Bénin : le gouvernement met en danger le parc de la Pendjari

Dans votre parution d’hier, votre journal a publié une «explication de vote» qui m’a été attribuée. Tout en félicitant les efforts du journaliste pour saisir la quintessence de mes propos, je souhaite apporter quelques informations complémentaires qui permettront au grand public de se situer par rapport au scandale – encore un autre donc !- que couve le gouvernement.

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1. L’Assemblée Nationale a été invitée le mardi 2 Juillet 2012, à autoriser la ratification par notre pays d’une convention sur la conservation de la nature et des ressources naturelles. Les nombreuses questions posées par les députés par rapport à la situation actuelles de nos ressources naturelles ont conduit le gouvernement, représenté par le Ministre de l’Environnement, à se lancer dans une suite d’affirmations de principes, de démonstration de bonne volonté et d’autojustifications bien souvent éloignées de la réalité.

2. Ainsi, le Ministre a-t-il pu affirmer que le gouvernement mène actuellement une politique pour protéger les espèces d’animaux en voie de disparition. Pour apporter la preuve d’une telle affirmation, il cite quelques uns de ses actes de bravoure, dont le limogeage des deux directeurs de parcs, limogeage « qui ne porte pas atteinte aux principes de cogestion ». Ce genre de discours bien connus des béninois n’empêche pas les faits d’exister.

3. En vérité, les réactions épidermiques qu’on connait à ce gouvernement et le manque de maîtrise ont été à la source de diverses mesures contre-productives. Depuis les années 80, la problématique de la gestion des zones-tampons (entre les forêts ou les réserves et les habitats des populations) a fait l’objet de nombreuses études et expériences. On sait depuis lors au Bénin, qu’il s’agit d’une question complexe où les démonstrations de muscle ne servent à rien. La gestion de la Pendjari repose sur de nombreux textes juridiques, de principes, d’acquis en matière de contractualisation des relations entre l’Etat et les populations autour des ressources naturelles. L’affirmation de l’autorité de l’Etat ne saurait justifier des abus de pouvoir.

4. Il existe aujourd’hui des preuves que depuis Novembre 2011, les braconnages ont repris de plus belle, des éleveurs Peulhs conduisent leurs bêtes en pâturage dans le parc, augmentant le risque d’épidémies au niveau de la faune, une situation délétère s’est créée entre les populations et les structures étatiques. Le Parc de la Pendjari est plus que jamais en danger.

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5. Des citoyens béninois et européens se sont mobilisés pour exercer des pressions, en créant des sites Web et en lançant une pétition et en prenant diverses autres initiatives. Il y a aujourd’hui près de sept (7) mille citoyens du monde qui ont signé cette pétition. Il me semble maladroit de ramener toute cette fronde, comme je l’ai entendu au Parlement, à des manifestations d’humeur de « quelques européens, en quête de trophées », mécontents des mesures salvatrices du Ministre, mesures qui les empêchent désormais de piller nos ressources. Notre gouvernement, comme d’habitude fait de la fuite en avant et de la diversion.

6. Les initiatives citoyennes, peu importent les auteurs ou les acteurs, sur des questions aussi graves que la préservation des ressources uniques comme les aires protégées et les réserves de faunes doivent être traitées avec plus de respect et plus de maîtrise de soi. Lazare Séhouéto est signataire de la pétition. Je ne suis ni européen, ni en quête de trophée. Peut-être que je soulève juste une « polémique d’opposant »… Un gouvernement qui n’écoute pas son peuple est-il digne de diriger un pays en démocratie ?

7. La leçon nous a été donnée par les dirigeants de la KfW (le groupe de banques allemand, chargé de financer les actions de développement en Allemagne et dans le monde) qui viennent d’écrire aux Ministres des Finances et de l’Environnement. La correspondance de la KfW, en date du 22 Juin 2012, demande à la partie béninoise de lui fournir une réponse aux allégations faites sur les sites web. C’est cela. Les autres sont sensibles aux réactions citoyennes. Ils ne ramènent pas tout, à un traitement subjectif de quelques administratifs, souvent des spécialistes de « fiche ». La KfW, demande au gouvernement, de démontrer de manière crédible que les problèmes posés ont été résolus. La correspondance se pointe d’un avertissement : le Ministère de la Coopération allemande n’autorisera pas la négociation du contrat pour l’appui aux Fonds fiduciaire (EUR 12 millions, soit quelques 7 milliards de FCFA), si rien de crédible n’est fait. Ce Fonds fudiciaire négocié depuis près d’une décennie constitue aujourd’hui, le principal espoir de financement durable de la Pendjari pour les prochaines années. La lettre de la KfW a été envoyée en copie à la Banque Mondiale, l’autre institution qui finance le programme de gestion de la Pendjari. Cette démarche n’est pas forfuite. Ceux qui savent de quoi nous parlons mesurent la gravité de la situation.

8. Aucun gouvernement n’a le droit de mettre son pays et son peuple en danger. Je leur recuse ce droit. Peu importent les justifications du Ministre de l’environnement, il s’est trompé. Il s’est trompé en relevant les directeurs de leur fonction, comme s’il s’agissait d’une administration ordinaire. On ne suspend pas de ses fonctions, sans autres dispositions, une sage-femme penchée sur une femme en travail dans une salle d’accouchement. Il s’est trompé en se basant sur des rumeurs pour interdire la pêche aux populations de Tanoungou sur un fleuve dont le cours se trouve aussi au Burkina et où les populations burkinabè continuent de prélever les poissons. Il s’est trompé en introduisant des agents des eaux et forêts en dehors des dispositifs prévus, sans prendre au sérieux les AVIGREFS et en discuter avec eux, au préalable, dans une approche pédagogique et non de rudoiement, afin que les populations n’aient pas le sentiment d’être persécutées. Il s’est trompé en ne lançant l’avis de recrutement des Directeurs de Parcs que le 25 Mai 2012, laissant à un intérimaire non informé visiblement des exigences de son poste, la gestion du parc depuis Novembre 2011. Il s’est trompé en n’accordant pas une attention suffisante aux objections de la Banque Mondiale sur les termes de référence du recrutement des nouveaux directeurs.

9. Enfin, je veux refuser de désespérer et compter sur le gouvernement et sur le Ministre Ahanhanzo, espérant que pour une fois, une bonne intelligence des choses et des situations prendra le pas sur les humeurs personnelles et les cachoteries bureaucratiques.

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