Fonction publique, Services publics et services marchands

Les grèves des fonctionnaires créent des gênes pour tous les usagers de l’administration et cette gêne crée l’opportunité pour certains de faire avancer leur programme de suppression des services publics et/ou des fonctionnaires. Le pouvoir de Boni a organisé récemment, avec les soit disant PTF,  un séminaire sur la réforme de la fonction publique.

Nous souhaitons lancer à cette occasion la discussion sur les fonctionnaires et les services publics. Cette contribution qui ne se veut pas exhaustive sur le sujet veut aborder quelques éléments du débat.
Il est de bon ton de déblatérer sur les fonctionnaires, devenus les souffre-douleur  pour tous ceux qui ont la chance de faire quelque séjour en Occident (virtuellement ou physiquement) ou d’être expose aux vagues ultra-libérales de privatisation des services publics.
Rappelons pour commencer qu’au Benin, les agents du Port (PAC, SOBEMAP, Transitaires…), de la SBEE (Energie), Benin Telecom (Telecom) ne sont pas fonctionnaires et on ne saurait imputer aux fonctionnaires les grippages de la machine économique que l’on observe dans ces secteurs. Les douaniers affectes au Port (une petite proportion des effectifs totaux des douaniers…) constituant l’exception visible et montrée du doigt de façon répétée et outrancière.

La précarité de l’emploi garantit elle la qualité de service ?

Sans avoir un contrat a vie, les fonctionnaires américains (douane, impôt, police fédérale etc…) fournissent aux administres une qualité exceptionnelle de service et un accueil qui n'a rien à envier a certaines sociétés prives présentées comme le Nec plus ultra.
De la même façon, toujours aux US, les professeurs d’université -même privée- qui ont un emploi à vie (tenure) fournissent une éducation, un service et un encadrement exemplaire tout en contribuant à la recherche…
A contrario, il arrive a des employés de société privées, de fournir un service clientèle exécrable. Qui n’a pas été excède par des attentes interminables ou des renvois successifs de poste en poste au service client (local ou externalise) d’un fournisseur internet, d’un fabricant de PC ou d’une banque ?
La réalité est que les employés de société privées qui ne sont pas soumis à une pression extrême (peur du chômage)  fournissent un meilleur service à leurs clients.
Dans nombre de grandes entreprises privées américaines ,présentées comme modelés d’efficacité économique et financière, – les Fortune 100 US comprenant des sociétés comme EXXON, General Electric, Microsoft, IBM, ATT, Vierzon, Apple, Boeing, CISCO, Fedex etc…- le taux de renouvellement –turn-over- des effectifs est relativement faible et les Direction des Ressources Humaines ont pour objectif de le maintenir a un bas niveau. Mieux ces grandes entreprises ont souvent de puissants syndicats qui protègent les travailleurs contre des abus et contribuent à une relative stabilité de l’emploi. L’image de l’Amérique comme un « Far West «  ou tout est permis et ou les travailleurs n’ont aucun droit est un mythe persistant. La réalité est bien plus diverse et bien plus nuancée, et varie selon la taille de l’entreprise, le secteur économique, l’état ou la région. Certes la règle est l’ »employés at. Will » CAD que l’une ou l’autre des deux parties peut mettre fin au contrat quand il veut, et tout le contraire d’un emploi à vie, mais la réalité est qu’en dehors des ajustements a la conjoncture économique, le travailleur n’est pas soumis à un CDD constamment renouvelle. Le personnel est considère comme une ressource au même titre que les brevets –dont ils sont créateurs-, les usines, les finances, avec la particularité qu’en règle générale, c’est une ressource dont la valeur  augmente dans le temps (expérience et savoir-faire accumules) pour peu qu’elle soit bien gérée (formation, infusion de nouveaux talents, coaching, monitoring etc…).

 

Quelle approche pour un service de qualité dans la fonction publique ?

La solution a la mauvaise qualité de service dans l'administration et la corruption "d'en bas" (celles des petits fonctionnaires) n'est pas de généraliser la précarité de l'emploi par des CDD ou les recettes d’avancement « au mérite » dans un contexte inchangé. La superposition de ces modèles a une administration rongée par le népotisme et le clientélisme (recrutement et promotion a la tête "politique et/ou ethnique) et la corruption généralisée (d'en haut comme d'en bas) ne ferait qu'aggraver les problèmes. La peur de perdre son emploi renforcerait la recherche de protection par les puissants (politiques ou affinité ethnique), l'exacerbation de la corruption pour préparer ses arrières ("je prends ma part")…

La réforme de la fonction publique ne peut être dissociée de la réforme de la société.
Il faut mettre fin au népotisme, au clientélisme et a l'ethnocentrisme dans le recrutement et la gestion de la carrière des fonctionnaires (promotions, affectations…), extirper la corruption (en commençant au sommet) en encourageant la dénonciation (protéger et récompenser les dénonciateurs) et en poursuivant effectivement de façon rigoureuse, déterminée et équitable corrompus et corrupteurs, et enfin donner aux fonctionnaires la reconnaissance qui leur est due (salaires décents, conditions de travail acceptables, respect de la population et des usagers au lieu de les soumettre de façon démagogique a la vindicte populaire).
La hiérarchie administrative, légitime et dont la carrière ne serait ni soumise, ni dépendante des pouvoirs et influences ethnico-politiques, doit être investie du pouvoir de manager sans crainte de représailles et/ou de pressions, y compris faire respecter la discipline (horaires et courtoisie …).
L’autre volet est la protection des usagers, avec possibilité effective pour eux de formuler des plaintes judiciaires ou administratives et de voir ces plaintes effectivement traitées par un pouvoir judiciaire (y compris les tribunaux administratif avec des procédures accélérées d’adjudication des petites plaintes…) permet de donner le pouvoir a ceux-ci, qu’ils soient simple paysans analphabètes et cadres cravates ou en boubou amidonne. Cette protection requiert la présence d’interprètes des principales langues nationales dans les grandes administrations au contact des populations la ou les fonctionnaires ne sont pas requis de maitriser une ou plusieurs langues nationales.

 

Services marchands et service publics

On ne construira pas le Benin exclusivement avec des services marchands.
Les entrepreneurs locaux ont un rôle clé à jouer.
Une administration de qualité est tout aussi clé, en particulier dans les fonctions classiques de l'état (Armée, Police, Douane, Impôts…), dans les fonctions de service qui ne sont pas nécessairement profitables a court terme (notamment pas dans les campagnes) comme l'éducation, la sante, mais aussi dans les fonctions de régulation économique et sociale pour s'assurer que tous ont les mêmes chances, un accès équitable aux ressources communes de la société et que les règles de vie en commun sont respectées …

Le zèle libéral en vogue au FMI et chez les soit disant PTF prescrit la privatisation a tour de bras.
On voit actuellement  le transfert de certaines fonctions de la douane a des opérateurs prives au port. Bientôt ce sera peut peut-être la gestion des immatriculations de voiture… Demain les impôts et le cadastre ? Pourquoi pas la police ?
L’entreprise privée a une motivation première, générer du profit pour ses actionnaires. Qui plus est dans le contexte de prévalence de l’économie casino, avec prévalence/hypertrophie de la sphère financière, cette recherche de profits devient recherche de profits à court terme, trimestre par trimestre… Cette course impose ou génère une efficacité certaine dans l’utilisation des moyens.
Mais il est clair que cette course au profit, pour légitime et bénéfique qu’elle puisse être, ne saurait fournir a la société les fondements, l’infrastructure nécessaire a son développement.
Les services nécessaires à la société –comme l’éducation et la sante- doivent être finances par celle-ci afin de bénéficier a tous.
Ce financement doit se faire en mobilisant nos ressources internes, par l’impôt et par l’intermédiation financière au service de l’état.
L’Italie et la Grèce nous offrent l’exemple de ce qu’il ne faut pas faire en matière fiscale. Si grâce aux protections politiques, ethnocentriste ou aux combines (dans l’économie informelle ou formelle) la majorité de la création de richesse n’est pas soumise a impôt, nous ne pourrons pas financer les services publics et nous continuerons de courir après des PTF pour les financer.
De la même façon, si l’épargne publique ne peut être mobilisée et rémunérée correctement, elle ira dans les ICC ou dans la construction de bâtiments à tout va, au lieu d’être agrégée pour financer les infrastructures publiques en matière d’énergie, de télécommunication ou de transport.
Les béninois –de l’intérieur comme de l’extérieur- ont le souci préparer l’avenir, pour eux et leur enfants, et une capacité certaine a épargner. Cette épargne peut être canalisée vers de tels projets si la confiance dans les institutions publique et le peuple est établie.

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