Le Bénin sur le toit de l’Afrique. Voilà notre pays situé. Il assure, en effet, depuis six mois, par son Président interposé, la présidence tournante de l’Union africaine (UA).
C’est un honneur que les Béninois apprécient à sa juste valeur. C’est une responsabilité qui fait porter au Bénin la voix de l’Afrique.
Et le Président Boni Yayi, depuis, va par monts et par vaux, dire l’Afrique, exprimer les aspirations de ses peuples.
Il y a, dans la mission d’un Président en exercice de l’Union africaine, une part notable de relations publiques. De Washington à Paris, en passant par Bamako et Abidjan, Boni Yayi se fait le vigile qui appelle à une veille permanente contre le péril islamique fondamentaliste. Il endosse la toge de l’homme de paix, sensibilise et mobilise, les uns et les autres, autour de cette valeur rare. Il emprunte le langage du développeur s’efforçant de faire bouger un milliard d’Africains. La plupart continuent de tendre la main, ignorant que la nature a doté leur continent d’immenses ressources et qu’ils sont assis sur une mine d’or.
Exaltante mission que celle d’être la voix de l’Afrique et de porter cette voix dans toutes les arènes du monde. Mais quelle est la portée d’une telle voix ? Qui touche-t-elle ? Difficile de prêter sa voix à ceux qui ne parlent pas d’une même voix. Plus difficile encore d’être la voix de ceux qui, dans le monde, sont sans voix. L’Afrique, faut-il le rappeler, ne représente que 2,70% du commerce mondial.
Il faut dramatiquement prendre conscience que ceux qui nous invitent au G8, le cercle des huit pays les plus riches du monde, n’appellent pas, à leurs côtés, des partenaires à traiter sur un pied d’égalité. C’est à titre protocolaire qu’on tolère un Africain auprès des plus grands de la terre. Si cela n’était pas de la figuration, cela y ressemblerait.
Il faut dramatiquement prendre conscience que la plupart des problèmes africains que pose très courageusement, du reste, le porte-voix de l’Afrique ont leurs solutions hors d’Afrique. L’Afrique a beau se démener comme un diable dans un bénitier, mais tant que les maîtres de la situation, qui sont tous des puissances extra-africaines, n’ont donné ni de la voix ni leur feu vert, tout doit rester en l’état. On ne bouge pas. Rien ne bouge. Il y a, d’un côté, un flagrant aveu d’impuissance. Il y a, de l’autre, l’éclatante manifestation de la force. L’impuissance gère le ministère de la parole, sur le mode du « cause toujours ». La force fait les quatre volontés des plus forts, dont on dit que la raison est toujours la meilleure.
Et il se trouve que le Président en exercice de l’Union africaine n’a pas eu le temps d’imposer son agenda, de proposer une vision au projet bientôt cinquantenaire de construire une Afrique unie et forte. Le Président en exercice de l’Union africaine s’est trouvé immédiatement à la remorque de problèmes ardus que rien ne laissait présager.
C’est le cas du Mali qui se complexifie tous les jours et qui fait perdre à la plupart des Maliens eux-mêmes leur bambara. C’est le cas de la Guinée-Bissau devenu un cocktail narco-politico-militaire. C’est le cas du Soudan où la manne pétrolière prend, chaque jour, la forme d’une bombe sous les pieds des frères qui ont tout à gagner à faire l’accord sur leurs désaccords. C’est le cas de la Somalie, où pourrit un conflit oublié. Des pirates en rupture de ban, des chefs de guerre sans foi ni loi se disputent les dépouilles d’un Etat néant.
Les jours passent. Les pétitions de principes succèdent aux pétitions de principes. Les mots moussent, mais glissent comme l’eau sur les plumes d’un canard. Ils engendrent de nouveaux maux qui ne cessent de faire monter le thermomètre et le tensiomètre. Boni Yayi hérite ainsi d’une Afrique malade. Il aura ainsi passé la moitié de son mandat à jouer les gardes-malades ou les sapeurs-pompiers. Sans qu’il soit sûr que tout ce temps passé au chevet de l’Afrique aura, à la fin, les effets adoucissants d’un baume réparateur sur le corps et le cœur de ce continent.
Nous avions rêvé que la Présidence en exercice de l’Union africaine par notre pays nous donnerait l’occasion de prendre une grande et belle initiative. Celle, par exemple, de faire du Bénin non plus le quartier latin, mais le quartier africain de l’Afrique. En somme, un retour sur nous-mêmes, avec l’espoir de grandir, enfin, sur nos propres racines. Des racines lavées de toute latinité , pour afficher la fraîcheur et la verdeur d’une africanité incontestée. C’est raté !