Le PRD à la croisée des chemins

Une fumée persistante. Est-elle annonciatrice d’un feu imminent? La cité bruit, depuis quelques semaines, de l’entrée au gouvernement du Parti du Renouveau démocratique (PRD) de Me Adrien Houngbédji.

 Dans les rédactions des journaux, dans les administrations, sur les marchés, sur les chantiers, on ne parle que de cela. Mais personne ne peut en apporter la preuve palpable et tangible. Plus de spéculations donc que de certitudes. Aucune source crédible pour infirmer ou confirmer la nouvelle. Dans le doute, ne vaut-il pas mieux s’abstenir?  
Il reste à l’analyste et à l’observateur, la voie étroite de l’hypothèse. C’est-à-dire, la possibilité offerte de spéculer pour expliquer un phénomène, avant que celui-ci ne soit soumis au contrôle de l’expérience. Alors, questions : qu’est-ce que Adrien Houngbédji, le principal challenger de Boni Yayi à la dernière élection présidentielle, va-t-il chercher dans le gouvernement de ce dernier ? Quelle contribution le PRD, qui vient de marquer officiellement son appartenance à l’opposition, pourrait-il apporter, en allant s’afficher aux côtés d’un gouvernement auquel il est censé s’opposer ? Trois scenarii possibles à  partir de l’hypothèse de l’entrée du PRD au gouvernement.
Il y a d’abord la thèse de l’entrisme, synonyme de noyautage. Il consisterait à pénétrer le système du pouvoir afin de le pulvériser de l’intérieur ou d’en prendre le contrôle. Ce serait la solution de désespoir pour un parti au bout du rouleau. Après qu’il eut tout tenté et joué le tout pour le tout pour conquérir le pouvoir d’Etat. Le PRD, depuis la conférence des forces vives de la nation, en effet, coure après un pouvoir qui lui a constamment échappé. Il n’a été, jusque là, qu’accidentellement associé au pouvoir. Le poste plutôt honorifique de Premier ministre  pour Adrien Houngbédji en 1996, lequel, en 1991 et en 1995 eut droit aux honneurs du perchoir à l’Assemblée nationale. Depuis la dernière élection présidentielle, atteint par la limite d’âge, Adrien Houngbédji est forclos pour la course à la magistrature suprême. Le PRD, son parti, se trouverait ainsi placé devant l’alternative suivante : s’engager dans une lutte à mort de leadership, sans qu’il soit sûr de trouver un digne successeur à son leader charismatique ou entrer au gouvernement pour se sauver d’une dislocation quasi certaine et continuer d’exister, continuer d’influencer la marche des choses.

Il y a, ensuite, la thèse de la contribution. La PRD se dit échaudé par ses alliés de l’Union fait la Nation  (UN) notamment. Il prend ses distances, mais refuse de jouer en solo, de s’isoler sur l’échiquier politique national. Ne lui resterait plus, dans cette hypothèse,  qu’à jouer avec le seul pôle politique restant, la mouvance présidentielle. Le PRD, dans ces conditions, entrerait au gouvernement comme « Le bon Samaritain ». Il se dévouerait pour sauver le régime en grandes difficultés sur tous les fronts. Il prêterait ainsi une main secourable à Boni Yayi qui n’en demanderait pas mieux. En contrepartie, le PRD bénéficierait, au profit de certains de ses jeunes cadres aux dents longues, des bonbons et des petits pains sucrés du pouvoir. Plutôt le réalisme politique pour fixer ces jeunes cadres dans le parti que la transhumance ouverte de ceux-ci. Ce qui signerait la mort du PRD. Du reste, nous avons vu les prémices d’une telle saignée avec le départ, entre autres, de l’ancien secrétaire général du parti.

Il y a, enfin, la participation du PRD à un projet de gouvernement de large union. Ce parti, dans cette hypothèse,  ne serait que le tout premier pion sur la ligne de départ. Avant que tous les autres ne viennent, plus tard, former l’union sacrée rêvée autour de Boni Yayi. Ceci dans la perspective d’une reconfiguration complète et totale de l’échiquier politique national, voire d’un changement de cap au niveau de la politique générale de l’Etat. Boni Yayi pourrait se trouver, dans cette hypothèse, en situation avantageuse de tout négocier. Pour aujourd’hui et pour demain.
Dans le même temps, une telle formule serait, pour le pouvoir actuel, le substitut idéal à une Conférence nationale bis. Celle-ci est souvent réclamée par l’opposition et se trouve en bonne place dans l’agenda de certaines organisations de la société civile. Les conférences nationales ont pris, ici et là, les allures d’un coup d’Etat tranquille. Qui, au pouvoir, ne se méfierait-il pas de ce pouvoir dévoreur de pouvoir ? Il vaudra toujours mieux tenir tout le monde sous son contrôle que de perdre le contrôle des choses et d’être contrôlé par les autres. Dans tous les cas de figure, faisons remarquer que le PRD n’entre que pour en sortir indemne. Nous voulons dire : vivant.

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