Pouvoirs africains en spectacle

Ceci n’est pas de la fiction. Nous sommes en Afrique. Dans des séquences de vie bien réelles.

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Avec des Africains en diverses situations, les unes aussi réelles que les autres. Des images qui défient la raison. Elles étalent les tares de nos républiques bananières, dans le cadre surréaliste de nos démocraties de façade. Il est 9 heures. En contrebas du palais présidentiel haut perché sur une colline, la colère gronde. La colère d’une foule déchaînée monte jusqu’au Chef de l’Etat par intérim. Il n’y a pas de doute, la révolte qui s’enfle comme une nuée traversée d’éclairs et de foudre, a ciblé le palais. Le Président y reste claquemuré dans son bureau.
Un dérisoire cordon d’hommes en armes assure la garde du palais. Ne faut-il pas y voir la preuve que les manifestants bénéficient de solides soutiens occultes ? Il ne manquerait plus qu’à leur dérouler le tapis rouge et qu’à leur offrir en holocauste l’illustre occupant des lieux. Des injures vociférées. Des portes défoncées. Des meubles renversés. Une pluie de projectiles s’abat sur la porte capitonnée du bureau du Président qui cède, livrant à la colère des manifestants un homme sans défense.

Comme on le ferait d’un malfrat pris dans la rue, la main dans le sac, le Président est proprement passé à tabac. Sans protection, seul contre tous, il est alors bousculé, giflé, piétiné comme un vulgaire objet inutile. Le premier des citoyens, ainsi traité et maltraité, doit à la baraka d’avoir la vie sauve. Nous sommes au Mali, plus précisément à Bamako.

Changement de décor. Le Président se couche la veille, ignorant qu’il vit ses dernières heures parmi les vivants, ses semblables. Peu après minuit, tremble sous des coups redoublés la porte de sa chambre à coucher. Des coups suivis d’une salve nourrie d’armes automatiques.

Des soldats mutins arrachent le Président à son épouse totalement atterrée. En deux temps trois mouvements et en signe d’humiliation, le Chef est mis nu et soumis à un interrogatoire musclé. Des coups violents pleuvent sur le pauvre. Ses tortionnaires n’arrêtent le macabre manège qu’au constat qu’ils n’ont plus affaire qu’à un corps sans vie. Nous sommes en Guinée-Bissau, plus précisément à Bissau.

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Ouvrons une nouvelle parenthèse. Le Président, après deux mandats de cinq ans chacun à la tête de son pays, trouve la géniale idée de changer les règles du jeu. Pour parachever son œuvre, il veut s’accorder une rallonge de trois ans au pouvoir. A cet effet, un référendum est diligemment organisé

Barricadé dans sa logique qui n’effleurerait l’esprit de personne dans un Etat de droit, le Président se ferme à tous avis et conseils. Il est sûr de son fait. Il veut aller au bout de son entreprise. L’infernale mécanique s’enclenche. Le Président veut son référendum. Il le gagne haut la main ? L’Armée, à son corps défendant, sort de ses casernes et met bon ordre à cette grossière dérive. L’homme par qui le désordre est arrivé est, depuis, en résidence surveillée. Il médite sur les raisons qui l’ont éloigné de toute raison. Nous sommes au Niger, plus précisément à Niamey.
Pour clore ce tour des pouvoirs africains qui se donnent grossièrement en spectacle, éloignons-nous des palais présidentiels. Arrêtons-nous à la grande place de cette localité que des groupes armés viennent de prendre. La cité est mise en coupe réglée. Les habitants, dans les haillons du malheur, sont saoulés de coups et conviés à vivre l’enfer sur terre.

Les vainqueurs du jour, pour les briser définitivement, les soumettent à une épreuve dont la barbarie n’a d’égale que la cruauté. Leurs épouses et filles, alignées en rang d’oignon, sont alors publiquement et collectivement violées. Images d’enfer que celles de ces hommes transformés, l’espace d’une partie de débauche indescriptible, en d’ignobles êtres grossiers et brutaux. Comment ont-ils pu dégringoler des hauteurs de l’humanité pour se retrouver dans ces bas-fonds fangeux où se terre la bête et prospère la brute ? Nous sommes quelque part, en République démocratique du Congo.

Quels commentaires peut-on encore s’autoriser sur ces faits qui dépassent l’entendement ? Que dire de plus après qu’on s’est laissé refouler vers les temps les plus obscurs de l’histoire ? C’est en Afrique, sur notre continent, que cela se passe. Face à ces quelques faits, expression de notre tragique inconsistance, nous n’avons plus qu’à nous convaincre que seul le silence est grand. En attendant l’heure du sursaut.

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