Le Bénin est malade. Point n’est besoin de réunir des preuves pour le montrer. Convenons qu’un Bénin malade ne peut être peuplé de neuf millions de Béninois en bonne santé, débordant d’entrain et de vitalité.
Le Bénin malade induit que les Béninois ont mal à leur pays, souffrent dans leur corps et dans leur cœur, s’interrogent gravement sur leur avenir.
Peut-on, en son âme et conscience, reconnaître que le Bénin est malade et se taire sur la maladie dont souffrent les Béninois ? Certaines de nos traditions voudraient que l’on garde le silence sur les maux qui minent un patient. Par décence surtout. Moins on en parle, mieux cela vaut. Réalité d’hier, vérité d’aujourd’hui : qui se plait à cacher le mal dont il souffre, se comporte comme une poule qui couve des œufs pourris.
Il s’y ajoute que nous sommes en démocratie. Ici, la transparence fait loi. C’est l’un des critères majeurs de gouvernance, d’une bonne gouvernance. Par rapport à quoi, le silence, la langue de bois s’apparentent à une démission, sinon à une complicité coupable. La démocratie récuse la langue de bois. Tout comme elle récuse la culture du secret et de la confidentialité. Quand on s’avise de tout cacher, c’est que le mensonge et la manipulation ne sont pas loin.
Dans ce Bénin qui boitille sur le chemin de son développement, sans vraiment savoir ni où il pose les pieds ni vers quel horizon il dirige ses pas, trois voix, la semaine dernière, ont retenti à nos oreilles comme les sept trompettes du réveil. Ces voix se sont attachées à dire haut et fort la vérité tapie au plus profond de nos consciences. Ces voix ont secoué les Béninois plongés dans une douce torpeur. Ces voix ont appelé les uns et les autres à un sursaut salutaire.
La première de ces voix est celle d’Albert Tévoèdjrè. Dans une correspondance, en date du 19 juin 2012, adressée au Chef de l’Etat, à en croire certaines indiscrétions, le Médiateur de la République met, à sa manière, le doigt dans la plaie (Citation) : « Une écoute régulière de nos concitoyens et de nos responsables à tous les niveaux – responsables politiques, syndicaux, religieux, etc. une lecture même superficielle des journaux de toutes tendances, une interprétation intelligente du silence têtu de certains acteurs étrangers, tout nous oblige à constater une inquiétude qui s’épaissit ». (Fin de citation).
La deuxième de ces voix est celle de l’ordre des avocats du Bénin. Dans une déclaration rendue publique, en date du 22 juin 2012, sous la signature du bâtonnier Arthur Ballé, les avocats du Bénin tirent la sonnette d’alarme (Citation) : « Depuis un certain temps, la gouvernance de notre pays est ponctuée d’actes dommageables et contraires à la loi. Le gouvernement lui-même les qualifie d’actes de gouvernement ou les justifie par la raison d’Etat. Cette situation est préoccupante en ce qu’elle engage la crédibilité de l’Etat, la sécurité juridique, la paix sociale, l’essor économique, et hypothèque l’avenir de notre pays ». (Fin de citation).
La troisième et dernière de ces voix est celle de l’Institut des Artisans de Justice et de Paix/le chant d’oiseau (IAJP/CO). Le directeur de l’Institut, l’abbé Raymond Bernard Goudjo, signe un appel, en date du 19 juin 2012. Cet extrait suffit à nous édifier (Citation) : « Le processus conflictuel interne dans lequel notre pays s’engage avec la complicité complaisante, voire bienveillante de tous ses citoyens, surtout de ses cadres qui en portent actuellement une haute responsabilité morale, nous propulse, aujourd’hui, dans une terrible dictature de la démocratie. Toutes ces bagarres du faux pour le triomphe du faux nous conduisent à nous poser sous forme d’invitation à réfléchir et à méditer les questions suivantes : aimons-nous vraiment notre pays ? Pensons-nous vraiment à l’avenir de nos enfants ? Pourquoi n’avons-nous pas la grande simplicité, voire l’humilité de reconnaître nos erreurs et nos échecs pour mieux rebondir ? » (Fin de citation)
Dans la grisaille d’un Bénin en crise, voilà trois voix autorisées. Nul doute qu’il y en a des milliers d’autres voix restées inaudibles. Elles ne bénéficient ni de la même notoriété ni de la même audience. Mais elles disent et clament toutes une seule et même vérité. A savoir que le Bénin est malade. A savoir qu’il sonne à l’oreille de chaque Béninois et de chaque Béninoise, l’heure de la délivrance. Saurons-nous entendre et comprendre l’appel ? « Vous connaîtrez la vérité et la vérité vous affranchira ». (Jean 8. 32)