A l’heure où l’état de santé de Bénin Télécoms laisse à désirer, depuis la gestion controversée de l’ancien Dg Patrick Bénon, parti en catimini un matin, la cooptation d’un agent «sans expérience» et au nom prédestiné -puisque neveu du chef de l’Etat- au poste de directeur général adjoint, suscite des remous au sein de l’entreprise qui peine à décoller.
«Illégale et illégitime est la nomination de Patrick Yayi au poste de directeur général adjoint», s’indignent les cadres de Bénin Télécoms S.A regroupés au sein du «Groupe de réflexion pour le développement du secteur des télécommunications» (GRDST).
Mis sur pied, en juillet 2011, suite aux difficultés de mise en œuvre de la réforme du secteur des télécommunications initiée en 1994 et de ses conséquences sur le développement socio-économique du pays ainsi que sur le développement des télécoms, plus particulièrement, le GRDST s’étonne de cet acte de nomination qui apparait plutôt comme la provocation de trop quant à laquelle il convient de ne jamais abandonner le combat que ses cadres disent être «un combat de justice et de bon sens». «Aussi paradoxal que cela puisse paraitre, indiquent des sources bien crédibles, c’est l’intéressé lui-même [Ndlr: le promu en personne] qui annonce sa promotion au directeur général et à certains cadres de l’entreprise, deux semaines après la signature de l’arrêté» de nomination.
La démarche clandestine de promotion du jeune cadre donne ainsi l’impression que l’autorité de tutelle -le ministre- est gêné aux entournures par la nécessité et l’obligation de publier sa propre décision. Le ministre Max Ahouèkè avait, en effet, lors d’une rencontre récente avec les cadres de l’entreprise, rassuré les uns et les autres leur promettant de travailler en étroite collaboration avec eux, mais aussi de commanditer un audit des ressources humaines au sein de Bénin Télécoms S.A. Ledit audit aura pour finalité, apprend-on, de déceler puis de corriger toutes formes d’inégalités et d’injustice notamment en ce qui concerne les points relatifs aux traitements salariaux et à l’occupation des postes de responsabilité et de décision au sein de BTSA. «Bénin Télécoms est l’armée où les caporaux dirigent les généraux», faisait remarquer un cadre au ministre lors de la rencontre avec le personnel, le 10 février dernier. Mais la fronde désormais allumée du fait de la nouvelle nomination semble repartie sur le front des télécommunications au Bénin; le ministre ayant par le passé et, face à la déliquescence dénoncée de la situation économique et financière de l’entreprise, eu à fustiger le «silence coupable de ses cadres depuis plusieurs années», en leur posant la question «Où étiez-vous?», devenue célèbre.
Ces cadres estiment que leur réaction de l’heure s’inscrit dans la nouvelle ligne de conduite, laquelle consiste à «réagir et interpeller les consciences face aux erreurs du pouvoir qui touchent à BTSA afin d’apporter des réponses appropriées le moment venu aux questions du genre «Où étiez-vous?».
En outre, pour les cadres, les travailleurs et les syndicats de l’entreprise, la nomination de M. Patrick Yayi envoie un mauvais message tendant à faire croire à l’inexistence de cadres compétents avérés et éligibles dans cette vieille entreprise pour occuper le poste de Dg adjoint. Le GRDST pense que cette erreur de positionnement devrait être corrigée, le bénéficiaire, d’une part ne répondant pas aux conditions d’éligibilité (10 ans d’expérience conformément au décret 2011-758 du 30 novembre 2011) requises et, d’autre part, ne disposant pas des qualités de pondération et de respect attendues d’un responsable de si haut rang. L’intéressé, faut-il rappeler, n’a jamais occupé un poste de direction dans l’entreprise avant de se faire projeter comme un cheveu sur la soupe.
Avec le recul, on s’aperçoit de ce qu’un tel comportement du ministre Ahouèkè était prévisible.
Après huit mois d’attente d’une audience, et suite à une sortie médiatique du GRDST, le ministre de la communication a fini par recevoir le bureau directeur du groupe le 14 février 2012. Le GRDST en profite pour porter à sa connaissance les frustrations des cadres et agents de tous ordres dues au non respect d’un certain nombre de principes dont celui de faire gérer l’entreprise et ses structures par des personnes non averties au détriment du professionnels du secteur.
Alors que les différents protagonistes se sont entendus sur l’essentiel des points de discussions, le ministre signe 3 jours seulement après cette audience, un arrêté nommant Patrick Yayi au poste de directeur général adjoint.
Les cadres de BTSA entendent dès lors prendre à témoin les abonnés et clients de la société, sur les vraies causes de leurs mésaventures en tant que clients depuis 2007. Ils en concluent que, depuis 2006, pour une société d’État à économie mixte qui, jadis, contribuait au budget national jusqu’à hauteur de 5 milliards de F CFA, tous les résultats d’exploitation sont négatifs à cause de la mauvaise performance due à la mauvaise conduite de la réforme du secteur des télécommunications et à la mal gouvernance ambiante.
Ce qui est reproché au «promu»
La nomination de Patrick Yayi au poste de Directeur général adjoint de BTSA apparaît anormale pour quatre raisons essentielles. Il s’agit de:
1°- Cette nomination ne respecte pas les textes régissant Bénin Télécoms SA qui exigent que le Directeur général adjoint soit nommé par arrêté ministériel sur proposition du Directeur général et après avis du Conseil d’administration;
2°- Un poste de responsabilité de cette envergure nécessite un minimum d’expériences que Monsieur YAYI Patrick n’a pas encore capitalisé dans l’entreprise. Il est dans sa cinquième année d’expériences dans la société, ce qui est contraire à l’esprit et à la lettre du décret n°2011-758 du 30 novembre 2011;
3°- Ce jeune n’a pas été un modèle d’exemplarité pendant les cinq années passées dans la société: des comportements hautains, la bagarre avec ses collègues qu’il traite de «fils de chien», le mépris pour ses collègues, pour ses supérieurs hiérarchiques, pour les clients et même pour l’Inspection technique qu’il renvoie lors des contrôles de gestion ne sont pas des éléments dont BTSA a besoin pour son redressement et sa gouvernance. L’entreprise a besoin plutôt de quelqu’un qui aime le travail et qui peut rassembler autour de l’idéal commun donc d’un leader;
4°- Le recrutement de l’intéressé à BTSA avec un niveau de salaire exorbitant qui sort de la convention collective régissant le personnel pose déjà un problème à ce personnel qui ne comprend pas ce traitement de deux poids, deux mesures. Le nommer, en outre à cette position active incontestablement davantage les frustrations.
Quel crime la vingtaine d’ingénieurs et administrateurs des télécommunications toujours en activité dans l’entreprise ont-ils commis pour que la récente et mauvaise expérience que vient de connaitre l’entreprise avec la nomination à sa tête d’un aussi jeune Dg «stagiaire» sans aucune expérience préalable ne puisse servir de leçon et qu’on veuille encore recommencer?
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