A l’école des nouveaux maîtres

La leçon nous vient des Etats-Unis. On n’est pas professeur à vie, gérant tranquillement une carrière monotone et linéaire. On choisit de mériter d’être professeur  et de le rester, à la suite d’évaluations régulières et satisfaisantes. 

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C’est ce qu’il convient de retenir, en substance, de la conférence publique animée par le Dr  Désiré Baloubi, professeur titulaire de chaire, Chef du département des sciences humaines à Shaw University aux Etats-Unis d’Amérique. C’était, la semaine dernière, au Centre culturel américain, à Cotonou.

Cette idée de l’évaluation du maître sonne, dans le contexte béninois, comme une nouveauté. Pour ne pas dire comme une incongruité. Car, ici, à l’intérieur du périmètre national du Bénin, c’est le maître qui a vocation, compétence et mission à évaluer les autres. Comment, dans ces conditions, soumettre à évaluation l’évaluateur suprême ?
Nos traditions prescrivent qu’on ne pisse pas sur le « vodun » ou la divinité entre les mains de qui repose son destin. Un tel scandale relèverait d’une indicible et incompréhensible  impertinence. La culture française, dont nous sommes les héritiers, a consacré le maître comme un mandarin. Il s’agit, dans l’ancienne culture chinoise, de ce  personnage considérable, de ce fin lettré muni de titres. Son autorité intellectuelle ne souffre la moindre contestation.  Le maître, dans notre système éducatif est un mandarin. Il n’est pas loin de Dieu. C’est, si l’on veut, un demi dieu, au-dessus des contingences humaines.
Vous commettriez un crime de lèse autorité si vous preniez le risque d’évaluer celui que le système éducatif a consacré évaluateur, lui conférant, sur les autres, un droit de vie et de mort ? La philosophie qui sous-tend le système éducatif américain se situe aux antipodes d’une telle vision, d’une telle  conception du maître. L’évaluation saisonnière à laquelle il se soumet, loin de ternir son aura, l’habille de la lumière du savoir et de la connaissance et le grandit dans son magistère. Pourquoi devons-nous faire l’option d’aller dans la même direction ? Pourquoi devons-nous faire, au Bénin, de l’évaluation de nos maîtres, dans tous les ordres d’enseignement, le critère de promotion de l’excellence et de célébration de la qualité ?
L’évaluation des maîtres permet à ceux-ci de se remettre en cause. Parce qu’ils vivent dans un monde en mutation rapide. Tout va vite et le train du progrès ne traîne pas en gare. Ce sont les premiers qui, à force d’audace, prennent place dans le train et ont l’honneur et le plaisir du voyage. Ils peuvent espérer migrer intellectuellement. Etant entendu que celui qui fait du sur-place n’avance pas. Il recule.
La qualité du maître qui a su se remettre en cause explique la qualité de son enseignement. Car qui a beaucoup voyagé en esprit, a beaucoup vu avec les yeux de l’esprit. Ce qui le prédispose à avoir beaucoup à partager des beaux et succulents fruits de l’esprit.
L’évaluation des maîtres permet à ceux-ci de remettre en cause leurs enseignements. Tel qu’il est dit que c’est « la fonction qui fait l’organe » et qu’un muscle qui ne travaille pas est condamné à s’atrophier, un enseignement qu’on manque de remettre à jour n’est ni plus ni moins qu’une marchandise avariée. D’un savoir non actualisé, non renouvelé,  le maître peut se gargariser. Pourvu qu’il se rende compte un jour, quoique irréparablement tard, des indigestions entraînées,  des intoxications infligées, des empoisonnements mortels provoqués. La sagesse des nations l’a gravé dans du marbre (Citation) « Celui qu’on instruit n’est pas un vase à remplir. C’est un feu à allumer » (Fin de citation). Et Dieu sait que nul n’a pouvoir de faire du feu avec des braises éteintes.
L’évaluation des maîtres permettent, enfin, à ceux-ci d’être de plain-pied avec les réalités du monde et de leur monde. S’adapter ou périr. Tel devait être la devise à faire placarder au fronton de toutes nos entreprises. Tu mangeras ton pain à la sueur de ton front. C’est Dieu qui l’a dit. En manière d’une recommandation expresse à l’adresse des hommes, ses créatures. Mais il se trouve que ce ne sont pas ceux qui travaillent comme des bêtes de somme qui sont les mieux rémunérés, les mieux récompensés de leurs efforts. Ceux qui gagnent à la loterie de la vie sont ceux qui font un travail intelligent et créatif.  C’est là toute la différence entre l’homme et le robot. Le premier est un concepteur de génie. Il utilise au mieux les ressources de son esprit. Le second est un exécutant. Il est programmé pour répéter et se répéter. Alors, qui voulons-nous être ? Des hommes ou des robots?

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