Le weekend a été riche en révélations et déclarations les unes plus fracassantes que les autres sur le dossier ultra sensible et délibérément controversé du programme dit de vérification des importations nouvelle génération plus connu sous son sigle,
pvi. Il a fallu, en effet, la sortie médiatique du collège d’avocats de l’homme d’affaires Patrice Talon, vendredi dernier à l’hôtel Azalaï de la plage, pour ouvrir la boîte de Pandore des entretiens télévisés d’un ministre et du porte-parole de la douane, entretiens relayés abondamment par toutes les radios de proximité que compte la ville de Cotonou et environs. Laissant à peine le temps à l’opinion de digérer l’ensemble des informations diffusées de part et d’autre. Et rendant de ce fait la tâche plus difficile aux journalistes de la presse écrite que nous sommes, qui ont besoin de recul pour analyser toutes les informations afin d’en faire une juste synthèse. Ces différentes interventions ont eu toutefois le mérite d’obliger le gouvernement à clarifier ses intentions réelles. Ainsi, pour la première fois, le ministre de l’Economie maritime, plus à l’aise qu’à l’accoutumée, et sans entrer en nage et en transes, a fait des déclarations qui sonnent le glas du Pvi, nouvelle génération et de la société Bénin Control. Le ministre Djènontin a déclaré, sans ambages, que le gouvernement a décidé d’arrêter l’inspection avant embarquement et le scanning des marchandises en transit, deux activités qui constituent un lot important, sinon essentiel, de la mission dévolue à la société Bénin Control. On apprend dans la foulée que la douane qui est la cause première de la mise en œuvre du programme Pvi nouvelle génération est déjà bien outillée sur tous les plans pour relever le défi de toutes les missions qu’on n’aurait jamais dû confier à un opérateur économique. Tout est donc bien qui finit bien dans le meilleur des mondes possibles, puisqu’on nous laisse entendre qu’avec Bénin Control, les recettes douanières ont sensiblement baissé. On a envie d’applaudir des mains et des pieds ce gouvernement qui a réussi en l’espace de quelques semaines à redresser une situation économique largement compromise grâce à la vigilance des disciples de St Mathieu redevenus trois fois saints en moins de temps qu’il n’en faut pour cirer les Rangers qu’ils arborent les jours de parade militaire. Désormais, la balle est dans le camp du partenaire a évincer. Les responsables de Bénin Control sont ainsi contraints de rebattre leurs cartes. Ils ont créé des centaines d’emplois, pris des engagements auprès des banques et des fournisseurs et tout cela a un coût que quelqu’un devra payer.
Restent alors des questions sans réponse. Car, tous ces déballages sur les chiffres concernant la valeur des prestations fournies par Bénin Control, et ceux, entre autres, des montants des recettes de l’Etat d’avant et d’après Pvi laissent songeurs. A-t-on fait une étude de faisabilité du programme avant d’en décider de sa mise en œuvre? Si oui, comment en vient-on à s’interroger sur le montant des redevances fixées par Benin Control et s’offusquer de leurs coûts exorbitants par rapport aux ports concurrents? Qui a fixé le montant des redevances? Autre question tout aussi importante: si la douane était tant que ça outillée pour exécuter le programme, pourquoi donc a-t-on décidé d’en confier la mise en œuvre à un partenaire privé dont on dit aujourd’hui qu’il n’en avait pas la compétence? Comment peut-on demander aujourd’hui à ce partenaire de révéler la nature et le coût de ses équipements pour les faire expertiser? Autant de questions élémentaires qui rendent compte de la légèreté avec laquelle le gouvernement Yayi a conduit le dossier Pvi. Et on s’aperçoit aujourd’hui qu’aucun exercice de simulation n’a été effectué avant la mise en route du programme. Au demeurant, un opérateur économique ne s’engage pas dans une affaire de gros sous par simple philanthropie. Dans un contrat qui engage deux parties, le coût des prestations n’est jamais fixé de manière unilatérale mais bien d’accord partie. Alors, pourquoi reproche-t-on aujourd’hui à Talon d’avoir fixé des coûts hors norme, quand l’Etat partenaire n’a pas fait valoir en son temps les arguments qu’il exhibe aujourd’hui à savoir, le panier de la ménagère et la compétitivité de notre port.
Il ressort de tout ce qui précède que la question la plus massive du dossier Pvi et dont le gouvernement ne peut retarder la clarification est celle-ci: Qui a signé le contrat Pvi? Le ministre Djènontin a confirmé de la manière la plus naïve qui soit (ce qui n’enlève rien à la gravité de la déclaration) que le président de la République, le premier élu de la Nation, n’a pas lu le contrat avant d’en signer le décret de mise en œuvre. Ahurissant, effarant, inadmissible! Un contrat de plusieurs milliards de francs qui concerne un programme aussi vaste que celui du Pvi, celui dont dépend, pour plus des 3/4 le renflouement des caisses de l’Etat! Qu’on vienne maintenant nous dire qu’il n’en est pas informé et que ce sont les autres qui en sont responsables dépasse l’entendement. Et cela reflète la tactique du bouc émissaire dont use à satiété le premier magistrat du pays. On l’a déjà vue dans l’affaire Icc et consorts aujourd’hui dans l’impasse, dans l’affaire de la Cen-sad jetée aux oubliettes. Le moment est venu d’interpeller, au double sens du terme, tous ceux qui ont apposé leur signature au bas du document qu’ils ont eux-mêmes appelé «contrat de marché». Ils ont noms: Pascal Iréné Koupaki, ministre du développement encore en poste, Issa Badarou-Soulé et Idriss Daouda, tous deux respectivement ministres de l’Economie maritime et des Finances d’alors. Qu’ils sortent de leur mutisme qu’on appelle pudiquement «obligation de réserve» pour dire leur part de vérité sur ce dossier scabreux. Il y va de leur crédibilité et de la crédibilité même de l’Etat du Bénin. Quel investisseur osera encore faire confiance à un tel Etat dirigé d’une façon aussi cavalière avec des ministres qui, un jour signent un document dont le chef conteste l’authenticité le jour d’après?
On ne peut continuer d’incriminer un opérateur économique pour sa «gourmandise» supposée et fermer les yeux sur l’existence de ceux qui ont engagé l’Etat sans contrepartie. A vouloir poursuivre ce jeu tragi-comique de ping-pong de déclarations et de démentis, on ne fera que divertir les Béninois déjà accablés par les problèmes insurmontables de la vie quotidienne. Ce gouvernement que l’autre avait traité de «ventilateur» n’a rien à faire que de déposer le tablier, pour incompétence caractérisée. Un gouvernement est fait pour agir et non pour disserter sans fin, à la manière d’un parlement à propos des contrats et autres engagements qu’il prend au nom de la Nation.
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