Une véritable jungle politique ! Voilà ce qu’est en train de devenir la campagne électorale française depuis que Nicolas Sarkozy y a fait son irruption. Les petits mots subtils qui font la différence entre protagonistes ne suffisent plus. Les fines stratégies qui ont offert l’Elysée aux De Gaulle, Pompidou, Giscard d’Estaing et autres Mitterrand ne font visiblement plus recette. C’est à un discours extrême et extrémiste que se livrent les principaux candidats. Une surenchère de petites phrases assassines et de noms d’oiseaux qui détournent les électeurs français de l’essentiel. Mais peut-être certains le font-il exprès…
« Je l’emmerde. » C’est tout ce qu’Eva Joly a trouvé répondre à l’endroit de Corine Lepage qui ne la sent pas suffisamment en phase avec le projet écologiste. Cette attitude de la candidate d’Europe Ecologie les Verts s’explique peut-être par les critiques qui ont fusé entre-temps sur son accent et même sur son physique. Jean-Luc Mélenchon lui, a trouvé ni plus ni moins que Marine Lepen était une « semi-démente », provoquant ainsi l’ire du père Lepen qui a menacé de « lui ôter son caleçon » au candidat du Front de Gauche après l’avoir traité de « voyou ». Najat Vallaud-Belkacem, une des porte-paroles du candidat socialiste a quant à elle estimé que Nicolas Sarkozy, « produit de contrefaçon médité par des cerveaux d’extrême-droite », n’était qu’une sorte d’hybride de Silvio Berlusconi et Vladimir Poutine. François Hollande a été pour sa part accusé de « mensonges » et de « lâcheté » par le Président candidat, auquel il a répliqué n’être qu’un « falsificateur » et « l’homme de la crise ». Bien pire a été dit. Par tous.
Dans cette flambée de petites phrases assassines où l’extrême-droite a toujours tenu la palme, il semble bien que la campagne électorale 2012 modifie quelque peu la donne. Le tandem Guéant-Sarkozy ne se lasse plus de charger. Sur tous les fronts de droite. De plus en plus à droite. A la droite de la droite. Après avoir estimé que toutes les civilisations ne se valent pas, le Ministre de l’Intérieur a proféré que le Front national de Marine Lepen était rien moins qu’un parti « nationaliste » et « socialiste ». En somme un parti nazi. Sans prendre plus de gants, Claude Guéant vient de d’ajouter à la liste de ses dérapages que l’instauration du droit de vote pour les étrangers aux élections locales, proposition faite par la Gauche, pourrait conduire à ce que « des étrangers rendent obligatoire la nourriture halal dans les cantines ». A l’occasion, il n’a pas manqué de faire à nouveau un lien entre délinquance et populations étrangères de France, estimant que « si on reçoit moins d'immigrés, les choses se passeront mieux ». Presque simultanément, Nicolas Sarkozy annonçait sa volonté de s’opposer plus résolument à l’immigration en France, en réduisant notamment les possibilités du regroupement familial. Le tollé suscité par ces propos s’exprime tout autant en termes du même acabit ou presque.
Cette surenchère bouseuse et pestilentielle encrasse et déshonore la France. La « patrie des droits de l’homme », une patrie d’extrême droite ? Sans doute non. Pas encore. Il semblerait qu’il s’agisse d’une stratégie sciemment orchestrée par le Président sortant qui, pendant qu’il concentre toutes ses forces à attaquer son principal challenger François Hollande, laisse à ses principaux lieutenants le soin de s’en prendre aux autres adversaires, notamment sur les terrains de chasse de l’extrême droite par trop revigorée après cinq années de Sarkozysme décevant. Mais pour que la campagne électorale en soit arrivée à ce niveau de décrépitude, il est à soupçonner que la société française en est venue elle-même à un certain niveau d’intolérance. Au regard son opportunisme évident, le Président candidat ne se serait pas ostensiblement laissé aller à toutes ces dérives et dérapages si cela ne devait lui être d’une réelle utilité. En plus, le bilan pour le moins mitigé explique en grande partie le détournement d’objectifs de Nicolas Sarkozy qui, plutôt que de défendre sa gouvernance, préfère distraire l’attention des Français.
A moins de deux mois de la présidentielle, il ne serait que temps pour chacun des candidats de présenter aux citoyens français les propositions censées changer leurs vies. Et de se concentrer sur leur explication. Mais inutile de se faire des illusions. Deux mois, c’est bien encore trop long pour que les dérapages devenues récurrentes dans la campagne présidentielle disparaissent d’un seul coup. A ceux qui n’existent et ne se définissent que par ce genre de politique-spectacle, ce serait trop demander que d’arrêter. A ceux qui y ont trouvé la possible stratégie gagnante, il ne faut pas non plus suggérer de renoncer. Simplement, le temps dira si la formule était bonne. Rendez-vous au soir du premier tour.
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