Et le pouvoir, en France, change de main. Nicolas Sarkozy s’en va. François Hollande s’installe. Le 7ème Président de la cinquième République est un socialiste. Un homme de gauche fait dégager de l’Elysée un homme de droite. La cérémonie d’investiture du mardi 15 mai a consacré ce passage de témoin.
Gravité de François Hollande, aussi bien dans la posture que dans le texte de son discours d’investiture. Emotion forte avec le départ de Nicolas Sarkozy, un départ aux accents tristes d’un adieu. Mais, dans l’ensemble, une grande simplicité. Celle qui sied dans les grands moments. Celle qui rend encore plus grands ceux qui sont grands.
Par rapport à l’Afrique, cette cérémonie d’investiture est pleine d’enseignements. C’est en allant à l’école de la simplicité que nous accèderons à une gestion intelligente et maîtrisée de la République. En effet, chez nous, la République est à libérer d’un folklore inutile. L’Etat est à soulager des lourdeurs festives qui le plombent et qui l’affaiblissent.
On remarquera qu’il n’a pas été nécessaire de faire venir de tous les azimuts d’autres Chefs d’Etat Ici, l’investiture du Président français est vue et comprise comme un événement franco-français. Chez nous, hélas, nos cérémonies d’investiture s’apprécient au nombre de Chefs d’Etat ou de têtes couronnées ayant fait le déplacement. A l’effectif des grosses cylindrées de la jet-set ayant honoré l’invitation.
On remarquera également que le discours d’investiture de l’homme du jour est bref. Celui qui a à parler de la France à la France et au monde entier, cinq ans durant, n’a pas besoin de vider son chargeur de cartouches dès l’entame de ses immenses responsabilités. Cette sobriété trouve difficilement à s’appliquer sous nos cieux. La parole inopérante et stérile semble être notre espace de prédilection. Le discours se substitue à l’action. La priorité est donnée au logos grec, à comprendre comme la raison humaine incarnée par la langue par rapport à la « praxis » marxiste. Celle-ci se veut axée sur l’action en vue d’un résultat déterminé. Les discours fleuve de nos chefs n’ont pour objectif que de noyer l’action sous une avalanche de paroles et de vaines incantations. On parle pour ne rien dire. On annonce ce qu’on sait ne pas pouvoir faire. On fait des promesses qu’on ne tiendra pas. Ce décalage entre le discours et les actes, entre la pensée et l’action, la parole et le geste est la caractéristique du pouvoir africain. Un pouvoir inutilement bavard. Un pouvoir tragiquement impuissant. Un pouvoir plutôt théâtral, chacun se donnant en spectacle, dans un rôle et dans la peau d’un personnage.
Le nouveau Chef de l’Etat français, à l’occasion de son investiture, n’a vidé ni son village, ni sa commune, ni sa région de leurs hommes et de leurs femmes au motif que le fils d’un terroir français bénéficie de l’ineffable privilège d’avoir été élu chef de toute la France. Le chef élu et investi est d’abord et avant tout un citoyen porté aux plus éminentes charges de l’Etat. Il est au service de tous. Il ne peut donc se réclamer d’un terroir qu’il chercherait, de ce fait, à hisser au-dessus de tous les autres terroirs. Le Chef de l’Etat français est le représentant attitré de la France. Comme tel, il assume la France tout entière. Et il doit le faire sans parti-pris ni esprit de clan.
La République, chez nous, tarde à être ainsi comprise. La tendance courante est de réduire l’éminente fonction présidentielle à une banale occupation d’un chef de faction. Celui-ci ne donne pas plus le sentiment de diriger une nation qu’il ne conduit un bétail en transhumance. Le chef n’est plus dans la position noble d’un chef d’orchestre. A charge de diriger, de coordonner un ensemble symphonique. Le chef finit par s’abîmer dans une gestion clanique du pouvoir. Aidé et soutenu par les siens, le chef gouverne contre tous.
Enfin, l’investiture de François Hollande n’a pas donné lieu à un déploiement d’uniformes pour fêtards en mal de tirer profit de tout, au prétexte qu’il y a à boire et à manger pour tous. Personne ne s’est avisé de dresser des bâches. Personne ne s’est appliqué à convoquer tous les tam-tams, à réunir toutes les danses du pays. Personne ne s’est donné la tâche d’appeler à divers cultes, à diverses séances de prières. Personne n’a eu à évoquer les mannes des ancêtres. Nos cousins français, avec l’investiture de leur chef, nous ont administré une belle leçon assortie des trois mots clés suivants : sobriété, simplicité, solennité. Nous devons en prendre de la graine.
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