Le Sénégal respire. Il y a de quoi. Après avoir frôlé le pire. Après avoir fait peur aux moins pessimistes des observateurs. Après avoir tenté le diable du plus près. Les Sénégalais ont donné la preuve de leur maturité politique et de leur attachement aux valeurs démocratiques. Dans les deux camps en présence, des acteurs majeurs ont été désavoués. Des stratégies aussi. Certains en ont pâti. D’autres ont su tirer leurs marrons du feu. Retour sur les leçons les plus emblématiques assénées par le peuple sénégalais à sa classe politique a l’occasion de la présidentielle de février 2012.
S’il est une personnalité politique à qui le scrutin du 26 février devrait à coup sûr avoir donné une cinglante admonestation, c’est bien entendu Maître Abdoulaye Wade, Président de la république du Sénégal. Douze années d’une gestion controversée du pouvoir, des frasques et des incartades, une obstination sordide… et voilà les résultats. De plus de 54% des suffrages dès le premier tour en 2007, le voilà rendu à devoir en passer par un second tour cinq ans plus tard. Et ce, face à l’un de ceux dont il aura le mieux contribué à façonner le destin politique, tant en qualité de mentor qu’en position de pourfendeur. Et sans aucune certitude de l’emporter cette fois-ci, bien au contraire. Le prix de l’arrogance et de l’incohérence. Le prix de la césure avec le peuple. Le prix de l’aveuglement forcené. Avec Wade, les derniers lieutenants fidèles du PDS voient donc leur avenir politique se rétrécir comme une peau de chagrin. Même tout n’est pas encore joué. S’il devait rester quelque chose à jouer.
Un autre très important enseignement qui procède du premier tour de la présidentielle sénégalaise de cette année 2012, c’est le rejet des modes d’expression violents par le peuple sénégalais. En effet, le taux d’abstention record de près de 40% a mis entre autres en évidence les craintes des potentiels électeurs de se retrouver pris dans une spirale de la violence électorale au cas où les adversaires déclarés de la candidature de Me Wade auraient à en découdre le jour du scrutin avec des forces de l’ordre de toute évidence sur les dents. Par ailleurs, la mobilisation des autres 60% dans l’ordre et la discipline, a montré leur préférence de l’expression démocratique des différences et à travers les résultats sortis des urnes, la capacité du peuple sénégalais à distribuer les bons et les mauvais points à qui les mérite.
En arrivant, à la surprise générale en seconde position derrière Papy Wade, son ancien mentor, Macky Sall donne également une leçon capitale dans ce scrutin. Une leçon qui en dévoile bien d’autres. En choisissant Macky Sall (50 ans) en lieu et place des vieux briscards de la classe politique sénégalaise en lice, les Sénégalais ont voulu faire le choix de la rupture d’avec une génération. Autant Moustapha Niasse (72 ans) qu’Ousmane Tanor Dieng (65 ans) avaient annoncé au début de cette joute électorale qu’elle sera pour chacun d’entre eux la dernière, quelle que puisse en être l’issue. Cette génération qui a connu Senghor, travaillé avec Diouf et combattu aux côté ou face à Wade, a été simplement et purement poussée hors de l’échiquier politique traditionnel. Une soif de jeunesse et de dynamisme dont a su profiter Macky Sall qui, au contraire de ses principaux partenaires de la coalition M23, a eu l’intelligence de parcourir l’ensemble du territoire sénégalais pour proposer aux électeurs l’alternative qu’il incarne désormais de fort belle manière face à un Abdoulaye Wade en perte de vitesse.
Mais Macky Sall doit également son excellent score au naufrage d’un autre de ses compagnons : Idrissa Seck. L’ex-premier ministre avait obtenu en 2007 la deuxième place derrière son intouchable ex-papa Wade. Plutôt que d’évoluer, il a sans doute payé au cours de cette élection ses récents errements politiques et ses indéterminations entre une opposition marquée et un retour dans la famille présidentielle. Au contraire de Macky Sall qui, depuis son éjection de la majorité présidentielle en 2008, s’est résolument engagé dans une stratégie d’opposition opiniâtre et déterminée. Non content d’avoir participé à virer Idrissa Seck du PDS en 2004, il vient donc ainsi de briser son rêve de prendre la succession de leur père spirituel commun. Il faut croire qu’Idy n’est pas rancunier, il a déjà appelé à faire bloc derrière le « candidat de l’opposition le mieux placé » pour faire barrage à Me Wade.
Au point où en est arrivé le Sénégal ces derniers jours, il ne serait à mon sens pas trop prématuré de commencer à chanter le requiem du clan Wade, mais peut-être pas du Wadisme. A en juger par les scores cumulés obtenus par le président sortant et les anciens membres de sa famille politique, l’état de déliquescence des forces politiques de gauche n’a pas connu d’amélioration depuis 2000. A moins que les Sénégalais ne votent vraiment plus selon la bannière et les orientations idéologiques. Mais cela, c’est une autre leçon politique dont il faudra rechercher les tenants et aboutissants plus tard.
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