et que toute infidélité lui serait impossible. Mais quelques mois après, on ne parle plus d’infidélité, mais de rupture, d’autant plus que la Renaissance du Bénin a été touchée par la grâce de Cupidon en convolant en justes noces avec la fiancée Yayi pourtant révérée hier. Pour justifier cette roseraie mouvementée, les spécialistes des tremolos du cœur vous sortiront la célèbre citation de Blaise Pascal « le cœur a ses raisons que la raison elle-même ignore ». Mais c’est donner de la hauteur à cette histoire que de la placer sur les ailes de la philosophie. Or, il ne s’agit ni plus ni moins que d’une affaire platement terrestre. Le tropisme du pouvoir qui attire férocement les opposants et les rend si insignifiants est passé par là. Autrement dit, la Renaissance du Bénin, plutôt que de tourner en rond dans une coalition à l’avenir immédiat plus que brumeux, a préféré aller s’égarer dans le camp adverse. Ses leaders ont beau se justifier, développer arguments sur arguments, personne ne croit en leur reconversion, à commencer par leurs nouveaux alliés, le FCBE. Les plus farouches de ceux-ci leur promettraient l’enfer. Il paraît même que la mort politique qu’on leur prépare serait d’une telle violence que dix générations après, leurs arrières-arrières-arrières-arrières petits-fils s’en souviendraient avec émoi. On attend donc de voir…

Mais le peuple au nom de qui ces contorsions se font ne sait à quoi rime cette adversité haineuse. A défaut d’en faire un sujet de migraine, il s’en moque éperdument. Des scènes de ménage avec éclats de voix, griffures et autres jets de vaisselle, ça n’intéresse personne.

Cependant, ce qui laisse sans voix, c’est lorsqu’on entend ces politiciens à propos de leurs programmes politiques. Que proposent-t-ils aux Cotonois pour remplacer l’administration Soglo ? Qu’ont-ils à leur reprocher en termes de gouvernance et de gestion ? Quels services aimeraient-ils améliorer ou apporter ? Côté environnement, Cotonou serait-il toujours engorgé par les ferrailles encombrantes venues de France – voitures, appareils électroménagers et autres rebuts importés ? –.  La circulation serait-elle toujours aussi perturbée par la centaine de gros porteurs devenus des chars d’assaut dans la ville ? A quand la multiplication des espaces verts ? Y aura-t-il enfin des centres culturels (bibliothèques, centres de spectacles et espaces de loisirs ?) Quel événement majeur peut-on instituer annuellement pour réunir les Cotonois et drainer le public international ? Que dit-on de l’inexistence des lieux de sports de mains (le handball, le bas basketball, le volleyball, etc.) ? Si l’assainissement de la ville  reste un sujet majeur, peut-on rêver d’un Cotonou des tramways ? Car, il s’agit avant tout de faire rêver les Cotonois, de les faire voyager – en attendant de la leur offrir – dans une ville imaginaire, mais parfaitement réalisable, à l’échelle bien béninoise.

Au lieu de cela, nos politiciens se livrent à de la surenchère. « Tu m’as eu, mais moi, je ne te raterai pas », « tu m’as trompé, je t’aurai au tournant », semblent-ils dire. Pendant ce temps, le peuple qui a réglé sa vie sur l’informel, continue de se débattre dans sa quotidienneté poudreuse. La preuve, s’il en est, que les animaux politiques de la jungle béninoise demeurent ce qu’ils ont toujours été : des schizophrènes aux égos surdimensionnés, producteurs d’une usine à la prospérité établie : l’inutilité !

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