La Haac Adam Boni Tessi est mal partie !

 « J’ai l’honneur de vous inviter à prendre part, le vendredi 26 septembre 2014 à 10 heures précises (en gras dans le texte) au siège de la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication, à la séance de travail des conseillers avec certains responsables d’organes de presse relativement au traitement de l’information suite à la déclaration du Président de la République au sujet du coût des élections au Bénin ( souligné par nous)».

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Tel est le contenu du courrier porté à notre rédaction par un coursier de la Haac jeudi dernier  aux environs de 21h, à l’heure, où nous bouclions la dernière des cinq éditions du journal de la semaine. De mémoire de responsable de journal, c’est bien la première fois que la Haac convoque littéralement les responsables de presse de nuit pour une séance prévue pour le lendemain. Deux raisons et deux raisons seulement expliquent la perplexité des acteurs des médias concernés. D’abord, la présente mandature qui vient à peine de s’installer n’a  encore rencontré  que les responsables des associations professionnelles mais pas les responsables d’organe de presse ni les journalistes, premiers acteurs des médias  pour les connaître et s’informer de  leurs problèmes  et des conditions dans lesquelles ils exercent ce métier aussi exaltant que difficile qu’est celui de journaliste. La précédente mandature de la Haac pourtant très décriée avait rempli cette formalité élémentaire avant de sombrer dans la répression sauvage et aveugle contre les médias perçus comme irrévérencieux à l’égard du Président de la République. La seconde raison découle de l’objet de la lettre, libellée, sans aucune précaution de langage, comme pour  bien annoncer les couleurs de la mission que la mandature s’est vue  assignée. Le Président de la République n’ignore pourtant pas qu’il y a une procédure pour saisir la Haac d’une plainte contre un organe de presse. Cette procédure est la même pour tous les citoyens victimes d’injure ou de diffamation…S’il a choisi la formule directe de saisine par le haut, c’est pour bien montrer qu’il compte sur le président désigné par lui pour faire le « sale boulot » de la mise au pas des médias.

Message reçu 5/5

Tout le monde a compris que c’est le Président de la République lui-même qui a instruit expressément à cet effet le président de l’institution de contre-pouvoir qu’est la Haac conçue par le constituant pour garantir et protéger la liberté de presse et d’expression. Le libellé de la lettre d’invitation-convocation en fait  amplement foi. Tout comme aussi  ce coup de fil impromptu qui a obligé le président de la Haac à sortir de la salle et interrompre la séance quelques bonnes minutes. A en juger par le regard des participants à la séance, l’identité de l’interlocuteur au bout du fil ne faisait l’ombre d’aucun doute. Et le message a été reçu 5/5 par les responsables de presse  appelés à intervenir sur le sujet du traitement de la déclaration du chef de l’Etat. Tous les intervenants ou presque se sont crus obligés de se justifier,  comme s’ils avaient été tous pris en flagrant délit  d’infraction à la déontologie. C’est qu’ils ont tous été piégés par les propos lénifiants du président de la commission de la déontologie sur l’esprit d’apaisement à cultiver et   qui a parlé  sans aucune justification de « dérives » dans le traitement de ladite information. C’est quand le président Tessi  s’est proposé de lire le contenu de la déclaration querellée que certains comme nous ont  compris que la messe était déjà  dite.

Les médias par qui le scandale est arrivé

Or les acteurs des médias dans leur globalité  n’ont aucune raison de rougir du traitement qu’ils ont fait de la déclaration du Chef de l’Etat. Nous étions le vendredi 26 septembre. Et le climat délétère provoqué par la déclaration de Boko  qui remonte au lundi précédent s’estompait peu à peu suite au rétropédalage effectué à la vitesse grand V par le Docteur national lui-même dès le mardi 23 septembre. Sa déclaration imprudente (et c’est un euphémisme !) a été en effet diffusée en boucle sur la chaîne de service public toute la journée et une grande partie de la nuit du lundi à mardi. Des sources concordantes ont parlé d’instructions fermes à ce sujet. Tous ceux qui, comme le président de la Haac, disent que le Président Yayi n’a jamais dit expressément qu’il ne veut pas financer l’organisation des élections, soulèvent une vaine polémique. Le discours d’un homme politique n’est jamais à sens unique et l’analyste ou le commentateur doit aller au-delà du factuel pour accéder au monde clair obscur  du non-dit, et même de l’impensé du personnage politique. A Boko, le Président Yayi n’a pas parlé seulement du coût des élections, son leitmotiv depuis plusieurs années. Il a  aussi parlé de l’argent qui aurait pu servir à autre chose. En faisant le rapprochement entre le coût certes prohibitif des élections et les dépenses plus urgentes à ses yeux, dans ce climat politique vicié  où rien ne semble bouger du côté du Cos-Lépi et où on l’accuse de faire du dilatoire, le Président Yayi donne libre cours aux analystes et commentateurs des médias pour spéculer sur ses intentions réelles. Le lien avec l’épisode Sehlin des années 2005 -2006 est tout établi. La levée de bouclier dans les organes de presse classique (presse écrite, radio, télévision) et sur les réseaux sociaux  est intervenue toute la matinée et l’après-midi du mardi. C’est au soir de ce même mardi que le Président Boni Yayi, prenant la mesure des réactions extrêmement vigoureuses de ses concitoyens, a convoqué in extrémis ce fameux conseil extraordinaire des ministres sur le sujet exclusif des élections avec l’annonce en cascade de décaissement d’une partie des fonds réclamés par le Cos-Lépi depuis des mois et des rencontres tous azimuts avec les membres de la Céna, du Cos-Lépi et les Ptf, inquiets aux dires de l’argentier national. Le même jour, et les jours suivants, les principaux ministres  et le secrétaire général du gouvernement se sont relayés directement sur  la  chaîne de télévision nationale dans chacune de leurs langues nationales respectives, volant la vedette aux journalistes des langues nationales, pour expliquer encore et encore que le Président n’a aucune intention de ne pas organiser les élections, au contraire ! Que se serait-il passé si la presse n’avait pas joué ce rôle de « donneur d’alerte »?

Intimidation

L’accusation de mauvais traitement de la déclaration de Boko formulée par le Président Boni Yayi et endossé par le président Boni Tessi et ses pairs est un paradoxe de plus qui cache mal la volonté présidentielle de punir la presse qui a crié « haro sur le baudet».  Quand bien même  des acteurs particuliers auraient violé le code  de déontologie, toutes choses qui restent à prouver, pourquoi les faire convoquer manu militari pour ainsi dire, quand le Président de la République a la possibilité  de les attraire en justice ou devant la Haac, comme il l’a fait par le passé ? Cette sorte de mise en accusation collective des médias et la stigmatisation des journalistes ne sont que de vaines mesures d’intimidation dont le but ultime est d’empêcher les médias de jouer leur rôle de chiens de garde ou d’informateurs tout court. Nos confrères élus par nous dans cet  organe de régulation et de protection de la liberté  de presse et d’expression qu’est la Haac ont la lourde responsabilité de tirer leçon de l’expérience désastreuse de la précédente mandature. Ils ont le devoir de faire comprendre inlassablement au président Tessi, prince de Nikki et faiseur de roi  que le fonctionnement des médias modernes est aux  antipodes des intrigues des cours royales. Ils ont le devoir,  au nom du mandat à eux confiés par nous,  de rappeler gentiment au président Tessi, un Yayiste bon teint et fier de l’être, qu’il dirige maintenant une institution de contre-pouvoir et non le ministère de la communication  de Boni Yayi et que de ce point de vue, il est astreint à l’obligation de réserve liée aux hautes fonctions républicaines qu’il exerce. Sinon, leur mandature est déjà mal partie et ils seront tous comptables devant l’histoire  d’avoir contribué par leur silence à maintenir l’ensemble des médias sous la chape de plomb d’une caporalisation qui ne dit pas son nom.

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