Bénin – L’audience accordée par Boni Yayi à Adrien Houngbédji, son challenger de la présidentielle de mars 2011 et à Nicéphore Soglo, le maire de Cotonou, apparaît au regard de certains paramètres, comme une opération en trompe l’œil.
Droite. Fait inattendu et de l’opinion et des observateurs de la vie politique béninoise. Mardi 15 mai 2012. Le Chef de l’Etat reçoit à son cabinet, au palais de la présidence de la république, son challenger à l’élection présidentielle de mars 2011 et président du Parti du renouveau démocratique, Adrien Houngbédji accompagné de quatre membres, et pas des moindre, du bureau politique de son parti. Un parti qui a fait, il y a seulement quelques semaines la déclaration officielle de son appartenance à l’opposition. Selon le compte rendu fait par des télévisions de la place et relayé dans la presse écrite ce mercredi, la rencontre a duré deux heures d’horloge. Boni Yayi et ses hôtes ont discuté, apprend-on, des sujets brûlants de l’actualité. La révision de la Constitution, la correction de la Liste électorale permanente informatisée (Lépi), les réformes portuaires notamment le Programme de vérification des importations de nouvelle génération (Pvi-ng), la crise dans le coton et dans l’éducation. Cette rencontre entre Yayi et Houngbédji, sur initiative du premier, s’inscrit selon le second dans le cadre de l’appel au dialogue politique lancé par le Chef de l’Etat lors de la visite du Pape Benoît XVI au Bénin en novembre 2011. Le lendemain de sa rencontre avec son ancien challenger, Boni Yayi accorde une audience à Nicéphore Soglo, maire de Cotonou. Celui-ci n’est pas un opposant pur et dur, puisque son parti a fait le choix d’entrer dans la majorité présidentielle plurielle. Entre autres points abordés avec lui, l’hommage aux martyrs de l’esclavage et des personnalités qui se sont sacrifiés pour la paix au Bénin. Mais en réalité, la visite de Soglo père, ancien Chef d’Etat n’était pas un événement. En sa qualité de maire de Cotonou, il avait, à maintes reprises, fait la navette de la Marina. Ce qui augurait d’un fait inédit, qui fait encore couler beaucoup d’encre et de salive, c’est l’audience accordée à Me Houngbédji, leader des Tchoco-Tchoco par le président Boni Yayi depuis que ce dernier l’a battu par K.O lors de la présidentielle de mars 2011. Une victoire qu’Adrien Houngbédji, on se rappelle, n’avait pas acceptée.
Gauche. Pour certains analystes, cette audience accordée par le Chef de l’Etat à Adrien Houngbédji et une partie de son staff politique, au nom du dialogue politique national, ne serait qu’ une opération de charme de l’actuel locataire de la Marina pour montrer à la la communauté internationale sa volonté de faire progresser la démocratie béninoise. Cette rencontre Yayi-Houngbédji intervient, en effet, à la veille du départ du président Yayi pour les Etats-Unis dans le cadre du sommet du G20. Boni Yayi y prend part en sa qualité de président de l’Union africaine. Dans un contexte national marqué par une crise économique, avec la situation du Pvi et du coton gérée de façon solitaire par l’Exécutif, une crise sociale avec la fronde dans le secteur de l’éducation, une crise politico-sociale avec le forcing manqué de la révision « en catimini » de la constitution béninoise du 11 décembre 1990, le Chef de l’Etat n’a d’autre choix que de montrer à la communauté internationale que le dialogue avec toute la classe politique est en marche. Les observateurs de la vie politique restent sur leur faim quant aux conclusions de ces rencontres inattendues. Aucun communiqué final n’a été rendu public. Seules les déclarations des personnalités réçues renseignent qu’il ne s’agit de discussion à bâtons sur des sujets divers. Les sujets de grandes préoccupations politiques comme la Lépi et la révision de la Constitution sont restés sans visiblement sans réponses. Les élections municipales se tiendront dans moins d’un an. Et le fait que la Lépi qui devra servir de liste dans ce cadre contient beaucoup d’imperfections est une évidence partagée dans toute l’opinion et par toute la classe politique y compris la mouvance. On s’attendait alors que cette rencontre débouche sur du concret pour ce qui est de la correction de ce fichier électoral.
Houngbédji. Le fait que Houngbédji ait répondu favorablement à la demande de Yayi est un grand coup pour ce dernier. Cela implique que Houngbédji reconnaît désormais l’élection de Boni Yayi. Et apparait pour ainsi à lui tendu. Car cela aura, en fait, comme impact un regain de légitimité pour le président de la République. D’ailleurs, une certaine presse parue au lendemain de l’audience ne s’y est pas trompée et qui a parlé ouvertement d’une reconnaissance du chef de file de l’opposition du K.O de mars 2011. L’autre aspect de la question, c’est que Yayi reçoit Houngbédji à un moment où celui-ci est en froid avec les autres forces de l’Union fait la Nation, l’alliance politique dont il fut le candidat unique en mars dernier qui a été ignorée par le Chef de l’Etat tout comme l’alliance Abt. D’aucuns voient en cela une action du Chef de l’Etat pour favoriser la division au sein de l’opposition. Seulement, même si le geste de Boni Yayi était sincère, la coïncidence avec la tenue du sommet du G8 le rend suspect. Il en est ainsi quand le dialogue politique est instrumentalisé pour servir à une opération de charme.
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