Il était un trou. Un trou tout petit, mais qui, à force de négligence et d’insouciance, est devenu un cratère lunaire.
C’est à Cotonou que cela se passe. Plus précisément à Akpakpa. Connaissez-vous la bretelle bitumée allant de La Roche vers l’annexe de la Caisse nationale de Sécurité sociale, (CNSS)? Là où la voie fait un coude. Juste devant un magasin de meuble italien.
Elle n’est pas banale l’histoire du petit trou devenu un cratère lunaire. Elle symbolise à nos yeux notre errance sur les chemins du développement. Elle étale notre laxisme coupable devant ce qui nous touche et nous concerne au premier chef. Nous pensons à Racine dans ce fameux et célèbre cri de détresse : «Je me livre en aveugle au destin qui m’entraîne».
Notre petit trou a évolué rapidement, passant d’une fondrière à un cratère qui s’est transformé en une tranchée profonde, en passe de couper la voie sur toute sa largeur. Avec la saison des pluies, c’est un véritable lac qui s’est installé au milieu de la chaussée. Les eaux qui s’infiltrent s’attaquent à la texture même du bitume. Ce qui fragilise tout l’ouvrage.
Aucune autorité, à notre connaissance et à ce jour, ne s’en est inquiétée. Aucune initiative, que nous sachions, n’a été prise pour limiter les dégâts, cautériser la plaie qui s’élargit et s’approfondit. Sauf le sens de la débrouille de quelques bonnes volontés du quartier. Elles comblent vaille que vaille ce lac. De dérisoires expédients, d’insignifiants remèdes pour aller à l’assaut d’un mal contre lequel il en faut plus et mieux.
Qu’attendent les autorités compétentes pour réagir? Que veulent-elles avant de se décider à sortir de leur léthargie et de leur indifférence? Que s’aggravent, chaque jour, les désagréments en tous genres causés aux usagers? Que se poursuivent les casses sans nombre de véhicules? Que se multiplient des accidents avec mort d’homme? CAPP FM, votre radio, a cru devoir lancer une campagne d’une semaine pour faire constater, pour sensibiliser, pour interpeller. Mais rien n’y a fait. Nous avons prêché dans le désert. Mais nous tenons bon. Notre devise nous y invite et nous y incite (citation) : «Un lâcheur ne gagne jamais, un gagneur ne lâche jamais». (Fin de citation). Quelle leçon devons-nous retenir du ce petit trou de toutes nos inquiétudes devenu, depuis, le cratère lunaire de tous nos malheurs?
Première leçon : le sous-développement n’est pas une fatalité. On peut choisir de s’en libérer, comme l’esclave acquiert la puissance et s’élève à la conscience nécessaire pour se défaire de ses chaînes. On peut également choisir de s’y laisser engloutir et d’y construire sa tombe. L’histoire du petit trou devenu un cratère lunaire nous amène à conclure que, sans y prendre garde, nous nous habituons à notre condition de sous-développé, le sous-développement étant un peu comme nos odeurs. Nous finissons par ne plus les sentir. Les autorités compétentes ne voient rien. Les usagers ne disent rien. Mais le mal demeure.
Deuxième leçon : le sous-développement, c’est déjà l’enfer sur terre. Comment comprendre que tout le monde souffre d’un mal, mais qu’il ne se trouve personne pour oser conjurer le mal? Le sous-développement peut être vu comme l’expression d’une démission individuelle et collective. L’histoire du petit trou devenu un cratère lunaire nous amène à conclure que le sous-développement secrète une forme de paralysie mentale. Celle-ci est source d’atonie, c’est-à-dire manque de vitalité et d’énergie. Celle-ci est source d’aphonie, c’est-à-dire extinction de voix. Voilà le destin d’un ectoplasme, désignant une personne inconsistante, qui ne se manifeste pas.
Troisième leçon : le sous-développement fait perdre de la valeur à tout, car rien dans l’univers du sous-développé n’a du prix. Le sous-développement est ainsi affecté d’un coefficient de dépréciation et de dévalorisation sans pareil. L’histoire du petit trou devenu un critère lunaire nous amène à conclure que nous avons déjà oublié ce que nous a coûté cette voie. Pourquoi donc en prendre soin ? Pourquoi s’investir à l’entretenir ? L’argent des partenaires techniques et financiers à la construction de cette voie, n’aurait pas changé la donne. Comme on le voit, il n’y a pas de compromis possible avec le sous-développement, source de pauvreté. Nous avons affaire à une redoutable maladie contagieuse. Les sages bambara du Mali nous enseignent que «neuf pauvres et un riche feront un jour ou l’autre dix pauvres».
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