(«La sainte ni touche» d’Adélaïde Fassinou Allagbada) Une mère, une femme intellectuelle africaine arrive en France pour un an d’étude doctorale en grammaire. Déjà, dès ses premiers jours au pays des Blancs, elle s’étonne de voir, d’entendre et de constater combien de fois les mœurs occidentales sont en stricte opposition avec celles africaines et ne seraient être tolérées dans sa société. Elle est blessée dans sa peau de mère, bonne mère d’Afrique, et doit en parler à ses pairs par des correspondances. C’est la vie en France de cette mère que raconte la femme de lettre d’origine béninoise, Adélaïde Fassinou Allagbada, dans son dixième roman de fiction : «La sainte ni touche» paru en octobre 2011 aux Editions Odette Maganga. Partant du récit de cette vie, l’auteur aborde beaucoup d’autres sujets de société qui sont des préoccupations majeurs des peuples africains mais qui paradoxalement ne font pas très souvent l’objet de réflexion de ces derniers. Lire ci-dessous, une note de lecture dudit roman.
Note de lecture
La sainte ni touche est un beau récit «des mœurs françaises vues d’Afrique» (p. 174). S’il fallait ne résumer l’ouvrage qu’en une phrase, eh bien, la voilà toute trouvée!
Tertulien Akuesson
En effet, c’est l’histoire qui réunit Madjêkodumi, la quarantaine révolue, mère de famille, partie pour un voyage dans la province de Dijon en France. Elle a obtenu une bourse pour y poursuivre des études doctorales en grammaire. Elle envoie des lettres à son amie de longue date, sa presque-sœur Anita, pour enrichir ses connaissances et lui faire profiter de la chance qu’elle a, de toucher du doigt, la réalité de ce qu’est la France en question.
Le caractère épistolaire de ce roman interpelle sans détour le lecteur : Ani, dans le cadre formel de l’œuvre ; mais aussi tout le public, particulièrement, toutes les « Ani » qui, malheureusement, pullulent dans nos villes et nos maisons. Il convient de souligner que, Anita, médecin de profession, est une femme meurtrie, blessée dans son amour-propre et dans l’amour qu’elle a, des années durant, donné à Jacques, son époux, qui, en retour, la martyrisait, la bastonnait à volonté et ramenait d’autres femmes dans leur lit conjugal. Ayant connu toutes ces humiliations et finalement osé se défaire de son bourreau, pour vivre et éduquer, seule, ses enfants, elle a fermé son cœur à double tour, puis jeter la clé au fond de 1’océan. Mais, comme le lui recommande 1’auteur, et par-delà elle, à toutes les femmes qui vivent la même situation, il faut « ne jamais avoir peur de recommencer, surtout si l’on a encore des chances de plaire à un homme, et l’expérience a montré qu’on peut plaire à tout âge, pourvu qu’on y mette un peu de bonne volonté. » (p. 154). Et, pour illustrer son avis, elle donne l’exemple de certaines femmes qu’elle a connues, loin là-bas, qui ont su refaire leur vie. C’est le cas de Brigitte qui lui narra comment elle a pu s’accorder une nouvelle chance en amour avec Jean-Luc et de cette autre femme audacieuse, qui a trouvé l’amour en un jeune homme de dix ans, son cadet.
Au-delà des incompréhensibles mœurs françaises et de la vie amoureuse tumultueuse de sa correspondante Anita, l’auteur aborde d’autres thèmes très intéressants. Il s’agit, entre autres, de la misère faite aux enseignants, de la sexualité, de la fragilité des apparences, de la désunion des femmes et de la religion. Ce sont là, quelques sujets du quotidien sur lesquels l’on ne prend pas toujours la peine, ni le temps de réfléchir et qui sont ici analysés avec subtilité.
Il est des romans qui ennuient par leur style trop intellectuel ou trop impressionniste; et donc trop fade. A l’inverse, celui-ci est intimiste, spontané, franc, simple et donc très accessible. Et c’est bien là, tout son charme : il capte et possède. Quand l’on a déjà lu une parution de l’auteur, après avoir lu La sainte ni touche, l’on peut affirmer qu’elle n’a pas déçu. S’il est vrai que, comme le dit Madjêkodumi, «il est des secrets qu’on ne partage qu’avec une seule personne, un confident, au lieu de les garder en soi et de somatiser» (pp. 136-137), Dieu sait combien ces confidences sauront contenter chacun!