Jusque là, ce sont les syndicats et quelques rares « opposants » qui ont pris l’habitude de se prononcer sur la gestion du pouvoir de la refondation. Depuis quelques jours, ils ont été rejoints par des corporations connues pour leur mutisme légendaire.
C’est le cas d’un ecclésiaste, l’abbé Raymond Goudjo, du médiateur de la république Albert Tévoédjrè et avant-hier des avocats. Tous s’inquiètent de la situation sociopolitique actuelle.
Il n’est jamais trop tard pour bien faire. C’est ce qu’ont compris certaines corporations. Jadis habituées à se résigner dans leurs silence. Elles ont décidé de dénoncer la crise actuelle qui secoue notre pays de peur d’être, citées comme des « spectateurs joyeux » ou d’être complices par leur silence. Un religieux, le père Raymond Goudjo au nom du prestigieux Institut des artisans de la justice et de la paix(Iajp) et le bâtonnier de l’ordre des avocats ont lancé chacun un appel. Dans celui des avocats rendu public le 24 juin et signés du bâtonnier Me Arthur Ballè et de Guy-Lambert Yèkpè, (voir page 8) ils ont reconnu une violation des droits humains notamment civils, politiques et sociaux par des actes attentatoires du gouvernement et de certains fonctionnaires qui se sont mis au service de causes particulières. Ils reprouvent les multiples cas de violation des droits à la vie, à la sécurité des personnes et de leurs biens, et de manière générale les violations des droits de la personne humaine par le gouvernement. Enfin, ils rappellent à l’attention de tous les fonctionnaires civils et militaires que « tout individu, tout agent de l’Etat est délié du devoir d’obéissance lorsque l’ordre reçu constitue une atteinte grave et manifeste au respect des droits de l’homme et des libertés publiques » (article 19 alinéa 2 de la constitution). Le 19 Juin, l’abbé Raymond Goudjo dans un appel à la prise de conscience réconciliée. Dans ce texte, l’ecclésiaste fait une lecture très réaliste de la situation sociopolitique actuelle. « Toutes nos institutions sociales, politiques et juridiques devant servir de contre pouvoir et de modération des pouvoirs semblent excessivement se murer dans un devoir de réserve augurant de la triste politique de l’autruche », déplore-t-il avant d’ajouter que « le processus conflictuel interne dans lequel notre pays s’engage avec la complicité complaisante, voire bienveillante de tous ses citoyens, surtout de ses cadres qui en portent actuellement une haute responsabilité morale, nous propulse aujourd’hui, dans ce contexte politique et économique au Bénin, dans une terrible dictature de la démocratie ».
Tévoédjrè aussi dans la danse
Hasard du calendrier, le même jour, à Porto Novo, le médiateur de la république Albert Tévoédjrè connu jusque là pour être un des plus grands soutiens et conseillers du Chef de l’Etat a surmonté ses affinités politiques pour lui envoyer un courrier. Dans ce courrier, le médiateur décrit une situation sociopolitique proche de la déconfiture. « L’actuel niveau d’activités du Port autonome de Cotonou par rapport à celui de Lomé-vous le savez mieux que quiconque- la vive querelle publique affectant la gestion de l’économie cotonnière, le désert qui s’observe dans les établissements bancaires et financiers, la récente montée en première ligne des forces armées et des forces de sécurité publique dans un conflit de caractère économique et commercial, tout cela inquiète à l’intérieur, suscite des interrogations dans les Etats voisins et génère des doutes parmi nos partenaires habituels », avertit le professeur. Trois interventions différentes émanant de corporations les plus crédibles et de personnalités de grande notoriété et ceci dans l’intervalle d’une semaine devraient inquiéter le Chef de l’Etat et son gouvernement pour qu’ils revoient leur gouvernance. « Dieu ne peut pas descendre des cieux et vous parler. Il le fait par l’entremise des hommes », dit un proverbe Fon.