Méthode de gouvernance au sommet de l’Etat : entre rigueur et caprices d’un président «cabri mort»

Les avis des analystes sont partagés sur la philosophie qui sous-tend les récentes importantes décisions prises par le président Boni Yayi.

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Boni Yayi est-il devenu le président rigoureux, pragmatique et efficace dans la gouvernance dont les Béninois ont rêvé en portant leur choix sur sa personne en 2012?  Il faudra sans doute une véritable enquête d’opinion pour avoir la réponse exacte à cette question. Mais l’actualité sur la gouvernance amène à se poser des questions sur la philosophie qui sous-tend la méthode Yayi sous la Refondation. Et si les différentes décisions du Chef de l’Etat témoignent dans une certaine mesure sa volonté de gestion rigoureuse, on peut aussi y voir la manifestation des caprices d’un président qui n’a plus rien à perdre. Et la gestion des sujets brûlot de l’époque par le pourvoir pourrait en témoigner. On se rappelle de la suspension provisoire du contrat Pvi, la reprise en main de la filière coton par le gouvernement, le bras de fer entre le gouvernement et les enseignants avec le refus du premier à satisfaire une revendication jugée légitime du second. Dans le cas de la suspension provisoire du contrat liant l’Etat à la société Bénin Control chargée de la mise en œuvre du Pvi, où la décision vient marquer la pause à une réforme qu’on a soutenu à cor et à cri, la raison de l’intérêt du peuple est évoquée. Pour le règlement de la crise dans le coton où le gouvernement a repris en main la gestion de la filière en attendant de redéfinir le cadre du partenariat public-privé, on a avancé également l’argument de  la préservation de l’intérêt public. Du 24 janvier au 27 mars, les enseignements de la maternel, du primaire et du secondaire général, professionnel et technique étaient paralysés. Le gouvernement s’est radicalement opposé au rétablissement aux enseignants de la prime d’incitation à la fonction enseignante. Selon les explications fournies à l’époque, les enseignants ont perdu cette prime lorsque l’Etat a décidé de relever de 25% le point indiciaire de tous les agents de l’Etat. Tout en reconnaissant la légitimité de la revendication des enseignants, le gouvernement  avait justifié son refus par la question de l’obligation au respect des normes de convergence de l’Uemoa.
Pour rappel, selon ces normes, la masse salariale ne devrait pas dépasser 35% des ressources étatiques. Le Bénin est déjà à 47%. Et la satisfaction de la revendication des enseignants le ferait monter à plus de 50% avait-on évoqué. A ce niveau, on a évoqué la rigueur dans la gouvernance. Un autre exemple plus ancien est la gestion du bras de fer gouvernement-douaniers de 2011. Un bras de fer qui a abouti au vote de loi interdisant le droit de grève à la corporation.

Le cabris mort

Il y a seulement quelques mois, l’un des proches collaborateurs du président de la République  le qualifiait quand il a lui-même déclaré qu’il est un «cabris mort». En réalité, Boni Yayi étant à son second et dernier mandat constitutionnel, il n’a plus rien à perdre. Il peut donc prendre certaines décisions qu’il n’aurait pas osé prendre lors de son premier mandat. On a vu au début du changement-la première année notamment-, un président avec une nouvelle approche de gestion des affaires publiques. On peut citer l’audit des ministères dont les résultats n’ont malheureusement jamais été publiés, les descentes inopinées du président dans certaines structures, la démythification de la fonction de ministre avec le limogeage de certains collaborateurs en faute…et la liste est longue. Mais la volonté d’assainir les finances publiques avec un changement des pratiques de gouvernance s’est très tôt heurtée à l’ambition de briguer un second mandat. Et les scandales politco-financiers avec à la clé l’impunité ont caractérisé tout le mandat de qui a promis faire de la lutte anti-corruption une priorité. On se rappelle encore le traitement fait des dossiers Cen-sad, machines agricoles et Icc services et Consorts. Le président rigoureux dans la gestion des finances publiques est devenu du coup comme «Papa Noël».
Aujourd’hui, Boni Yayi qui dit affectionner tant les enseignants peut refuser de satisfaire à leur revendication en brandissant même des menaces de radiation. Il peut engager un bras de fer avec son «ami» Talon qui, chante–t-on partout, a pourtant financé son arrivée au pouvoir aussi bien en 2006 qu’en 2011. Il peut même limoger sans état d’âme ses anciens collaborateurs, qui ont pourtant mouillé le maillot pour lui. Le départ imprévu de l’ancienne ministre des fiances, Adidjatou Mathys du gouvernement, en est une illustration.

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