La cybercriminalité : un véritable fléau social à éradiquer

La jeunesse béninoise est en perte de vitesse. Le déclin moral et social prend de l’ampleur au quotidien. Au nombre des vices cultivés depuis un certain temps, la cybercriminalité communément appelé «Gay». Qui sont ces jeunes qui s’adonnent à cette activité illégale? Quel est leur mode opératoire? Et quelles sont les conséquences sur la société béninoise?

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Il sonnait huit heures du matin, ce mardi 8 mai 2012. Devant un cyber, non loin du commissariat d’Agla…, sont garées sept motos neuves de marque Dayang et Dream.  A l’entrée de ce centre de navigation,  un homme, la trentaine environ, est assis devant un poste ordinateur et  fait face  à une  dizaine d’internautes. C’est le gérant du cyber.  Parmi les usagers qui surfent, deux étudiants en uniforme dont l’âge frôle la vingtaine. Ces étudiants sont en pleine préparation d’un exposé. Quant aux restes, ils postent des annonces de vente sur des sites internet. C’est en effet, l’activité à laquelle la majorité des jeunes s‘adonnent depuis plusieurs années au Bénin. En général, ce sont des jeunes déscolarisés ou encore de jeunes diplômés à qui les portes de l’emploi sont fermées. Leurs âges varient entre 12  et  30 ans et parfois plus. De Lokossa à Bohicon ou encore de Porto-Novo à Natitingou, Ils sont partout sur le territoire national. Ceux là, on les appelle communément «gay man». Juridiquement,  ce sont des cybercriminels. Ces hors-la-loi,  ont développé une nouvelle forme d’arnaque avec un mode opératoire bien varié et parfois un peu trop complexe et ont des motivations diverses.Les motivations

«Mes parents sont démunis et ne sont plus en mesure de me prendre en charge. Je suis alors contraint de le faire pour prendre mes frères et moi-même en charge», a confié Rodrigue, un jeune homme de 18 ans qui exerce la cybercriminalité, depuis bientôt 3 ans. Comme lui, beaucoup d’autres jeunes affirment commettre ce délit pour survenir à leur besoin. Mais, les motivations diffèrent d’un «gay man» à un autre. « Les Blancs nous ont assez détruits, c’est à notre tour de leur faire subir le calvaire», a déclaré un autre gay man qui semble moins démuni que le premier. En dehors de ces sons de cloche, la cybercriminalité a un effet d’entraînement. Ainsi, beaucoup de jeunes dont des enfants de grandes personnalités, des ministres et des députés en occurrence, sont devenus du jour au lendemain, des  cybercriminels parce qu’ils ont un ou des amis qui le sont et qui se sont achetés des motos et d’autres objets de luxe. 

Mode opératoire

«Depuis bientôt quatre ans, moi j’ai un parrain blanc à qui j’ai dit que je n’ai plus de parents. Et il m’envoie 115 € toutes les fins du mois. J’aide mes parents parfois avec», a martelé  Ambroise, un jeune cybercriminel, pour expliquer comment il arrive à convaincre ses victimes. Pourtant, il vit avec ses parents.  Mais ce mode opératoire se fait de plus en plus rare car, aucun Blanc ne gobe plus cette belle histoire du pauvre orphelin. Les cybercriminels modifient au quotidien, leur mode opératoire. « Les Blancs veulent acheter des véhicules de dernière génération et c’est ce que je leur sers, c’est plus rapide, a déclaré Delphin pour expliquer son mode opératoire. «Moi, j’ai dépassé cette étape. Je suis dans les prêts de crédits, depuis bientôt un an et c’est plus rentable», a affirmé Prince, lui aussi cybercriminel. Que ce soit Ambroise, Delphin ou Prince, le but est le même, arnaquer un Blanc et pourquoi pas un Béninois ou un Africain. Le mode opératoire le plus fréquent chez les arnaqueurs de cette catégorie est,  d’après Gérôme un gérant de Cyber, la vente virtuelle d’objets (animaux sauvages, véhicules de luxe, toiles etc.) avec toutes les pièces justificatives à l’appui. Les sites internet servant à poster les annonces, sont en anglais ou en espagnol. «Avant, on utilisait google translate mais j’ai appris déjà l’anglais et l’espagnol pour pouvoir convaincre mes clients», a laissé entendre un autre cybercriminel dans l’anonymat. Il n’est alors plus rare de voir des jeunes déscolarisés, apprendre l’espagnol pour pouvoir communiquer avec ceux qu’ils appellent des «clients». Pire, ils se servent des fonctionnalités de leur téléphone portable pour changer leur voix masculine en celle féminine afin de mieux séduire leur victime. Face à la résistance de ces clients, les jeunes arnaqueurs font parfois recours à des forces occultes, particulièrement à un fétiche appelé «Quinninsi». Un fétiche puissant, qui selon des indiscrétions, se nourrit du sang humain. Et il se retourne contre ceux-ci parfois, et les tue par anémie quant il est mal nourri. A ces pratiques, s’ajoutent beaucoup d’autres dont la sélection de numéros téléphoniques au hasard en vue d’appeler les propriétaires plus tard avec des numéros roaming ou avec des puces du réseau téléphonique international Orange, pour leur annoncer des gains d’argent. «Depuis bientôt un mois, le numéro 0037091011325 ne fait que me biper et m’envoyer des messages pour m’annoncer que j’ai gagné 1000 €, soit 656 mille f Cfa. Quand j’ai essayé d’appeler, c’est une dame qui m’a répondue et m’a demandé 200 € (environ 132.000 F Cfa) pour les formalités à remplir afin de rentrer en possession du gain», a témoigné une fonctionnaire du ministère des Finances. Comme cette dame, nombreux sont les Béninois qui reçoivent ces appels anonymes. Naïfs, certains étrangers et même Béninois mordent à l’appât et en souffrent dans l’indifférence des autorités béninoises. Après avoir convaincu l’acheteur de l’objet proposé, le mode de paiement le plus développé par cette catégorie d’arnaqueurs est le règlement en espèce via les services internationaux de transfert d’argent. Une fois l’argent retiré, les arnaqueurs s’achètent des motos, des véhicules, des habits de luxe et  se louent une habitation, s’ils n’en avaient pas. C’est le début d’une émancipation qui parfois, leur est très fatale.

Des complicités diverses

«Mon papa, tout le monde sait ce qu’il est. Donc, je n’ai plus à aller chercher loin ce qui est chez moi. Il assure mon arrière », a martelé Aurélien, la vingtaine environ. Comme lui, nombreux sont les cybercriminels qui ont la bénédiction des parents. Ainsi,  Pour le retrait de l’argent de leur forfait, les «gay man» créent des réseaux, parfois internationalisés, très organisés composés d’agents de Banque, d’officiers de police, de gérants de cyber et même des parents qui jouent le rôle de féticheur ou de guide spirituel sans oublier les représentants sur place en Europe ou aux Etats Unis. Chacun des membres de ce réseau a sa part du gâteau, dès le retrait. Ainsi, même sous des noms fictifs, les cybercriminels arrivent à retirer l’espèce sonnante et trébuchante. «On m’a déjà arrêté deux fois avec ma moto mais, je n’ai même pas fait vingt-quatre en tôle, il suffit de donner quelque chose aux policiers et ils te collent la paix».  A fait savoir Rodrigue.  De cette manière, quand ils achètent des motos, des véhicules et même construisent, ils sont couverts par certains officiers véreux qui leur garantissent la liberté même quand ils sont arrêtés. Cette complicité, les réconforte et ils persévèrent dans leur sale besogne. Pourtant, depuis bientôt un an, des textes ont été votés pour mettre fin à cette nouvelle forme d’escroquerie. Mais à quoi servent-ils?

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Les conséquences socio-économiques

Ils sont énormes, les effets pervers de cette activité illégale sur le quotidien des citoyens. Du coup, aux lieux les plus fréquentés par les «gay man», tout y dévient cher. Le coût de la restauration dépasse les capacités des populations à revenu moyen au niveau des réfectoires. C’est le cas au marché de friperie de Missèbo où les coûts des articles ne cessent d’augmenter, selon les habitués des lieux. Et pour cause, les «gay man»  ne marchandent même pas face au renchérissement avant d’acheter. Quant aux centres de navigation, les apprenants  et autres individus dont la connexion constitue un outil de travail et de grande nécessité, y trouvent difficilement de place.  A tout ceci, s’ajoutent le déclin moral et la chute dramatique du niveau de scolarisation au Bénin. La main d’œuvre qui devrait produire la richesse est alors mise à mal. Du coup, la recherche du gain facile devient la caractéristique principale des jeunes qui s’adonnent à cette déviance sociale. C’est maintenant plus que jamais. Il urge que les autorités béninoises, le Ministère de l’Intérieur et les Organisations de la société civile s’asseyent et définissent des stratégies dans ce sens pour éviter au Bénin dans un  avenir proche, un véritable chaos socio-économique.

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