Le temps de Dieu et le temps du politicien

Cela ne se discute pas. Le temps de Dieu ne connaît ni passé, ni présent, ni futur. Le temps de Dieu, de ce fait, c’est l’éternité. Le temps du politicien est un temps limité. C’est le temps de l’homme qui doit compter avec la mort logée au cœur de l’humaine condition. Le pouvoir du politicien s’inscrit dans le temps de l’homme. Un pouvoir limité dont il est vain de repousser ou d’outrepasser les limites.

Publicité

Mobutu, au Congo-Kinshasa, a longtemps brillé au pouvoir. Il s’est alors fait un Roi soleil des tropiques, éclaboussant tout de son éclat et de sa superbe. La maladie d’abord, la mort ensuite sont venues lui rappeler ce grand précepte biblique : «Vanité des vanités, et tout n’est que vanité».

Kadhafi, en Libye, s’est engagé à s’installer durablement au pouvoir. Aussi a-t-il tout mis en place pour avoir la haute main sur son pays, pour tenir d’une main de fer le pouvoir d’Etat. Il s’est alors lancé, comme chef, dans un raid solitaire et de longue durée, rêvant de pérenniser son pouvoir à travers ses enfants. Mais «Le roi des rois d’Afrique» a juste oublié que «Le fer est fort, mais le feu le fond. Le feu est fort, mais l’eau l’éteint.».

Laurent Gbagbo s’est battu, au prix de mille et une contorsions, pour garder un pouvoir que tous les autres cherchaient à lui ravir. Il hérita, au passage, le sobriquet de «boulanger». A comprendre comme l’homme à la capacité manœuvrière sans pareille qui sait rouler ses adversaires dans la farine pour garder le pouvoir. Jusqu’à ce qu’il en fut dessaisi lui-même, contraint et forcé, au risque de sa vie. Pourtant, il aurait dû voir venir. Les Peul soutiennent que «L’œil ne voit pas ce qui le crève».

Abdoulaye Wade, au Sénégal, aura gagné de haute lutte les galons d’un opposant tenace et opiniâtre. Nous n’étions pas loin de penser que l’Afrique contemporaine allait compter une autre haute figure combattante à l’égal, sinon à l’image de Nelson Mandela. Et le jour de gloire vint : Abdoulaye Président ! Douze ans au pouvoir. Mais il défia et les lois des hommes et les lois de la nature. Il pensait que, nonobstant son grand âge, il était encore l’homme qu’il faut pour un pays dans sa substance humaine. Contre l’avis de ceux qui l’aiment bien, il postula à un troisième mandat. Un mandat de trop. Un mandat qui vint confirmer qu’il n’existe pas encore de remède contre l’usure du temps. «Tant va la cruche à l’eau, dit le proverbe, qu’à la fin elle se casse».

Publicité

Il eut en Guinée- Conakry un capitaine. Il répond au nom de Dadis Camara. Le sort voulut qu’à la faveur d’un coup d’Etat il fût désigné Président de la République. Mais un accident de parcours mit fin, brutalement et dramatiquement, à ce cirque du plus mauvais goût. Adieu veau, vache, cochon couvée. Le capitaine-président, de son exil-hôpital, médite depuis ce proverbe de chez nous. «Quand un tam-tam se met à résonner jusqu’à l’ivresse, il n’est pas loin d’éclater».

Quels enseignements tirés de ces quelques cas avancés à l’effet d’illustrer notre propos?

Nous affirmons que le politicien ne doit d’abord se définir que comme un serviteur au service des autres. Sa mission n’est ni d’être au-dessus ni d’être à côté de ceux qu’il sert, mais d’être avec eux. Le politicien est un homme au service d’autres hommes, ses semblables. Son action s’inscrit dans le temps de l’homme. C’est vain qu’il veuille se prendre pour la grenouille de la fable. Celle qui veut devenir un bœuf.

Nous affirmons que le politicien est un serviteur dans le temps. Il ne doit craindre ni alternative ni alternance. Toute autre attitude l’amènerait à tordre le cou aux principes de base de la démocratie, volant au peuple une part de sa souveraineté. Au regard de quoi, nous retardent sur les chemins de la démocratie, tous ces chantiers où l’on s’acharne à réécrire les constitutions. Des pages noires remplies à l’encre des ambitions surdimensionnées de quelques uns d’entre nous.

Nous affirmons, enfin, que le politicien est un serviteur parmi d’autres. Il n’a aucune raison de se croire indispensable ou de croire qu’après lui, le déluge. Sa noblesse réside dans le fait de savoir passer le témoin. Parce qu’il n’est pas le propriétaire du pouvoir à lui confié. Il n’en est que le gestionnaire délégué. Et la meilleure manière d’en rendre compte, c’est de commencer par le rendre à date échue. Sans chercher à tripatouiller la constitution. Sans chercher à jouer les prolongations au pouvoir. Alors, stop ! Personne n’a intérêt à brûler le feu rouge.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Publicité